De l’émerveillement à l’inquiétude du monde

 

L’émerveillement du monde

Mais pour nous l’existence est encore enchantée ;
à cent endroits elle est encore origine.
Un jeu de forces pures, auxquelles nul ne touche,
s’il ne s’agenouille et admire.
Rainer Maria Rilke  Sonnets à Orphée II, 10

Souvent me vient l’appel de l’émerveillement du monde,
au fond de la grande ville dévoreuse d’âmes
où il pourrait à la longue m’advenir comme une sourde lassitude.

Alors, a surgi un rêve
un rêve irrésistible du Grand Nord,
un songe immaculé de blanc venant de l’Arctique,

me rappelant sans doute avoir lu un jour dans un livre chamanique,
que le Nord était la direction spirituelle par excellence,
vers laquelle il nous est recommandé de nous tourner souvent,
comme une voie royale vers notre vraie Nature,
dont le secret bien gardé brille au fond des glaces éternelles.

Alors, je me suis dirigé, encore une fois, vers ces temples actuels
que l’on nomme aéroports,
où l’homme en foule se plaît, chargé lourdement de ses valises trop pleines,
aux transits de sa condition passagère.

Alors, me suis envolé, loin-là-bas, vers ces espaces lointains
brillant comme la promesse d’un regard premier,
quand l’homme a découvert avec étonnement émerveillé
la présence de cet écrin somptueux de la Nature
où il lui était offert de séjourner quelques temps.

Alors, se diriger vers un port où se trouve un grand navire de croisière,
attendant sagement sa cargaison de marchandises coutumières,

courir avec empressement sur le quai pour enjamber la passerelle,
entendre la sirène du départ, dont l’écho rebondit avec insolence
sur les toits de la ville endormie,
se précipiter sur le pont supérieur pour être au premier rang,
au plus près de cet écran géant,
capable de projeter le film d’une réalité aux multiples dimensions.

Alors, ne plus bouger, ne plus bouger, les yeux écarquillés,
pour une longue méditation,
face au jeu mystique du Ciel et de la Mer glacée,
quand rôdent redoutables sur leur terrain de jeu préféré,
les montagnes abruptes du grand Nord
dressant leurs moignons archaïques vers des nuages échevelés.

Alors, commence un long rêve éveillé,
les images s’étirent au ralenti dans le sillage silencieux du navire,
où l’on entend parfois dans le chuintement de la Mer
caressée par la pulpe du vent,
le cri strident d’un oiseau marin
pour vous rappeler à ce devoir d’Eveil auquel vous vous êtes engagé.

Grisaille de soie grise
Ciel et Mer confondus dans une étreinte mouillée
d’où émergent quelques rochers soulevés comme des poings placides,
au loin la montagne revêtue de blanc surveillant l’horizon,
la montagne massive repliée sur sa mémoire,
taciturne sur les secrets de la création du monde,
avec juste ces cascades pour dévaler des sommets
– cataractes de pleurs ou larmes d’un rire inextinguible ?

Ne plus bouger, rester là longtemps silencieux, recueilli, pétrifié,
à l’écart des conversations mensongères,
rester là immobile dans la direction du Nord,
humer le vent glacé,
toucher la densité du silence,
de ces montagnes alentour aux aguets du Secret,
elles qui semblent connaître si bien la nuit éternelle,
l’obscurité originelle avant toute lumière,
cette énergie noire d’avant la création des formes.

Passé le cercle Arctique, étrange paradoxe,
le soleil refuse obstinément de se coucher,
pour se venger sans doute de sa longue mise à l’écart,
ou plus simplement par cette loi de l’harmonisation des contraires,
quand trop d’obscurité demande son surplus de lumière.

Mais quelle lumière ! sur un jour éternel effaçant toute angoisse de la nuit !
quelle lumière jouant artistement avec des filaments de nuages déchirés,
avant de se diffracter sur le miroir complice de la mer
et éclabousser de tous les rouges possibles
ces vieux seigneurs récifs dressés avec entêtement
comme d’éternelles vigies montant une garde attentive
sur l’évolution du monde.

