Coeur brisé, Coeur couronné

Après le Transhumanisme, un bon ‘antidote est d’écrire un article sur le Cœur(1).

Il semblerait en effet que le Transhumanisme déteste le Cœur ; sait-il même sa signification profonde ?
Il ne parle du cœur que pour rêver à le changer en une prothèse artificielle capable de fonctionner trois cents ans.
Le Transhumanisme est unidimensionnel, il veut réduire l’être humain à un objet machinique – corps artificiel et pensée standardisée.
Il fait le déni des autres dimensions, et en particulier celle du Coeur.

En effet, le Coeur symbolique, dont nous allons parler, donne à l’être humain toute cette complexité qui en fait sa richesse :
son symbolisme réunit deux dimensions essentielles: la dimension émotionnelle et la dimension spirituelle.
C’est un symbolisme très ancien, qui vient de la nuit des temps, transmis par toutes les grandes traditions culturelles du monde entier.

Cette mémoire du Coeur, en danger d’oubli, nous allons tenter de la ranimer,
après avoir au préalable évoqué la tradition psychothérapeutique plus récente, dont la finalité principale est de réparer la dimension émotionnelle – ce que j’appellerai poétiquement « le Cœur brisé ».
Ensuite dans une deuxième partie, nous voyagerons parmi quelques grandes traditions ayant magnifié l’importance du Coeur en sa dimension spirituelle – je l’appellerai « le Coeur couronné », au sens où la couronne a été pendant longtemps un symbole de l’accomplissement spirituel.

Guérir le Coeur brisé

Quand une personne vient consulter en psychothérapie, ses maux sont multiples et variés, mais ils ont un élément commun, qui pourrait s’appeler le chaos émotionnel.
Etrangement, cette souffrance émotionnelle est toujours imprimée dans le corps physique,
s’exprimant sous formes de tensions, stress, douleurs, etc, toute une gamme de sensations multiformes et désagréables, localisées souvent dans une zone corporelle proche du cœur, c’est à dire le thorax, la poitrine, l’oesophage, avec des débordements vers la gorge, ou le plexus solaire.
C’est ce ressenti qui explique sans doute pourquoi le Coeur est devenu d’abord le lieu des sentiments et des émotions ;
quant au chaos émotionnel, il est tentant d’utiliser la métaphore du « cœur brisé ».

En pratique, le thérapeute va s’employer d’abord à susciter chez la personne une attitude d’observation, d’accueil, d’acceptation des sensations corporelles produites par les émotions, c’est la conscience du ressenti.
Curieusement ce travail préalable de conscience est la première tentative d’unification et d’intégration des brisures émotionnelles.
Si les sensations sont trop fortes, le thérapeute peut proposer aussi diverses techniques émotionnelles, afin d’évacuer le trop plein des émotions somatisées (ce sont les techniques de catharsis émotionnelle).
Si cela ne suffit pas, le travail continue par la recherche de l’origine des brisures émotionnelles. Les techniques sont multiples (PNL, TIPI, EMDR, hypnoses, Gestalt, etc) on les appelle techniques de régression au plus profond de l’inconscient. Démasquer les situations anciennes qui ont pu provoquer les brisures du cœur, mettre en lumière les désamours de l’enfance provoqués par les relations parentales et familiales, comprendre le passé psychogénérationnel, il s’agit encore et toujours d’accueillir, d’apprivoiser, de « conscientiser », afin de réparer en intégrant, en unifiant ce qui était séparé et brisé.

Une dernière étape est de savoir transformer l’énergie émotionnelle en une énergie créatrice ; cela conduit tout naturellement à l’élan spirituel et à sa plus haute manifestation l’amour. Du Cœur brisé, on passe au Cœur couronné.

Ouvrir le « Cœur couronné »

Les hommes d’autrefois n’avaient pas tant besoin d’un travail émotionnel préalable, ils passaient directement au symbolisme du Cœur, tout entier tourné vers la dimension spirituelle de l’être humain.

1 Le tambour chamanique : rentrer en résonance avec le Coeur de la Terre –Mère.

Il faut commencer le voyage par les peuples premiers et leur étonnante symbiose avec la Nature.
On désigne leur culture du nom générique de chamanisme. Il s’agit, par un certain nombres de techniques et de rituels, de s’unir avec les puissances de la nature : dieux et déesses, esprits etc …
Pour rentrer en contact avec ces divinités, l’instrument de prédilection est le tambour chamanique.
Il permet de rentrer en transe, transe collective, mais surtout transe du chamane, le plus apte à rentrer en relation avec ce monde de l’au-delà.
Le tambour induit la transe en reproduisant d’abord le battement du Cœur de la Terre- Mère.
Il s’agit alors par la danse, par le chant, par la méditation, de mettre en résonance le rythme du cœur de l’homme avec celui du Cœur de la Terre- Mère.
C’est cet alignement rythmique qui produit l’Etat Modifié de Conscience de la transe pour rentrer en contact avec les réalités de l’autre monde.

Ainsi dès l’origine de la culture humaine, l’importance du Cœur est mise en évidence symboliquement, comme lieu et moyen de la transformation intérieure vers la dimension spirituelle.

