Cette réflexion commence par la lecture d’un livre,
un livre qui m’est apparu d’emblée prophétique,
comme s’il décrivait avec acuité ce qui actuellement,
soixante ans après, nous submerge,
au point qu’il est devenu presque banal,
d’envisager une disparition possible et prochaine de l’être humain.
« L’obsolescence de l’homme »
sur l’âme à l’époque de la 2e révolution industrielle
un livre de Gunther Anders éditions IVREA (2002, 1956)
« À un monde de violence et d’injustice, au monde de la bombe atomique,
on ne saurait déjà plus rien opposer que la révolte des consciences,
du plus grand nombre de consciences possible.
Georges Bernanos 18 mars 1946 »
Quel livre au titre magnifique, si poétique, si questionnant !
Ce mot « obsolescence » habituellement employé pour des objets devenus inutiles et que l’on jette, conviendrait-il donc aussi à l’être humain ?
Pour conduire sa démonstration,Gunther Anders est bien placé, il sait de quoi il parle, lui qui appartient à cette génération de l’apocalyptique dernière guerre mondiale avec, entre autres, Aldous Huxley, Jacques Ellul, Herbert Marcuse, Ivan Illich, etc.
Né en Allemagne en 1902, à quinze ans, comme entrée en matière de sa vie, il connait la grande boucherie de 14-18 ;
ensuite, afin de réfléchir sans doute à cette monstruosité, dont seuls les hommes sont capables, il se dirige vers la philosophie et fait ses études avec les plus grands (Husserl puis Heidegger) ;
là il rencontre Hannah Arendt, qu’il épouse de 1929 à 1937 – le couple philosophique et mythique par excellence !
D’origine juive il doit fuir face à la barbarie nazie, d’abord à Paris, ensuite aux Etats-Unis.
Il ne revient en Autriche qu’en 1950, et c’est là qu’il va développer le meilleur de sa pensée, pendant une période philosophique féconde, où il écrit entre autres ce livre en 1956.
Curieusement, après une relative éclipse de plus d’une cinquantaine d’années, due sans doute à l’ébriété indécente des « trente glorieuses » avec sa foi naïve dans le progrès technologique et la croissance économique sans limite, Gunther Anders fait sa réapparition actuellement, ses livres sont réédités et commentés. Il apparaît comme un prophète,
car, de nouveau, plane de plus en plus le spectre d’une disparition possible de l’être humain, et cela d’une manière, dont l’auteur a eu la prémonition : elle se nomme « obsolescence« …
Ce livre est un gros livre de 350 pages divisé en quatre chapitres très distincts ; nous ne parlerons que du premier intitulé « la honte prométhéenne » car il me semble emblématique de la pensée de l’auteur.
« Qu’un jour de succès nous endorme sur la honte de notre inhabileté fatale. »
Arthur Rimbaud Les Illuminations
Dans le fameux mythe grec, Prométhée – étymologiquement celui qui est d’une intelligence supérieure – a volé aux dieux le feu, pour l’offrir aux hommes ses protégés – feu physique pour faire cuire ses aliments, et feu du savoir pour développer une intelligence technicienne capable de remédier à son impuissance ontologique due à « la bourde » de son frère Epiméthée (étymologiquement celui qui est d’une intelligence inférieure).
Jusqu’ici, malgré son terrible châtiment, où attaché sur un rocher du Caucase un aigle lui dévore chaque jour le foie, Prométhée restait fier de son larcin, cela surtout depuis l’avènement des « Lumières » et de la raison triomphante conjointe à l’essor du progrès technologique, semblant, jusqu’à récemment, avoir tiré l’homme d’affaire.
Mais quelle est donc cette honte récente, qu’Anders prend un malin plaisir à décrire sur une centaine de pages ?
Cela vient de cette perfection de plus en plus insolente des machines, produit du développement sans limite de la technoscience, toujours plus performante, toujours plus fascinante, confrontant toujours plus l’homme à son humiliante condition d’homme, « son inhabileté fatale », sa maladresse ontologique : « C’est ainsi que l’homme préfère la chose fabriquée au fabricant, en accordant à la chose fabriquée un degré d’être supérieur ».
La fierté prométhéenne du voleur de feu, cède alors la place à un sentiment d’infériorité devant le triomphe des machines.
L’homme honteux non seulement préfère se cacher derrière ses instruments comme derrière une multitude d’écrans, mais, pour tenter de mettre fin à sa honte, il n’a pas trouvé mieux que de se transformer lui-même progressivement en machine. Le rêve de l’homme honteux est de devenir semblable à ses nouveaux dieux machiniques, ou du moins leur appartenir sous forme d’une « consubstantialité instrumentale ».
