Bien que je respecte beaucoup cette fête du nouvel an
venant d’un rituel chamanique de « mort et renaissance »,
vieux comme la nuit des temps,
souhaiter la bonne année n’a jamais été vraiment ma tasse de thé,
je ne ferai pas partie non plus des millions de SMS prévus à partir de minuit,
– illustrant parfaitement ce que Paul Virilio appelle la bombe numérique
en parlant de la réactivité émotionnelle de ce monde virtuel,
dangereuse car laissant peu de place à la réflexion humaine.
Comment l’année 2011 peut-elle être bonne ?
De la réflexion, il en faudra pourtant une bonne dose, pour cette année nouvelle qui se profile à l’horizon ;
car l’année 2011 peut-elle être bonne en cette période de crise planétaire généralisée,
où tous les indicateurs sont au rouge ?
Face à l’inacceptable d’un système fondé sur le seul profit matériel de quelques uns,
exploitant sans vergogne la majorité de l’humanité et pillant la terre de toutes ses ressources,
ne faut-il pas mieux crier, à lamanière de Stéphane Hessel, : « je vous souhaite une vraie année d’indignation permanente et d’engagement nécessaire »,
pour tenter de sauver – s’il est encore temps – ce monde au bord du gouffre ?
Une année est trop longue pour être seulement bonne
Est-il possible en effet qu’une si longue période de temps puisse être bonne ?
Ne s’agit-il pas d’une fiction, d’un souhait irréaliste, pour se bercer encore d’illusions,
quand chacun sait que le temps qui passe, est une alternance
de bon et de mauvais, de bien et de mal, de beau et de laid,
– la tradition chinoise l’avait bien compris avec le yin et le yang, l’alternance des contraires.
Il faudrait mieux alors dire : « je vous souhaite une nouvelle année avec la capacité intérieure d’accueillir le bon et le mauvais d’égale manière, avec équanimité »
car vous en aurez bien besoin…
Seul le moment présent est bon
Projeter dans le futur, le bon ou le bonheur,
fait encore partie des grandes illusions de l’esprit humain,
avec le risque de courir éperdument derrière un leurre qui ne sera jamais au rendez-vous.
Comme le montre très bien Eckart Tolle et tous les sages,
le bon ne peut se vivre que dans le pouvoir de l’instant présent.
Il est plus judicieux alors de souhaiter à chacun « de vivre durant l’année 2011, la grâce du moment présent, capable d’élargir la Conscience et de réveiller l’Amour,
ces qualités essentielles si nécessaires actuellement à l’évolution humaine.
« Imaginez que vous n’avez plus qu’un jour à vivre… »
J’ai trouvé ces jours derniers cette réflexion d‘Osho,
Je trouve qu’elle convient bien à cette période de retour sur soi-même que constitue le passage du nouvel an,
comme un moyen intéressant de raccourcir le temps pour se relier à son essentiel.
« Imaginez qu’on vous dise que vous n’avez plus qu’un jour à vivre. Que ferez-vous ? Continuerez-vous à ne penser qu’à des choses inutiles ? Non, vous oublierez tout cela. Vous aimerez, vous prierez et vous méditerez, car il ne vous restera que vingt quatre heures. Les choses réelles, les choses essentielles, vous ne les remettrez pas à plus tard »
« Au coeur du présent » éditions Almasta
Tags : catastrophes, chamanisme, ciel, meditation, Osho, photographie, temps
Souhaiter une bonne année à autrui se conçoit avant tout comme un geste de sympathie voire d’empathie dans un sens large. C’est aussi une forme simple d’attitude compassionnelle sans autre amibition qu’un geste d’amitié désintéressé. Il faut le prendre comme une offrande ou un cadeau d’accueil, comme toute civilisation l’a toujours tenté.
Dans un deuxième temps, vouloir souhaiter le meilleur à autrui, est tenter de le (mais soi même aussi concomittament) mettre sur des rails vertueux, lui permettant d’être ouvert à l’autre afin de mieux accepter sa différence : « ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire mais comprendre » (Spinoza)
Dans le troisième temps, lui souhaiter le meilleur sur une certaine durée, une année, est en effet une dure mission : exercice suprême au résultat presque impossible voire improbable. Mais c’est précisément ce pari qui est tenté dans la formulation.
« Le bon ne peut se vivre que dans le pouvoir de l’instant présent ». Certes, mais celui ci peut aussi se renouveler un certain temps ou une certaine durée. Il peut être en outre fécond et se (re)générer en cascade. « Sois heureux un instant. Cet instant, c’est ta vie » (Omar Khayyâm).
Dans ce dernier sens, formuler un tel souhait est enfin aussi un « engagement » de chacun vers autrui, empreint d’esprit positif, proactif et constructif. N’est-il pas préférable à une « indignation » plutôt réactive, tournant sur elle même puisque ses motifs sont inépuisables ?
Merci de ce message intéressant, Bernard,
nous sommes d’accord sur l’essentiel : le pouvoir du moment présent qui permet à la conscience humaine de faire un saut qualitatif vers sa transformation, voir Eckart Tolle et tous les sages, dont tu as bien fait de rapporter cette belle citation du grand poète persan Omar Kayyam – et il est tout à fait possible comme tu le mentionnes d’intégrer cet état de conscience supérieur à la perception conventionnelle du temps linéaire, comme pour le régénérer.
Nous avons aussi des points de désaccord : parler d’empathie, de compassion, de mettre l’autre sur « un rail vertueux », me semble un peu exagéré pour une formule qui reste pour moi un peu creuse, convenue et conventionnelle, sans beaucoup de sens, même si – tu as raison – il y a tout de même dans ce souhait un geste minimal, sympathique d’aller vers l’autre, en une époque marquée par l’hyperindividualisme et la solitude.