2 La déesse Maât et la pesée du Coeur des défunts

Transportons nous maintenant en Egypte, dans la plus haute antiquité, pour saluer la beauté de la déesse Maât (2):
c’est la déesse suprême de l’Egypte ancienne, fille de Ré le Dieu Soleil. Elle a pour mission d’incarner et de rappeler la justesse, l’équilibre et l’harmonie du Cosmos, pour préserver du chaos originel « Noun ».

Son apparition la plus redoutée, telle que nous le raconte « Le livre des morts égyptiens », est la pesée du cœur des défunts. Cela se fait en présence d’Osiris, d’Isis de Nephtys et d’Anubis ;
Maât a sorti son imposante balance ; sur une plateau est posé le cœur du défunt symbolisé par une coupe ; sur l’autre plateau, elle pose délicatement une plume d’oie tirée de ses cheveux. La balance doit se mettre en équilibre, de sorte que le cœur du défunt pèse l’exact poids de la plume. S’il est trop lourd, c’est qu’il n’a pas obéi aux préceptes de Maât et l’âme du défunt ira en enfer, dévorée immédiatement par le monstre Ammit qui attend affamé en dessous de la balance ; sinon l’âme s’envole légére vers le paradis éternel.

D’emblée, le symbolisme du Cœur, dans sa dimension la plus haute, est posé par le génie égyptien : le cœur humain devient le lieu symbolique, récepteur des principes suprêmes du Cosmos : la justesse, la mesure et l’harmonie.
Pour pondérer le propos : il n’y a que le Pharaon, principe d’autorité absolue, qui est le seul récepteur des qualités de Maât.
Pour les autres hommes, la seule possibilité est d’obéir au pharaon, s’ils veulent prétendre à la légèreté d’un cœur de plume…

exercice : assis immobile dans un endroit tranquille, fermer les yeux pour porter son attention vers l’intérieur ; quelques respirations conscientes pour installer un climat intérieur paisible, puis porter son attention au milieu de la pointrine, dans le lieu du Coeur symbolique. Respirer consciemment à cet endroit et ressentir peu à peu l’ouverture de cette zone produisant une douce chaleur.
Ensuite visualiser dans le ciel, l’image de la déesse Maât revêtue de son manteau en plumes d’oie. Puis visualiser un rayon de lumière provenant de cette image, qui ouvre votre cœur pour le remplir d’une douce effluve contenant justesse, mesure et harmonie, puis se laisser envahir dans tout son corps, dans toutes ses cellules, de cette effluve.

3 Avec les upanishads du yoga, le chakra du Cœur devient essentiel

Traversons la Mer Rouge et l’Océan Indien pour nous retrouver en Inde,
dans les temps les plus anciens, quand une vague d’instructeurs d’un nouveau genre s’est mis à enseigner les upanishads – upanishad veut dire s’asseoir auprès d’un instructeur spirituel.
La culture plus ancienne des Vedas centrée sur le sacrifice aux dieux par l’entremise des brahmanes tout puissants, passe au second plan, pour laisser place à une nouvelle attitude d’engagement personnel, de discipline et d’austérités (les yogas), afin d’intégrer à l’intérieur de soi-même les qualités divines, et cela par l’entremise d’enseignants d’un nouveau genre, des sages souvent solitaires, retirés dans des endroits à l’écart et entourés d’une petite troupe de disciples.
On est passé du sacrifice aux dieux à l’enseignement de la sagesse intérieure.

Il se trouve que dans cet enseignement restitué par une centaine d’upanishads, le Coeur a une place de choix.
Nous ne attarderons pas sur la voie de la dévotion pour le Seigneur suprême Krishna (Bhakti Yoga), dont le siège est aussi dans le Coeur : « Puisse l’amour impérissable qu’éprouve l’homme sans discrimination pour les objets fugitifs des sens, ne jamais abandonner mon cœur, ce cœur qui Te cherche. »(3).

Nous insisterons plutôt sur la voie plus pragmatique du Kundalini Yoga, voué à un intense travail énergétique sur soi-même reposant sur le système des chakras, un système de sept centres d’énergie situés le long de la colonne vertébrale depuis le périnée jusqu’au dessus de la tête. De nombreuses upanishads traitent de cela (4).
Le chakra du Coeur mérite un arrêt prolongé.
Situé le long de la colonne vertébrale au milieu de la poitrine, il est un centre d’énergie important, dont la première fonction est de relier, d’unifier les trois premiers chakras du bas dédiés à l’énergie primordiale du ventre et les trois chakras supérieurs reliés plutôt à la tête et l’énergie spirituelle du Ciel.
Ce lieu du Coeur mérite aussi un arrêt prolongé dans une introspection contemplative, car il en émane un ressenti unanimement partagé de paix, associé à l’amour et à la compassion, fonction unifiante par excellence.

Exercice : il n’est pas utile de connaître le système entier des 7 chakras. On peut commencer par focaliser directement son attention sur le chakra du cœur au milieu de la poitrine. Avec le souffle ressentir la paix intérieure de ce centre.
Ensuite, pratiquer la visualisation de certaines images symboliques : par exemple une fleur de lotus à 12 pétales, de couleur vert émeraude, avec au centre de la fleur, la lettre sanscrite yam que l’on peut prononcer doucement sur le souffle.
Puis visualiser cette lumière vert émeraude commençant à envahir progressivement le corps tout entier à partir du Cœur, elle amène paix, amour et compassion. Puis cette lumière s’échappe vers l’extérieur toujours au niveau de Cœur, comme des rayons s’en allant à la rencontre de personnes ou d’êtres vivants avec qui vous avez envie de partager votre amour.