C’est l’émergence de « l’ingénierie humaine », dont nous voyons actuellement l’explosion : il s’agit pour l’homme d’adapter son corps aux exigences de la machine, en repoussant les limites innées de sa nature.
Pour cacher sa honte et sa détresse, l’homme n’a pas trouvé mieux que devenir semblable à un rouage artificiel, se faire « l’égal d’un gadget », la prolongation d’un robot dont l’intelligence artificielle et mécanique se substiturait progressivement à la complexité de son intériorité.
Alors, « L’hubris » s’empare de l’homme »,
elle n’est pas seulement le désir fou de devenir un hybride, moitié homme / moitié machine,
c’est aussi un accès de démesure pour un anéantissement collectif de lui-même en une sorte « d’autopunition instrumentale ».
Son destin humain mortel et fragile est échangé contre l’immortalité glorieuse de ses produits machiniques :
Vive les stars de cinéma, dont nous fêtons rituellement l’entrée dans le monde des produits de consommation à la chaîne !
Vive l’iconomanie, cette passion addictive des images, comme un moyen de dupliquer sa propre image à l’infini sur les écrans de la virtualité souveraine ;
et pourquoi pas, comme le général Mac Arthur hésitant à faire la guerre, s’en remettre à un cerveau artificiel pour prendre la décision à sa place, « demandant l’avis de l’oracle qui sort de la bouche machinique » ?
Mieux vaut renoncer totalement à ses compétences humaines et s’en remettre au totalitarisme technoscientifique, qui engloutira sans regret un homo sapiens incapable d’honorer son nom.
N’est- ce pas alors l’abdication finale, l’avènement d’une sombre catastrophe portant le joli nom d’obsolescence ?
Pour pondérer ces propos, il nous faut parler du procédé de l’exagération cher à l’auteur, comme une méthode de penser la réalité pour alerter et réveiller les consciences.
Il commence ainsi un paragraphe sur le péril atomique : « il faut présenter de façon outrancière les objets dont l’importance est minimisée »,
de même en préface à la cinquième édition de son livre en 1979, il écrit : « je conclus en formulant de tout mon cœur, pour vous et vos descendants, le souhait qu’aucun de mes pronostics ne se vérifie ».
Malheureusement l’exagération d’Anders apparaît plutôt de nos jours comme une prophétie en passe de se réaliser, et cela particulièrement à travers la nouvelle folie du « transhumanisme » ?
Le « Transhumanisme » ou la réalisation de l’obsolescence humaine
« L’humanité devait disparaître, l’humanité devait donner naissance à une nouvelle espèce asexuée et immortelle, ayant dépassé l’individualité, la séparation et le devenir. »
Michel Houellebecq Les particules élémentaires
Avec le transhumanisme, la technoscience change d’orientation :
elle ne s’occupe plus principalement, comme autrefois, de la transformation de la nature extérieure, afin de la soumettre totalement à l’homme ;
à cause des limites posées par le péril écologique et l’épuisement des ressources naturelles, l’intention du transhumanisme est de se tourner résolument vers une nouvelle voie, la transformation de la nature même de l’être humain,
et cela dans quatre directions principales :
la transformation de son cerveau et de ses capacités cognitives,
la lutte contre le vieillissement du corps et la mort,
la transformation de la procréation et de la naissance,
le remodelage du corps physique.
Faisons un rapide survol des recherches actuelles dans ces domaines (1), sûrement incomplet, car tout cela progresse très vite.
En ce qui concerne le cerveau,
l’alliance des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’informatique et du cognitivisme (les NBIC), donnent l’espoir d’une formidable mutation :
d’un côté l’excroissance sans limite d’un monde virtuel d’informations, un « cloud » infini, nous dépossédant progressivement de nos facultés cognitives, principalement la mémoire, avec prochainement la promesse faite par Google de la connexion de nos cerveaux « en live » à internet grâce à des implants cérébraux, ou le téléchargement bientôt possible du contenu de son cerveau sur un disque dur, afin d’en sauvegarder l’immortalité informationnelle…
De l’autre, il y a les progrès de l’intelligence artificielle,
il s’agit d’encoder le réel dans des modèles le plus larges possible, afin d’en munir des robots surdoués d’un mode de captation de la réalité plus performant que le nôtre, avec une capacité d’apprentissage plus rapide.