Glisse le bateau !
glisse en silence, en catimini, sur l’immensité bleue-nuit,
glisse sans déranger ces seigneurs rocailleux
figés en leur contemplation minérale depuis des millions d’années,
contourne prudemment les trous noirs en spirale de la mer avide de naufrages.

On entend le déclic des appareils photos déchaînés,
une prière pour gens toujours pressés,
volant à la dérobée ces fresques du ciel et de la mer
trop vastes pour la mise en images.

Le paysage devient de plus en plus essentiel
une austérité, un dénuement de toundra,
pas la moindre habitation,
l’homme se fait rare,
ça s’épure de tout superflu,
décroissance absolue,
le silence flirte avec le Vide,
le soleil d’une étrange pâleur
comme un trou aspirant vers l’Ailleurs,

le pont est désert,
de temps en temps une douche de pluie glacée,
les passagers se sont réfugiés au restaurant
s’engouffrer sans retenue jusqu’à l’obésité,

Le ciel est devenu gris-plomb
pesant de tout son poids sur les falaises,
on attend une cataracte de larmes célestes,

« eternal light, eternal night »
s’inscrit en lettres sombres sur le fronton d’un port,

l’envie de plonger définitivement dans cette eau noire
pour chercher un éclat du Mystère,
une bribe du Sens.

Aucun doute, Dieu est artiste
qui joue perpétuellement avec la Beauté du monde,
tout est une fresque parfaite
en ces lieux d’où l’homme est exclu.

Alors, se taire,
plier la nuque en signe d’allégeance,
se prosterner devant tant de Force, tant de Puissance,
impossible de ne pas être relié,
la religiosité naturelle,
être aspiré spontanément vers le Grand Tout,
sans intermédiaire, sans maître, sans prêtre, sans croyance, sans rituel,
avec aisance, avec évidence

le silence éclatant de Vérité,
irrésistible de Sens,
martelant jour et nuit et de toute éternité
sa Présence.

 

L’inquiétude du monde

« Notre époque est détraquée. Maudite fatalité
que je sois jamais né pour la remettre en ordre. »
Shakespeare, Hamlet

Il a bien fallu prendre le chemin du retour,
retrouver les grandes villes et leurs hommes préoccupés,
chacun chez soi, bien verrouillé sur son exil,
ou absorbé dans ces foules frénétiques avides d’en découdre.

Un ami à qui je racontais mon voyage du Grand Nord avec enthousiasme,
m’a tendu alors un livre avec un sourire un peu ironique,
voulant sûrement me rappeler aux dures réalités d’ici-bas.

Je l’ai lu d’une traite, avec beaucoup d’attention, beaucoup d’intérêt,
comme quelque chose d’essentiel
dont j’avais complétement ignoré l’existence.

Je découvrais la face d’ombre du Grand Nord,

je me retrouvais dans le monde de l’incontournable dualité :

après l’émerveillement, la sourde inquiétude.

Voici le compte rendu de ce livre paru dans le magazine Santé Intégrative
(n° 47 septembre – octobre 2015)

Passer par le Nord, la nouvelle route maritime
Isabelle Autissier, Erik Orsenna
éditions Paulsen Paris 2014

Le réchauffement climatique n’est pas une catastrophe pour tout le monde,
il y en a certains qui se frottent déjà les mains,
en rêvant à tous les profits à venir…
C’est un des messages important de ce livre, qui nous décrit de manière très documentée la nouvelle route du Grand Nord devant bientôt s’ouvrir pour les cargos porte-containers.