4 Le qi gong : la descente de l’énergie de la tête vers le cœur

Dirigeons nous maintenant vers la Chine la plus ancienne.
A l’origine de toutes les techniques du corps et de l’énergie propres à ce pays, nous trouvons le qi gong ;
il peut être considéré dans la continuité du yoga indien surtout en ce qui concerne le système énergétique, car les relations entre les deux pays étaient constantes – 5000 kms à pied ou à dos de mulet était une petite promenade spirituelle revigorante !

Le qi gong se pratique debout, les pieds bien ancrés dans la terre, mais comme dans le yoga, le centre énergétique du cœur joue aussi un rôle symbolique essentiel de passeur et d’unificateur des énergies de la Terre et du Ciel.
Mais le qi gong ajoute aussi une dimension supplémentaire à cette fonction symbolique du Coeur :

Exercice : Après avoir travaillé une série de postures destinées à faire monter l’énergie de la Terre, d’abord dans la cavité abdominale, puis en passant par le cœur, le long de la colonne vertébrale jusqu’au sommet de la tête,
il s’agit alors de rester immobile les deux bras ouverts en coupe au dessus de la tête, afin de recevoir l’énergie du Ciel (visualiser une lumière blanche étincelante comme une pluie lumineuse),
puis ramener les deux mains en salut au dessus de la tête, comme si l’on compressait la lumière en une petite sphère,
puis descendre les deux mains le long de la tête, de la gorge, de la poitrine, jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent naturellement dans leur descente, sans forcer, dans un endroit qui est très exactement le centre du Cœur pour chacun.
Prendre alors le temps comme pour le yoga de partager cette énergie à soi-même, aux autres et à l’univers.

L’important dans cette pratique du qi gong, c’est que le chakra du Cœur devient le point d’aboutissement de toute la progression énergétique et symbolique.
La tête est pour ainsi dire détrônée avec ses deux centres d’énergie entre les deux yeux et dans la couronne. Il s’agit de faire descendre l’énergie vers le Cœur, point ultime de l’évolution énergétique.
En terme spirituel, cela voudrait dire que la Pleine Conscience centrée symboliquement autour de la tête, a besoin pour devenir vraiment efficiente, de la descente vers le Cœur, afin de s’incarner sur Terre dans l’amour. L’Evolution vers la Conscience a besoin d’une Involution vers le Cœur, pour devenir une conscience en acte.

5 Une superbe méditation : la méditation Tonglen au Tibet

Ce n’est pas un hasard s’il faut nous diriger maintenant vers les hauteurs du Tibet,
pour rencontrer, toujours plus haut, les qualités spirituelles du Coeur.

Aux alentours du 11e siècle, un grand maître bouddhiste d’origine indienne, Atisha, part au Tibet afin d’y introduire une nouvelle méthode de méditation, la méditation de la compassion, qui va s’appeler « Tonglen ». C’est le « nec plus ultra » de la méditation, et encore une fois son siège se situe dans le Cœur :

Exercice : quand vous inspirez, imaginez que vous absorbez dans votre cœur toute la souffrance, tous les maux, toute la détresse, toute l’obscurité, toute la négativité de l’humanité et du monde.
Puis en rétention du souffle laisser cela infuser un moment dans votre Coeur.
A l’expiration imaginez que vous expirez toute la joie, tout le bonheur, toutes les bénédictions qui vous emplissent.

Seul le Cœur est capable de cette magie,
il est une formidable force de transformation de l’énergie.
Cette méditation puissante peut se faire aussi pour soi-même en visualisant sa part souffrante à l’extérieur de soi, ou pour quelqu’un d’autre en particulier, ou pour un groupe de personnes.

Conclusion

Il nous faut bien sûr pour parfaire ce voyage, revenir en Occident, et parler de Jésus,
sûrement le plus bel exemple de l’ouverture totale du Coeur, du Cœur couronné (5) :

« Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? Jésus lui dit :
Tu aimeras le Seigneur comme ton Dieu de tout ton Cœur…
voilà le premier commandement. Et le second lui est semblable :
tu aimeras ton prochain comme toi-même…» Matthieu 22

Arrive alors le terme du voyage, car on ne peut aller plus loin que Jésus dans l’incarnation des qualités du Cœur.

Mais le risque est alors de ressentir comme une désillusion, une amertume, un doute.
L’ouverture du Cœur couronné, dimension suprême de l’être humain, apparaît plutôt comme l’exception la plus rare,
au milieu d’une histoire humaine, confuse, chaotique et sanguinaire.
De temps en temps, apparaît bien un maître, un sage, un saint ou de petits groupes d’hommes qui cherchent à vivre autrement dans l’altruisme et l’amour, mais ils sont plutôt rares et se font le plus souvent traiter avec mépris d’illuminés.
Le bilan du Coeur symbolique de l’être humain serait assez décevant,
et ne parlons pas encore du spectre du Transhumanisme, le rêve fou de la nouvelle religion dominante, vouée à la technoscience :
il n’y a plus de Coeur, mais l’ « hubris »(6), la démesure, la démesure technologique sans nulle trace d’amour.