Quant à l’indignation, nous ne sommes pas du tout d’accord : cette valeur m’apparait absolument nécessaire dans un monde, un système, en pleine décadence qui fait faillite. Comment ne pas s’indigner, quand on sait que le prix Nobel de la paix chinois est en prison ? Cette indignation, cette révolte est le moteur qui permet un engagement porteur de sens pour participer à la métamorphose de ce monde, comme le dit Edgar Morin.
Quant à la pensée positive, dont tu parles, excuse moi, mais elle m’apparait un peu dépassée : ce sont les années 80 et les belles illusions de l’esprit PNL, coaching, etc, en marche vers « l’excellence », dont on voit maintenant le côté caricatural et surtout dans le déni de la moitié de la réalité : « l’ombre », dont parle Jung. Actuellement, je crois que nous sommes plutôt face au retour du refoulé de cette ombre qu’on n’a pas voulu voir, c’est à dire dans une période de désintégration, où le négatif est à prendre en compte plus que jamais.
Oui, tu as sans doute raison sur tout mais notre monde d’aujourd’hui n’est pas plus décadent que ceux qui l’ont précédé : les drames antérieurs (inutile d’en faire la liste depuis des siècles et des siècles) sont plus cruels que ceux que nous vivons dans l’ensemble actuellement.
L’indignation semble n’être qu’une réaction à un aveuglement, un oubli, une incapacité ou une abscence de volonté d’avoir voulu ou pu comprendre ce qui ce passait. Pour reprendre l’expression de Spinoza, la première démarche reste celle de « comprendre » avant toute chose. Puis en fonction du degré de compréhension, l’engagement lui succède en seconde phase. L’indignation ne fait pas partie du cheminement logique : elle est a priori inutile ou du moins doit être circonscrite à sa plus simple expression dans le temps, la forme et l’espace.
Pour tout dire, à la suite de la première étape de la nécessaire et vitale compréhension des choses, une étape intermédiaire avant l’engagement pourrait être plutôt la compassion, c’est à dire la capacité à intégrer et à s’approprier la nature du problème (le Mal, la plupart du temps) puis mettre en place dans l’engagement les moyens d’y remédier.
Aussi dans le schéma précédent, l’indignation ne peut qu’apparaître comme une posture réactive voire épidermique, sentimentale et/ou sensitive et la preuve que quelque chose avait été « zappé » précédemment dans la considération du problème.
d’accord Bernard sur un monde actuel qui n’est pas plus cruel que par le passé. Mais la seule différence, c’est que la décadence que je préfère appeler la « désintégration » ou la possibilité du désastre, est désormais planétaire et menace de disparition l’espèce humaine dans sa totalité. N’oublie pas 1945 (Hiroshima) : la date charnière au sujet de ce changement de perspective, sur laquelle Arthur Koestler a suffisamment insisté. C’est l’aspect sombre et négatif de la fameuse mondialisation.
Tu as raison de revenir sur l’indignation, notre principal sujet de désaccord. Tu as raison de dire que la compréhension ou je dirai « la conscience globale » d’un problème est un ingrédient important d’un engagement pour le résoudre, de même que la compassion – j’ai envie de dire « l’empathie »- pour ceux qui souffrent ;
mais il n’en reste pas moins, que pour moi, l’indignation reste un sentiment précieux de notre dimension émotionnelle, afin d’abord de nous réveiller – surtout dans la période actuelle, où le système occidental de l’hyperconsommation matérielle maintient la plupart dans une sorte d’anesthésie repue. Ensuite cette indignation joue le rôle d’une sorte de moteur énergétique et vital qui pousse l’engagement dans son authenticité et son « entiéreté ». La compréhension seule pouvant conduire à des postures intellectuelles plus tièdes et distanciées. D’ailleurs tu cites Spinoza, j’ai envie pour ma part de parler de Nietzsche, dont l’indignation pour le vieux monde de la fin du 19e siècle a nourri la profondeur de sa philosophie.
Je te ferai grâce de tous les artistes que nous aimons tous les deux et dont l’indignation a fécondé le génie, avec Antonin Artaud, bien sûr, en tête.
Je viens de voir hier soir à la télé Stephane Hessel : une énergie de jeune homme à 93 ans… Ce qui me fait dire que l’indignation permet de rester jeune, même si Stéphane Hessel lui-même a dit que cela ne suffisait pas, qu’il fallait ensuite réfléchir et agir de manière juste.
Je pourrais faire la même remarque pour Edgar Morin : un jeune homme de bientôt 90 ans, indigné lui aussi par le monde actuel (voir l’article suivant « vers l’abîme »).
Je lis aussi dans « Vers l’abîme » d’Edgar Morin, cette phrase qui va dans le même sens : « la lucidité que donne la révolte éthique est devenue capitale pour comprendre la réalité. »
En d’autres mots, la compréhension juste de la réalité, n’est pas exempte d’émotion, sinon elle risque d’être une compréhension désincarnée, idéaliste, déconnectée. C’est le grand reproche que l’on peut faire à la
…philosophie. Heureusement Nietzsche est venu mettre de l’ordre là dedans !
Au sujet de la reflexion d’Osho, cela me renvoit à un livre que je trouve sublimissime .. « la dernière leçon » de Mitch Albom.. « c’est quand on apprend à mourir, que l’on apprend à vivre » ..
Au plaisir de vous lire …..en 2012 aussi :)..
Dia