En effet, la route actuelle reliant l’Asie (en particulier la Chine)
avec les pays occidentaux (Europe et Etats-Unis), est bien trop longue,
obligée de faire un agaçant détour par le canal de Suez ou celui de Panama.
Désormais, grâce au réchauffement climatique,
dont les effets sont démultipliés dans l’Arctique (actuellement depuis 1950 : planète +0,6 °C, Arctique +2,1°C, avec des prévisions de +6°C à +10°C),
la banquise est en train de fondre à la vitesse grand V,
avec tous les sujets d’inquiétude que cela peut susciter :
libération de méthane et de polluants réchauffants (ozone et carbone noir),
appauvrissement radical de la biodiversité,
largage massif de polluants piégés aujourd’hui dans la glace,
exploitation facilitée des réserves de pétrole et de gaz avec tous les risques environnementaux habituels.

Mais ces inquiétudes ne sont pas également partagées :
de sombres puissances financières, commerciales et étatiques rêvent déjà d’une grande route libérée par la fonte des glaces,
permettant à la noria des portes- container de gagner quelques quinze jours très précieux sur la route actuelle de Suez.
Déjà huit pays se réunissent régulièrement pour « tirer des plans sur la comète » (Russie, Etats-Unis, Canada, Norvège, Danemark,Finlande, Islande, Suède),
afin de résoudre quelques problèmes techniques
mais surtout «se partager le gâteau ».

Si tout va bien, à l’horizon 2020 – 2030, quand la banquise aura complètement disparu, du moins pendant la période d’été,
pourra se dérouler le spectacle grandiose de ce cortège des cargos géants portant leurs containers multicolores sous le glorieux soleil de minuit...

Décidément on n’arrête pas le progrès !
Nous allons vivre dans un monde toujours plus fantastique !

 

Questionnements

Est-ce que la poésie peut résister à l’implacable étau des chiffres annonçant les catastrophes prévisibles du réchauffement climatique en Arctique ?

Est-ce que la Conscience de ces prévisions sinistres peut encore quelque chose face à l’avidité sans limite des puissances financières qui mènent ce monde ?

Y a-t-il un Dieu Amour offrant encore le libre-arbitre à l’homme, quand c’est la prédation généralisée qui mène l’histoire humaine d’horreurs en horreurs toujours plus insupportables ?

Faut-il combattre par tous les moyens cette folie ambiante et s’engager de toutes ses forces dans la mêlée, s’il en est encore temps ?

A moins qu’il ne faille imiter le sage taoïste se retirant dans ce qu’il reste de la nature, pour se réfugier au delà du Bien et du Mal, dans l’acceptation du Tao,
faisant confiance au grand Tout qui déroule ses spirales lumineuses  dans le mystère de la matière noire des univers à l’infini ?

J’aime aussi ce questionnement de Satprem, un célèbre disciple du maître indien Sri Aurobindo :

On n’est pas dans une crise morale, ce n’est pas une crise politique, financière, religieuse, on est dans une crise évolutive.
On est en train de mourir à l’humanité pour naître à autre chose.
Après cet homme douloureux et insensé que nous sommes et qui semble courir à sa perte,
y aurait-il autre chose, ou faut-il se résigner à la catastrophe et à la disparition de l’espèce humaine ?

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9 réponses à “De l’émerveillement à l’inquiétude du monde”