Face à tout cela, non seulement il est attendu un sursaut de Conscience d’homo sapiens, conduisant à sa dimension suprême, le Coeur,
mais encore, il n’y a pas le choix : dans cet océan de misères et de souffrances dans lequel est noyé l’être humain,
le seul chemin possible, reste l’ouverture de la Conscience et du Coeur, que ce soit individuellement ou en petits groupes éclairés, donnant l’exemple et rappelant le seul chemin possible de l’évolution humaine.

L’époque actuelle me semble plutôt propice à ce chemin.
Malgré le bulldozer du neolibéralisme économique et sa société de l’hyperconsommation aveugle, qui détruit inexorablement la planète et sa belle nature,
il y a beaucoup de brèches et de marges de liberté, par où, me semble-t-il, se font entendre de nombreuses voix différentes, qui cherchent à vivre autrement, selon les lois ancestrales d’une Sagesse fondée sur l’Harmonie, la Conscience et le Coeur.

(1) cœur écrit avec une minuscule désigne le cœur physique, Coeur avec majuscule le Coeur symbolique.
(2) cf : « Maât, Egypte miroir du ciel » Fernand Schwarz éditions des 3 Monts (2009)

(3) Vishnu Purana I, XX, 19 cité par Swâmi Vivekananda « les yogas pratiques »
(4) cf : « Les upanishads du Yoga » traduits par Jean Varenne
(5) c’est traditionnellement un cœur percé par des clous ou une lance, surmonté d’une croix et entouré de flammes
(6) pour les Grecs anciens, « l’hubris » est l’attitude la plus détestée des dieux, car elle mène au chaos et mérite le châtiment divin.

Cet article a été écrit pour le magazine Santé Intégrative n°45 (mai-juin 2015),
pour son dossier consacré au coeur.

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16 réponses à “Coeur brisé, Coeur couronné”

  1. caroline dit :

    MERCI encore pour cet article plein de Vie…. écrit par le Coeur couronné ?

  2. catherine dit :

    Douce lecture comme première méditation matinale, avec changement de fuseau horaire, ici, à Vancouver.

  3. François Degoul dit :

    Merci, Alain, de cette entrée illustrant des traditions différentes, et souvent étonnamment convergentes.

    Etonnante, en Egypte, cette sacralisation de « Pharaon, principe d’autorité absolue, qui est le seul récepteur des qualités de Maât », avec cette tentation propre à tous les pouvoirs et à toutes les religions de s’approprier indûment le sacré.
    Etonnante aussi, cette « pesée du cœur des défunts », avec cette intuition, si largement partagée dans diverses cultures, que l’après la mort dépend de la vie menée sur terre.

    Pour Jésus, je vous sais gré d’en avoir fidèlement rapporté le résumé qu’il donne lui même de son enseignement: « le plus grand commandement », c’est-à-dire l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Là encore, l’appel à aimer l’autre comme soi-même, principe juif qui a été plus tard qualifié de « règle d’or », se retrouve largement hors du christianisme.

    Mais ici se pose effectivement la question que vous posez: que faire de cet appel difficile dont notre époque semble souvent si éloignée?
    Pour redire les choses autrement que vous, je risquerais un jeu de mots mnémotechnique: de cet appel de Jésus, on peut « s’amuser » comme d’une naïveté humaniste ou préscientifique à l’époque du transhumanisme.

    On peut aussi en faire un objet de « musée » dans une étude historique des religions.

    Et on peut simplement en « user », en se posant quelques questions :

    Première question, ne peut-on vraiment aller « plus loin que Jésus dans l’incarnation des qualités du Cœur »? Question taboue? Mais alors pourquoi Jésus aurait-il dit à ses disciples « celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais : il en fera même de plus grandes » (Jean 20 /12). Et de fait, un Gandhi a su pratiquer l’amour des ennemis avec plus d’harmonie que Jésus, qui en a énoncé le principe, mais qui de son vivant n’a pas réussi à éviter l’affrontement violent : vendeurs chassés du temple, représailles de la mise en croix. Et le Gandhi qui mourra de sa belle mort fera encore mieux que le Gandhi réel assassiné.

    Autre question : espérons-nous réellement comme Jésus que le modèle qu’il a initié peut par rayonnement engendrer ce qu’il appelait le royaume de Dieu, mis en marche par les premiers chrétiens puis progressivement noyé dans les sables d’une religion centrée sur un culte, des dogmes et une hiérarchie? autrement dit peut-on espérer que dans le monde des pouvoirs – les Romains et le sanhédrin de son temps – peut émerger par l’amour l’alternative d’un monde nouveau d’abord microscopique comme une graine, puis de génération en génération croissant comme un arbre (parabole du grain de moutarde (Matthieu 13/31-32 etc.)?

    Sommes-nous prêts à nous investir individuellement et collectivement, dans la diversité encourageante que vous suggérez, Alain, pour avancer dans cette voie?