Les japonais sont passés maîtres de cette robotique ; leur insularité leur ayant interdit l’apport des travailleurs étrangers, ils leur ont préféré des robots plus performants, pour travailler dans leurs usines et s’occuper des personnes âgées – quelle remarquable obsolescence de l’homme !…
Que dire encore des algorithmes autonomes et déchaînés qui gèrent à la microseconde les transactions financières des grandes places boursières,
ou des drones toujours plus nombreux pour faire la guerre et tuer bien plus efficacement et proprement que les humains, en leur enlevant toute mauvaise conscience.
La lutte contre la vieillesse et la mort est le domaine de prédilection des techniques biomédicales.
Elles sont passées subrepticement d’une optique de soins aux personnes malades selon la vision de la médecine traditionnelle, à une optique nouvelle d’amélioration, de transformation et de perfectionnement du corps humain et de sa psyché.
Premier objectif : s’attaquer au processus naturel du vieillissement, avec en pointe le travail de la biologie cellulaire sur les cellules souches, cellules miraculeuses qui pourraient remettre à neuf n’importe quel organe abîmé par les ans. En complément, la pose d’organes artificiels (cœurs, membres bioniques, implants rétiniens, etc), ou la transplantation d’organes avec en prime le tourisme biomédical et son trafic d’organes en pays pauvres.
En additionnant tout cela, le Dr Laurent Alexandre(2) parle d’une marche progressive vers l’immortalité.
Dans le même ordre d’idée, la chirurgie réparatrice, fleuron de la médecine, a donné naissance à l’explosion de la chirurgie esthétique (2000 opérations à la minute dans le monde) afin de remodeler le corps humain de manière standart, comme si l’on voulait doter le plus grand nombre, du corps parfait de ces superhéros entrevus dans les films.
Il faut bien sûr ajouter la modification des humeurs par les psychotropes pour l’obtention d’un bonheur permanent à base de sérotonine et d’ocytocine (un vieux rêve d’Aldous Huxley), même si une certaine déconvenue du Prozac – la pilule du bonheur des années 70 -, a freiné quelque peu les ardeurs…
Il reste la naissance, cette dimension si problématique d’une nature humaine imparfaite, génératrice de souffrance et d’angoisse.
Elle a besoin d’être profondément remaniée par le génie des sciences biomédicales ; c’est la fameuse PMA (Procréation Médicalement assistée) assistée de la DPI (Diagnostic PréImplantatoire) pouvant conduire facilement à ce trafic de gamètes et d’ovocytes, conduisant en douceur vers l’eugénisme. Il faut y ajouter la banalisation de la fécondation in-vitro et une GPA (Gestation Pour Autrui) avec esclavage des mères porteuses, pour l’obtention d’enfants sans limite d’âge et sans la contrainte devenue insupportable et obsolète d’une rencontre entre un homme et une femme pour procréer…
Il ne faut pas oublier un point aveugle du transhumanisme, qu’on omet souvent de mentionner : celui-ci est réservé à une petite minorité de privilégiés, une nouvelle élite régnant sur le monde, dont les prouesses technologiques se mêlent aux superprofits avec l’accumulation de l’argent et des richesses. Aussi, la disparition de l’homme ne viendrait pas seulement de sa nature ancienne obsolète, mais aussi de la relégation de la grande majorité des hommes dans des zones de misère, propices à une disparition prématurée.
Curieusement tout cela se fait sur fond d’une sorte d’enthousiasme collectif, ou d’accord tacite, comme si un vieux rêve de l’humanité était en train de se réaliser,
le rêve d’une perfection organique et cognitive, douée d’immortalité, comme si un posthumain technoïde voulait naître absolument, étrange hybride fascinant entre homme et robot, pour nous faire oublier à sa manière, les trois grandes souffrances ontologiques de l’humanité, la maladie, la vieillesse et la mort, pointées déjà par le Bouddha il y a 2500 ans.
Anders avait-il donc raison ?
L’obsolescence de l’homme ne serait aucunement une exagération, mais une prophétie. Plus de cinquante après, homo sapiens serait-il sur le point de passer le relais à une autre espèce transhumaine ?
Fini cet être complexe multidimensionnel en nécessaire évolution de sa conscience, comme nous aimons le décrire dans la pensée intégrative !
Exit sa dimension émotionnelle trop irrationnelle et handicapante !
Dehors les dimensions sociale, énergétique, esthétique et spirituelle ;
Inutile cette Conscience d’accès trop difficile, avec cette possibilité de se voir, de se réfléchir et d’évoluer vers la sagesse !