  1. Marko dit :

    Ce mouvement de va et vient entre création et destruction est bien familier… N’est-il pas du reste a l’oeuvre sur tous les plans de la Création… Ce qui me semble certain, c’est que la dimension intégrale de notre crise évolutionnaire, l’emprunte irréversible de l’activité humaine sur l’écosystème qui l’accueille et le constitue, l’accélération phénomenale de nos activités et de leur impact sur tout et sur tous rendent inévitable de se questionner, de se recentrer et de porter sa conscience a l’instar de Satprem sur ce qui reste lorsque tout tombe, lorsqu’il n’y a plus rien que Soi…
    Je me sens plus que jamais a la fois partagé, mais aussi en équilibre entre un amour débordant pour la vie et une conscience effrayante de l’abime dans lequel nous chutons collectivement… La chute n’est pas nouvelle, mais l’accélération me semble perceptible…
    Ce que j’aime a me rappeler pour renforcer ma conscience, c’est qu’il est déjà trop tard pour ne pas être… :) et que par ailleurs, ma vie comptée en dizaine d’années s’inscrit au coeur de phénomènes centenaires et millénaires (et plus large encore)… alors je n’ai plus peur de penser a l’extinction possible de l’espèce, seulement un gout amer pour tant de gâchis bien vite pansé par l’Amour qui m’anime…
    Merci pour tes textes Alain… un peu de lumière fait toujours beaucoup de bien… et c’est le seul moyen de pointer les ombres et de les intégrer dans nos trames individuelles et collectives…

    Aimer Jusqu’à Naître

    Qui voit ce qui se passe actuellement ?

    Est-ce que je le vois vraiment ?

    Elancé en mes songes, mes strophes,

    Quelle est mon accroche ?

    Le réel, certes, mais lequel ?

    Mon imaginaire se teinte d’éternel

    Pour percer les mystères des querelles.

    Qui boit à la Source de nos devenirs ?

    Les aveugles assoiffés parlent tout le temps

    Il faut se méfier de ces aimants trop bruyants.

    Ils attirent les âmes sur l’évidence irréelle,

    Brûlant nos ailes, détournant nos flammes

    De l’éternel combustible :

    Le bois dont nous sommes faits,

    La voix préalable à nos faits et gestes,

    Le silence, l’origine, la source de nos rimes.

    Qui la voit actuellement ?

    Sommes-nous libres de l’aimant ?

    Nous qui parlons au-delà des vents,

    Nous qui partageons l’élan du temps,

    Saurons-nous aimer jusqu’à naître

    Et vivre jusqu’à ne plus mourir ?

    ML (2015)

    • Alain Gourhant dit :

      merci Marko pour ce beau commentaire dont l’unicité nous sauve du néant…
      J’aime cet équilibre dont tu parles entre amour et effroi,
      mieux encore « il est déjà trop tard pour ne pas être ! »
      Je ressens cela comme le besoin de ces fêtes folles organisées à la fin du moyen-âge pour fêter la fin d’un monde, la fin d’un cycle,
      un surplus d’être pour une formidable destruction prochaine qui nous débarrasserait joyeusement du vieil homme et de sa vieille peau de petit primate destructeur.
      Il y a aussi comme une exhaltation d’être, un bouillonnement créateur en tout sens, une euphorie à l’extrême,
      tout est possible dans « le sans-limite », et ce sans-limite participe aussi à la destruction inexorable,
      paradoxe mystérieux, poétique,
      – la poésie en ces temps chaotiques va devenir redoutable -,
      la science ne fait plus le poids, coincé en ses piteux calculs,
      il s’agit d’un processus total qui nous submerge, une vague de déluge,
      et cela bien sûr, comme le suggère ton poème,
      pour naître enfin à l’Amour,
      une nouvelle forme est nécessaire, une autre incarnation,
      quand le vieil homme se sera détruit avec les programmations anciennes de son misérable cerveau,
      tout devient possible,
      naître à l’amour enfin !
      oui Marko, merci

      • Alain Gourhant dit :

        Dans un autre langage, plus rationnel, plus élaboré par le mental, loin du langage poétique précédent, ce qui est en jeu dans ce que vient de dire Marko, c’est la loi de l’intégration des contraires, qui se nourrissent l’un l’autre :
        une période actuelle d’ombres qui permet toutes les resplendissances de la lumière, destructions et catastrophes de plus en plus possibles qui se prêtent à toutes les tentatives de création, terreurs et inquiétudes qui côtoient les émerveillements les plus forts, l’inconscience généralisée appelant les plus beaux sursauts de la conscience, le démembrement et la dissolution demandant le retour à l’Unité et à l’Amour, mort et renaissance, initiation majeure de cette vie en son incarnation duelle, désintégration et intégration mêlées.