    Pour ma part, j’assume totalement votre conclusion: « il n’y a pas le choix : dans cet océan de misères et de souffrances dans lequel est noyé l’être humain,
    le seul chemin possible, reste l’ouverture de la Conscience et du Coeur, que ce soit individuellement ou en petits groupes éclairés, donnant l’exemple et rappelant le seul chemin possible de l’évolution humaine. »

    • merci François pour cette réponse conséquente qui posent de bonnes questions ?
      A la première : « peut-on aller plus loin que Jésus dans la voie du Coeur et de l’Amour ? »,
      j’ai envie de répondre non,
      au sens où chaque maître de n’importe quelle tradition me semble tracer un chemin spécifique vers l’évolution et la réalisation de l’humain, portant en soi une sorte de perfection
      En ce sens on ne peut pas faire mieux que le Bouddha sur la voie de la méditation, on ne peut pas faire mieux que Lao tseu ou Chouang tseu vivant à l’écart dans la Nature et dans la fusion avec le grand Tout, on ne peut faire mieux que Kabir dans le rapprochement et la réconciliation de toutes les grandes traditions religieuses, on ne peut faire mieux que Gandhi dans la mise en oeuvre de la non-violence, etc, etc…
      Par contre, chacun selon sa nature peut individualiser, personnaliser le chemin qui a déjà été tracé ; et il y a sûrement quelque chose à proposer pour notre époque de spécifique et de nouveau, même si cela doit s’inscrire dans les grands courants, dans les grands chemins qui ont été déjà largement balisés et poussés à leur perfection par les grands maîtres, dont Jésus reste un exemple de perfection pour la voie de l’Amour.
      Vous semblez dire aussi que le fait d’éviter l’affrontement avec les pouvoirs ou idéologies en place seraient un critère de perfection spirituelle, au sens où nous attendons un jésus qui ne soit pas crucifié ou un Gandhi non assassiné. Sur ce terrain, il me semble que ce soit le Bouddha le meilleur, puisqu’il n’a jamais été inquiété durant ses quarante années d’enseignement et qu’il est presque mort de sa belle mort – même si par la suite ses héritiers ont été persécutés par le système religieux hindouiste, jusqu’à la disparition du bouddhisme en Inde. Donc, je crois que cela n’est pas un critère de perfection, au contraire, je pense que cela malheureusement fait partie du jeu étrange de l’histoire humaine marquée du sceau du tragique.
      Cela m’amène à votre deuxième question : « peut-on espérer un jour le paradis sur terre à grande échelle ? un monde nouveau où guerres, violences, souffrances ne seraient que de mauvais et anciens souvenirs ?
      C’est là François, où je me sens très pessimiste, ou plus précisément appartenant à un courant de pensée qui intègre le tragique de la condition humaine, un peu comme l’ont proposé les Grecs dans leur mythologie, et comment cela a tété repris par les gnostiques, ou plus récemment par Nietzsche, Il y a des chemins d’Evolution possibles pour l’homme, mais ce serait à titre individuel ou par petits groupes, comme l’expriment très bien la voie de certains héros comme Ulysse arrivant à concilier à l’intérieur d’eux-mêmes le chaos et l’harmonie du Cosmos.
      Le seul choix possible à titre individuel, c’est le chemin d’Evolution de la Conscience et de l’Amour, mais mieux vaut ne pas se faire trop d’illusion sur un salut collectif possible.
      Là, il n’y a une très grande différence presque inconciliable entre deux paradigmes :
      cette conception assez tragique et pessimiste sur la nature humaine et son histoire tristement récurrente, et une conception très optimiste par exemple du christianisme, optimisme qui a été d’ailleurs repris plus tard par la philosophie des Lumières qui croit elle aussi grâce à la force de la Science, de la Technologie et du Progrès matériel, à la possibilité d’un salut et d’un paradis sur terre, optimisme que l’on retrouve à un autre niveau encore chez un de mes mentors Ken Wilber et son échelle de l’évolution de la Conscience, aboutissant à un âge Intégral où tout est harmonie sur Terre. Je ne partage pas cet optimisme eschatologique, même si je puis utiliser par ailleurs au niveau individuel cette échelle de l’Evolution.
      Merci François de m’avoir permis d’exposer ces quelques pensées tout à fait discutables.

  4. François Degoul dit :

    Merci, Alain de cette réponse, pour laquelle seuls me viennent à l’esprit quelques commentaires ponctuels.

    1) Sur le fait de se situer, pour l’espèce humaine, dans une espérance optimiste comme je le fais ou dans la tradition pessimiste à laquelle vous vous rattachez, est-il intéressant de se demander d’où vient le choix personnel de chacun? Mais répondre à cette question, et même savoir s’il faut la poser, cela mériterait un long débat.

    2) Dans votre énumération des courants optimistes, ok pour les Lumières et pour Ken Wilber, mais pour le christianisme, c’est à nuancer. En effet, contrairement au judaïsme, pour qui le messie attendu doit simplement être un homme inaugurant l’ère messianique d’une terre heureuse, l’histoire de Jésus a brouillé les cartes.
    Lui a bien annoncé un « royaume de Dieu » à construire progressivement par l’amour, mais le message est mal passé, car ses disciples attendaient un messie les libérant du joug romain.
    Puis la crucifixion a été une douche froide, et la Résurrection (dont chacun peut douter), une joie immense, ravivant, après l’Ascension, l’espérance d’un retour du Christ à la « Fin des temps », retour qui inaugurerait la véritable ère messianique, que les disciples attendaient pour leur génération.
    Ensuite, ce retour tardant, la religion s’est installée et a a progressivement détourné l’espérance vers le simple salut individuel de l’âme par le sang du Christ, ce bas monde étant qualifié de « vallée de larmes » dont il n’y aurait rien à attendre: les espérances d’un messianisme à la juive, dont Marx fournira un exemple célèbre, ont été, elles, rapidement qualifiés d' »hérétiques ».

    C’est pourquoi je préfère aux religions chrétiennes assez peu enclines à espérer le bonheur sur terre le courant spirituel d’Arès en Gironde, qui reprend l’espérance juive et « messianique » du bonheur terrestre, mais en le reliant très profondément au projet d’amour inauguré par Jésus.

    3) Sur la question de savoir s’il y a des voies spirituelles séparées dont chaque initiateur aurait atteint un point indépassable, je ne vous suis pas bien. Je souhaite, comme Gandhi et les premiers chrétiens, un monde où l’on puisse se libérer de l’oppression de façon non-violente. Avec Gandhi ce projet a porté des fruits remarquables, mais, je crois, il aurait pu en porter avec le temps davantage encore si la voie gandhienne avait été poursuivie et avait plus profondément convaincu hindouistes et musulmans de la vanité de leurs rivalités: là je rejoins Kabir.
    Quant à la voie bouddhiste (voie du retrait intérieur, abandonnant toute « confrontation » avec l’oppresseur), je ne la considère pas indépassable, car l’oppresseur est un homme mon frère, que mon amour, ma compassion… peut pacifier pour qu’il libère sa proie.
    Pour moi Bouddha, Lao-Tseu, Kabir, Jésus, Gandhi, ce ne sont pas des voies concurrentes ni indépassables, mais des lumières pour avancer dans cet équilibre si cher effectivement à Jésus et à Gandhi d’une transformation du monde fondée sur la transformation intérieure chère aux spiritualités orientales.

    Partant pour une semaine, je ne pourrai peut-être pas lire ma réponse avant mon retour.
    François

    • Je préfère me cantonner à la dernière réflexion que vous proposez, François.
      Je crois que là encore nous ne sommes pas d’accord, mais c’est tant mieux, car cela ouvre le champ des possibles ; ce serait vraiment ennuyeux, si tout le monde pensait pareil, s’il n’y avait qu’une seule vérité et cela surtout dans la dimension spirituelle.
      D’abord il me semble qu’il y a de nombreuses voies spirituelles, de nombreux chemins et que chaque chemin est pour ainsi dire balisé par des Maîtres, très différents les uns des autres, mais dont l’accès à la dimension spirituelle les fait se ressembler, comme s’ils en était tous illuminés.
      La tradition spirituelle orientale dénombre trois grandes voies d’accès, comme trois grands boulevards : ils se nomment Sat – Chit – Ananda.
      Sat, décrit et expérimenté par le Raja Yoga, c’est la Présence à l’Etre, elle est bien représentée par le Bouddha et sa proposition de la méditation silencieuse permettant d’accéder à l’expansion de la Conscience dans le moment présent – parmi les contemporains qui incarnent cette voie, je préfère d’ailleurs Eckhart Tolle à Jon Kabat-Zinn, pour son minimalisme sobre, sans concession au discours scientifique actuel qui appartient au mental.
      Chit, ou Jnana Yoga, c’est la voie de la Connaissance, ce sont les multiples écrits qui rendent compte de l’expérience spirituelle, et le mieux, c’est quand ils sont poétiques, c’est pour cela que les maîtres taoïstes excellent et que pour moi il n’y a pas plus fort que les 81 versets du Tai Tö king de Lao-tseu où coule la grande Connaissance intuitive de l’accès à la dimension spirituelle – rien à voir avec les systèmes de croyance et les dogmes qui recouvrent l’intuition spirituelle par les élucubrations du mental à n’en plus finir.
      enfin il y a Ananda ou Bhakti Yoga, c’est la voie de l’Amour, c’est la voie du Coeur, elle aime s’exprimer en acte plutôt qu’en mots, souvent elle est considérée comme la voie suprême, car elle s’attaque au plus grand scandale de la condition humaine, la séparation entre l’insupportable misère et l’arrogance de la richesse. En ce sens bien sûr, Jésus est un indépassable sur cette voie, mais il y a une multitude de Saints et de Maïtres qui l’incarnent comme par exemple Amma actuellement dans la tradition orientale.
      Ce que je veux dire en décrivant ces trois voies principales, c’est qu’on ne peut les comparer, il n’y en a pas une qui est meilleure qu’une autre, et les maîtres qui les incarnent ne sont pas comparables, ils représentent tous une proposition personnelle de perfection, chacun sur son chemin, chacun indépassable.
      Par contre, chaque personne peut être attirée mystérieusement par une voie, par un chemin, par un maître ; il est légitime alors qu’elle ait envie de le faire connaître et de le partager, mais il est dangereux de passer dans le jugement et de déclarer que celui-ci est meilleur que celui-là, car sur le plan spirituel, cela devient inapproprié et très dangereux, conduisant aux pires guerres irrationnelles. C’est comme si le trésor de l’intériorité humaine était défiguré par les élucubrations du mental voulant toujours avoir raison et comparer.

  5. François Degoul dit :

    A mon retour, Alain, je retrouve avec plaisir votre réponse, à laquelle je souscris largement, hors deux points à préciser.

    1) Votre dernier alinéa, qui met en garde contre le « jugement », se termine par le mot « comparer », qui , dans ce contexte, semble synonyme de « jugement ». Pour moi, comparer et juger, ce n’est pas la même chose. J’essaie toujours de ne pas « juger » l’autre. « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés », disait Jésus, et, comme dit une amie à moi « de quel droit juger l’autre? »

    En revanche, « comparer » intérieurement deux choses, c’est indispensable pour choisir, et vivre c’est choisir. Sur le plan spirituel comme au marché, je suis « attiré par » ceci ou cela, et je le choisis par comparaison, en me fiant à la fois à mon intuition et à ma raison.