  2. François Degoul dit :

    Demain je pars, moi aussi en voyage,
    mais avant, quelques mots puisque personne d’autre ne se lance.
    J’attendais, j’attendais un premier commentaire.
    Huit jours, et rien.
    J’ai vite compris.
    C’est difficile d’ajouter quoi que ce soit à vos poèmes et questions.
    Vous nous laissez bouche bée.
    On vous comprend bien… et même trop bien… mais dans notre monde, et même dans ce blog, dire avec cette force lucide notre étrangeté d’hommes… cela coupe le souffle.
    Cette lumière trop vive nous est étrangère, nous dépasse, dépasse nos habitudes du ronron médiatique et de sa langue de bois pour qui tout drame et tout émerveillement sont rabaissés en banal exercice de journal télévisuel.
    Ca dépasse la limite du ronron médiatique. Cette LIMITE (latin LIMES) elle est comme SOUS (SOUS) vos pieds, d’où, d’après Jakobson, linguiste, le mot latin « sublimis » qui a donné « sublime ».
    Votre premier poème, que je n’ai lu intégralement que deux fois, mériterait bien davantage, et il pose bien des questions: la poésie, c’est quoi? pourquoi voyager? que nous dit la nature?
    et puis à la fin… avec la redécouverte désenchantée de la laideur, viennent ces questions métaphysiques sur la dualité… ces questions bien humaines et redoutables.
    Là, pourtant, je me permettrais d’aller un peu plus loin.
    Je ne veux pas me laisser piéger par le dilemme entre le combat et la sagesse taoïste, parce que le taoïsme, c’est la complémentarité, celle entre le Ying et le Yang ,
    mais cette complémentarité, pourquoi ne pas l’étendre à la complémentarité entre action et intériorité?
    L’action sans intériorité est animale, brutale, stérile…et le total retrait mystique ou méditatif a probablement sa stérilité aussi.
    Jésus, Gandhi, Martin Luther King ont été grands, ils ont sublimement dépassé cet effroi qui nous saisit entre ces deux effrayants extrêmes si présents dans vos lignes : celui de l’émerveillement qui met à genoux et celui de la bêtise humaine à en désespérer.

  3. Alain Gourhant dit :

    c’est un beau commentaire, François, presque poétique par endroit…
    Qu’est-ce que la poésie ? A quoi elle sert ? je m’en suis souvent expliqué en particulier sur mon site consacré à l’art dans « propos sur la poésie » :
    http://www.alaingourhant.fr/espace-creation/propos-poesie/
    En fait, elle ne sert à rien dans une conception utilitariste du monde, telle que celle dans laquelle nous sommes actuellement submergés. Elle est juste une bribe de cet autre langage au delà des mots pour exprimer un autre état de conscience que celui de veille, où nous sommes prisonniers.
    C’est pour cela que dans la poésie, le silence entre les mots est le plus important et il vaut mieux la lire tout fort et plusieurs fois, sans se presser,
    encore une fois complétement à contrario des habitudes actuelles, où il s’agit d’engouffrer le plus possible d’informations et le plus vite, dans ce qui s’avère devenir la poubelle de notre cerveau.
    C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les machines à contenir et trier les infos, vont devenir beaucoup plus performantes que ce pauvre cerveau, et remplacer peu à peu ce qui était la fierté de l’être humain, « par puces interposées – ce qui est poétiquement très drôle -, ce sont les puces qui vont venir à bout de l’homme…
    En route vers le « transhumanisme, où la poésie n’aura vraiment plus sa place, car ce n’est pas une information, c’est une trans-formation – au sens le plus spirituel du terme. D’ailleurs tous les grands textes fondateurs de la culture religieuse au sens large de religiosité – être relié -, ont été écrit sous forme de poèmes.
    Dans un autre commentaire je répondrai à la 2e partie de votre texte, François, à bientôt.