    Ce qui ne va plus, c’est si je considère mes choix et attirances comme valables pour tous en tous temps et en tous lieux, et que je condamne ceux qui ont des attirances différentes et dont les « comparaisons » aboutissent à des choix différents. Juger ainsi l’autre, c’est faire preuve de l’intolérance dont vous soulignez bien le danger.

    Cette distinction opérée par mon mental entre comparaison et jugement me semble utile pour bien assumer mes propres comparaisons sans culpabilité, tout en ayant conscience que je n’ai pas à imposer mes propres choix ni à juger lez autres.

    2) En revanche, puisque vous me résumez aimablement la tradition orientale, ce ne me semblerait pas un bon usage du mental que de séparer systématiquement « Sat » et « Ananda ».

    Cette distinction mentale venue de l’orient éclaire bien à mes yeux la différence entre Jésus et Bouddha, mais intuitivement, pour moi, l’intériorité cultivée par la méditation et l’ amour s’exprimant en actes, c’est tout UN, l’UN de mon intime vécu.

    Comment expliquer ça? Quand je sens dans tous mes membres le bien être de la vie, cette « exaltation de la conscience dans le moment présent », je ressens en même temps quand je croise l’autre comme une expansion de mon corps rayonnant porté vers lui/ elle.

    Chez une maman l’amour de ses enfants est à la fois conscience du moment présent et élan protecteur se concrétisant en actes d’amour diversifiés.

    Ainsi la sexualité est à la fois « expansion de la conscience dans le moment présent » et « Amour », « voie du cœur » ayant je crois vocation à se sublimer en compassion et actes contre toute souffrance. Pas seulement l’ « l’insupportable misère des inégalités économiques », mais aussi toute souffrance physique et morale, sans parler du mythe de Platon où chacun doit retrouver sa moitié…

    • merci François pour ces pensées intéressantes, mais je ne suis toujours pas convaincu surtout sur le premier point au sujet de la comparaison et du jugement ; pour moi c’est « bonnet blanc et blanc bonnet », ce sont deux poisons du mental qui entraînent conflits intérieurs et extérieurs.
      Pour illustrer cela j’ai envie de vous raconter une histoire d’Osho comme je les aime, tirée d’un jeu de cartes nommées « perles de sagesse ». Cette histoire illustre une carte intitulée « la comparaison » :

      « Un samourai célèbre alla voir un maître Zen.

      En regardant le maître l’orgueilleux samourai fut frappé par sa beauté et sa grâce et se sentit tout à coup inférieur.

      – il y a quelque minutes encore je me sentais en pleine possession de mes moyens, confiant et voilà que je me sens tout petit, insignifiant, inférieur ; d’où celà vient -il maître?

      – attends répondit le maître je te répondrai toute à l’heure.

      Beaucoup de personnes défilèrent pour demander conseil au maître toute au long de la journée et le samourai commençait à trouver le temps vraiment long.

      A la nuit tombante, le maître lui proposa de le suivre dans le jardin.

      – « regarde les deux arbres qui sont là bas, le petit et le grand juste à côté. Cela fait des années qu’ils poussent ensemble, il n’y a jamais eu aucun problème, à aucun moment l’un a dit à l’autre  » pourquoi je me sens inférieur à toi ? » ou je me sens plus grand que toi ».

      Pourquoi selon toi, ces deux arbres vivent ils en paix? pourquoi ne parlent-ils jamais de leur différence? pourquoi je ne les ai jamais vu se quereller ?

      – « Parce qu’ils ne peuvent pas se comparer  » dit le samourai.

      * en effet acquiesca le maître, alors tu n’as plus besoin de me questionner. Tu connais la réponse. »

      Dès que vous cessez de vous mesurer aux autres, les idées de supériorité et d’infériorité n’ont plus cours. Alors vous êtes simplement.

      Pour l’arbre quelle importance y a-t- il d’être le plus grand ou le plus petit ? le moindre brin d’herbe a sa raison d’être, son utilité dans le monde, il est aussi essentiel que la plus grande des étoiles.

      Le chant du coucou est aussi précieux que le rayonnement d’un bouddha et la disparition d’un moineau appauvrit l’univers.

      Regardez autour de vous rien n’est séparé, tout est interdépendant, tout est nécessaire. Chaque forme qu’adopte l’existence est unique

      Chacun est indispensable et unique.
      Tout est comme cela doit être

      C’est cela la conscience religieuse. »

      • François Degoul dit :

        Je vous suis parfaitement, Alain.

        Avant même de recevoir votre réponse, je me reprochais de ne pas avoir été assez clair: j’ai en effet omis de distinguer deux sortes de comparaisons:

        – d’un côté la comparaison rivalité, comme dans votre histoire d’Osho, quand on se compare soi-même aux autres, avec le risque, soit de se dévaloriser, soit de dévaloriser et de juger l’autre. Je suis bien d’accord avec vous là-dessus.

        – mais d’un autre côté, ce que voulais dire, c’est que « vivre c’est choisir », et choisir notamment ce qui vous fait le mieux vivre, ce qui oblige à comparer.

        Ainsi je vais comparer les effets de deux médicaments pour choisir le meilleur, comparer les prix et qualités des produits au marché, comparer différents professionnels si j’ai besoin d’un plombier, d’un médecin… comparer différents exercices physiques et ou spirituels pour voir ceux qui me conviennent le mieux etc.

        Ceci peut m’amener à apprécier et suivre un tel plutôt que un tel… ainsi un homme choisit pour la vie une femme et réciproquement… éventuellement après avoir comparé… mais ça ne veut pas dire qu’on doit se fourvoyer dans la mépris de ceux qu’on ne choisit pas, ni porter sur leur personne un jugement qui les condamnerait d’une quelconque manière.

        • Que diriez-vous François de cette bonne nouvelle : nous avons raison tous les deux, mais chacun dans notre registre,
          Vous faites référence à l’importance de la comparaison quand il s’agit de notre dimension mentale, notre raison technico-pratique, afin de faire le meilleur choix.
          Je fais référence à notre dimension spirituelle, religieuse ou transpersonnelle. Là, la comparaison n’est pas de mise, elle est plutôt à déconseiller, elle a donné lieu, et le donne encore, à toutes les guerres de religion.
          Quand on se trouve dans cette dimension tout a sa raison d’être, tout fait sens, depuis la simple brindille sur le chemin jusqu’à la plus grande des étoiles, tout est acceptation et amour sans restriction.
          Un beau programme, non ?

          • François Degoul dit :

            Votre commentaire du 27 mai me plaît, Alain. C’est vrai que moi-même je connais bien souvent ces dimanches de la pensée où la vie est là au-delà de l’intellect.
            Et puis votre propos m’oblige à corriger ce que j’ai dit sur deux cas particuliers pouvant impliquer des comparaisons: le choix d’un conjoint ou le choix d’exercices spirituels.
            Dans ces domaines, comme dans ceux des choix philosophiques, religieux…, il peut y avoir choix réfléchi avec comparaisons plus ou moins conscientes, mais il peut y avoir aussi, sans comparaison ni truchement du « mental », le coup de foudre ou la conversion brutale, comme Paul sur le chemin de Damas.
            Pour moi, hormis la petite enfance, l’évolution de mes choix spirituels ne s’est jamais faite sans réflexion ni comparaison.
            Dans la mesure où vous-mêmes me semblez porter des comparaisons implicites du genre « la méditation vaut mieux que le mental » ou, dans votre dernière entrée, « l’ombre vaut moins que la lumière », dans la mesure encore où l’inévitable comparaison entre agrément et désagrément (plaisir et douleur) me semble profondément humaine,
            j’assume sans restriction mon « mental » d’être humain porté à la comparaison, sans en surestimer la valeur, et en essayant d’en faire bon usage.
            Et d’un autre côté, je serais curieux de savoir dans quelle mesure vos propres choix philosophiques et spirituels sont nés d’un coup de foudre et dans quelle mesure ils résultent de choix réfléchis supposant comparaisons implicites ou non.
            J’ai hésité à vous répondre, pour ne pas trop prolonger un dialogue déjà bien avancé, et toute réaction on non réaction de votre part sera la bienvenue.

            • Pour répondre à votre question, François, tous mes choix philosophiques et spirituels se sont passés de manière intuitives et irrationnelles, et il y a fort longtemps. En classe de philosophie : la découverte de Nietzsche et un peu plus tard la découverte du yoga qui m’a transporté pour un bout de temps – j’y suis toujours – dans le champ de la spiritualité orientale.
              Ensuite, comme j’adore la lecture, j’ai pu effectivement comparer avec d’autres systèmes de pensées, mais en fait, je n’ai jamais bougé de mes choix intuitifs, restés assez mystérieux, puisque rien ne me prédestinait à cela par mes programmations familiales.

  6. anny dit :

    C’est assez extraordinaire, ces dialogues en toute ouverture d’esprits. Nulle idée de secte, d’intellect qui déforme, prend le pouvoir, on s’y sent bien dans cet échange mutuel.
    L’homme mentalise tout au lieu de vivre la sagesse du présent, comme nous l’enseignent toutes les vraies cultures spirituelles ouvertes et non sectaires…
    Quand est-ce qu’on cessera de tout hiérarchiser et qu’on vivra dans l’unité du vivant retrouvé ?
    Quand est-ce qu’on pensera que tout est interdépendant, en nous-mêmes comme à l’extérieur de l’univers humain ?
    Je ne suis pas optimiste pour l’avenir de la terre, trop polluée, avec toutes ces espèces qui disparaissent, mais on peut vivre quand même dans l’harmonie avec un cosmos qui nous dépasse, qui nous grandit.
    Merci encore, j’aime bien savoir qui est optimiste ou pas sur notre tendance mondialiste et frénétique, c’est enrichissant d’être compris.

    • François Degoul dit :

      Ca me fait plaisir, Anny, de voir ici quelqu’un d’autre intervenir qu’Alain et moi pour contribuer à une démarche positive.
      Pour ma part, je ne me pose pas trop la question du « quand est-ce que…? ». Je me dis plutôt comme Gandhi: « soyons nous-mêmes l’avenir que nous voulons ».

  7. Gisèle dit :

    Tu as raison Alain cet article me plait beaucoup.
    J’adore tout, surtout les méditations et surtout celle avec le lotus.
    Merci.

  8. Pizza dit :

    Si si peperoni maceroni