  4. Alain Gourhant dit :

    C’est un sacré problème, François, que ce monde de la dualité, où nous avons atterri brutalement en venant sur cette terre.
    Parfois, comme pour l’expérience de cette si magnifique région de l’Arctique dont la beauté a une grande chance de disparaître bientôt à cause du réchauffement climatique et la disparition de la banquise, mais cela pourrait être aussi la même chose pour ce magnifique pays de Syrie qui est devenue un immonde champ de bataille,
    alors devant cette dualité inflexible, à la limite absurde, on reste pantois, on demeure sans réponse face à un mystère aussi inquiétant qu’inexplicable, la pensée n’est plus d’aucun secours, on est passé dans l’impensable.
    Bien sûr, on peut toujours tenter de belles intégrations entre le bien et le mal, on peut comme dirait Ken Wilber « transcender et inclure » les opposés, pour naviguer à un niveau supérieur de conscience libérée de cette dualité,
    bien sûr, on peut aussi, comme le dirait la Bhagava Gita, faire la guerre, s’engager dans l’action, sans en attendre les fruits, sans vouloir de résultats, avec cette sorte de détachement de la conscience qui est prête à tout accepter même la mort, comme l’illustrent bien les trois grands maîtres que vous citez jésus, gandhi et Martin Luther King, dont le destin est assez similaire.
    bien sûr…, mais en attendant rien ne change, la dualité est toujours là plus forte que jamais en son implacable et effroyable mystère.
    C’est pour cela, même si actuellement l’engagement dans une action, comme vous le dites, éclairée par la conscience intérieure, reste le chemin privilégié pour notre culture occidentale, surtout quand la dualité devient plus effrayante,
    rien ne dit que le sage qui s’est retiré là-haut dans sa montagne en méditation sur ce mystère insoluble, n’est pas une solution tout aussi honorable et tout aussi difficile à maintenir.
    C’est Lao-tseu, écoeuré par toutes les intrigues à la cour de l’empereur, qui prend la fuite pour s’en aller vivre tel un vagabond au fin fond de la nature, après avoir écrit son chef d’oeuvre, obligé par un garde-frontière qui l’avait reconnu :
    « Le Maître reste en retrait
    c’est pourquoi il est en avance.
    Il est détaché de toutes choses ;
    c’est pourquoi il est un avec elles.
    parce qu’il s’est libéré de lui-même,
    il est complétement accompli. »
    Tao tö king 7

    « …reste simplement au centre du cercle
    et laisse toutes choses suivre leur cours. »
    Tao… 19

  5. Anny F dit :

    Retenons ces quelques idées, si vous le voulez bien :
    – Arrêtons de vouloir tout contrôler dans nos têtes. Notre planète souffre à cause de nous, des mèmes négatifs, que nous propageons. Laissons-nous Etre et laissons les autres êtres aussi, qu’ils soient peuples de l’Amazonie ou vers de terre.
    – Tout est interdépendant. Nous nous occupons un peu des enfants maltraités mais sachons que les peuples animal et végétal sont des martyrs. Tiens, par exemple, des milliards de pots de fleurs sont jetés dans le monde. Ces fleurs sont des vies que nous gaspillons. “Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé”, dit le Renard au Petit Prince.
    – Paul Watson : “40 % des poissons sont pêchés pour nourrir d’autres espèces. Les cochons en mangent plus que les requins” : tendons vers le veganisme sans sectarisme.
    – Tendons vers la non-violence mais sachons nous défendre des monstres, des manipulations mentales, du conformisme non réfléchi. Repensons notre vie. (Me disais-je en allant voir les bourdons sur les scabieuses ce matin et, hier au soir, les 15 dernières hirondelles d’octobre).
    – Limitons nos critiques, nos jugements et regardons-nous polluer nous aussi, être méchants nous aussi : Les politiciens sont des vendus, le WWF est corrompu, NIcolas Hulot est un guignol, Brigitte Bardot une hallucinée, etc… Dans la protection animale, j’en entends de toutes les couleurs : Et toi qui critiques, t’as pris ta bagnole ce matin, t’as pris ton ordinateur, tu sais bien que pour fabriquer des ordinateurs, il faut être complice du massacre des gorilles en Afrique, car le minerai est extrait dans leur patrie ?
    – Répandons l’empathie, mais soyons lucides : Les religions criminelles ne sont pas des religions, par exemple.
    – Pour vivre heureux, il faut s’émerveiller : “L’émerveillement est le premier pas vers la sagesse”, disait en gros le père Socrate.
    – Donc accepter ce qui arrive tout en orientant sa vie vers ce qui nous tient à coeur : je suis malade ? J’ai mon hygiène à réformer, je dois y réfléchir un peu. Ca m’aidera. (Au lieu de grogner contre la maladie).
    – Répandons un peu de joie, de lumière, d’humour, c’est le meilleur moyen de semer du positif dans le champ morphique de l’univers. Cela s’inscrira dans une mémoire vivante et non destructrice au sein de l’immense logicel des galaxies qui nous dépassent. (Ruppert Sheldrake en dirait autant, mais avec des termes plus savants).
    – A vous d’y ajouter votre intuition constructive.
    Je ne conclurai pas en parlant de paix et d’amour, c’est trop galvaudé, mais mon maître l’Hirondelle va bientôt partir pour l’Afrique équatoriale, (6000 kms et des traversées de la mer et du désert… avec 19 grammes de muscles et de plumes….), acceptante, résolue, forte, intuitive, reliée à la planète mère, non polluante, fière, humble, sage…
    – C’est donc à elle de conclure. Regardons-la et nous aurons des clés pour mieux vivre.
    Anny des hirondelles.

    • Alain Gourhant dit :

      Merci Annie, vous m’avez envoyé ce texte dans une sorte de newsletter que vous envoyez régulièrement, j’ai trouvé qu’il méritait de figurer en commentaire sur le blog, comme une sorte de réponse aux questions existentielles que je pose en fin d’article.
      Cela a le mérite d’être du vécu et cela véhicule une vision du monde que je partage : cette très grande confiance, ce très grand émerveillement devant la nature en son intelligence millénaire, face à laquelle l’espèce humaine semble bien pitoyable, surtout depuis qu’elle s’est engagée dans le délire techno-scientifique annonçant cette horreur du « transhumanisme ».
      Je crois aussi que nous sommes rentrés dans un temps de grande dualité à tous les niveaux, et en particulier entre ceux qui ont choisi une vie simple, frugale, dans la décroissance, en harmonie avec la nature ou ce qu’il en reste, et ceux qui font le choix d’un progrès technologique à outrance et sans limite, pour tout dénaturer, y compris l’homme lui-même.

      Vous demandez Annie d’ajouter son intuition constructive à vos sages préceptes,
      je dirai essayons de les suivre chacun à sa manière en toute créativité, en ajoutant peut-être le fait de ne pas en avoir trop d’attente, agir comme le recommande la Bhagava Gita sans attendre du résultat, dans la grâce du moment présent, en toute détente et avec beaucoup d’humour.

  6. fugier dit :

    Merci Alain, cela fait plaisir de vous lire, infiniment.
    Ce soir, deux chauves-souris dansaient dans le couchant, vivant leur vie, et méditer en face d’elles m’a donné le courage d’oser continuer à dire la vie simple, épurée, totale, libérée, ouverte, humble. Il en faut dans ce monde qui nous traite de doux rêveurs si on le contredit.
    Mais des consciences osent se lever.
    Merci pour votre site magnifique, vos actions, vos amis, merci.
    Avec la danse des chiroptères pour petit plus.