Ecoeurants tous ces échecs de l’histoire humaine pour une solution collective à la misère : échec des mythologies, échec des religions, échec de l’humanisme, échec du communisme, échec de l’économisme !
Homo sapiens est pris d’une grande lassitude de lui-même,
cela ressemble à cette maladie du dernier homme causée par le nihilisme et la décadence, si bien décrite par Nietzsche.
Avance alors inexorablement, comme une ultime espérance, le monde plat des hybrides de la technoscience,
avec ce pari fou de l’abdication de soi-même en sa nature humaine,
pour devenir une plate machine communicante sans chair ni profondeur.
Homo sapiens peut-il encore être traversé d’un sursaut de sapiens,
c’est à dire savoir poser les limites de la sagesse, afin d’éviter le scénario catastrophe de sa disparition ?
Ou tout cela n’est-il qu’exagération à la Anders pour nous faire réfléchir, tant qu’il est encore temps ?
En tout cas, il m’a semblé important de contribuer à alimenter une réflexion collective sur un danger souvent sousestimé quand il n’est pas occulté.
Cet article est paru dans le n°44 du magazine Santé Intégrative (mars-avril 2015)
(1) sources : Jean-Michel Besnier « demain les posthumains » éditions Pluriel 2012
Céline Lafontaine « Le corps-marché, la marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie » éditions du Seuil 2014
le n°24 du magazine « Inexploré » de l’INREES
le journal « La décroissance »
(2) Dr Laurent Alexandre « La mort de la mort » editions JC Lattès 2011
(3) voir aussi l’article de Denis Brossier sur son blog « Le Temple des Consciences » avec une bibliographie complète.
Tags : catastrophes, evolution, livres, mort, neuroscience, philosophie, progrès, société, technologie
Réflexion intéressante et assez complète; le point sur « une nouvelle élite régnant sur le Monde » a peut-être plus d’influence sur cette mutation en marche car elle a beaucoup plus de pouvoirs et de moyens d’actions que ne l’avaient les « seigneurs » des époques antérieurs et ce par l’intermédiaire notamment du marketing (voir Cooper…) et du filet dérivant et intensif de la Finance dont les mailles ne laissent presque personne sur la planète y échapper (même les tribus en Amazonie en subissent les conséquences). Ce qui est le plus inquiétant à mon goût et dans notre époque, est le CYNISME qui était un peu l’apanage des hautes sphères et qui gagne tous les milieux et qui me semble un élément participatif de ce sentiment d’obsolescence de l’homme. L’hyper-individualisation des êtres n’est pas sans influence également. Et je me demande si le principal point négatif du système actuel n’est pas de broyer les « systèmes nerveux » des êtres (excès de compétitivité, narcissisme, attitude sexuelle consumériste, paradoxalement besoin d’affirmer son identité pour lutter contre cette chape d’uniformisation écrasante…) un peu comme si les consciences étaient atteintes par l’atteinte même du système nerveux, comme si la part animale subissait une modification de gênes qui modifierait toute la chaîne. Voilà, assez rapidement ce que m’a inspiré votre réflexion. Et merci pour vos articles toujours passionnants. Chaleureusement.
Merci de ce message, dont je partage complétement l’analyse. Ce système totalitaire de la technoscience triomphante, alliée au système économique néolibéral, entraîne effectivement une individualisation à outrance des êtres humains.
Pour moi cela a deux causes principales : d’un côté une atomisation de la société en individus esseulés qui compensent leur détresse par l’hyperconsommation proposée par le système en une sorte d’anesthésie collective décadente,
de l’autre, comme vous le dites, une réaction d’individuation pour tenter d’échapper au système, mais dans le n’importe quoi et la démesure (l’hubris) ; cela est sans doute une des causes de l’épidémie des pervers narcissiques bien décrits par Marie-France Hirigoyen, dont la jouissance perverse est de dépasser sans cesse les limites du bien vivre collectif dans une sorte de révolte individuelle décadente et mortifère.
Pour être plus complet tout de même et plus positif, il faudrait aussi parler de toutes les tentatives de résistance intéressantes à cette hydre, à cette Gorgone totalitaire d’un nouveau genre. Heureusement, il y a aussi beaucoup de gens qui prennent conscience, qui refusent et qui proposent de nouvelles formes de vie dans la simplicité volontaire, la transcendance et les entreprises collectives coopératives et solidaires.
Les temps sont durs, mais les notes d’espoir et de renaissance sont là.
Grand merci. Il faut avoir le courage (minoritaire) de » re-humaniser » le monde…j’espère que c’est encore possible, par nos choix, notre travail sur nous..ou l »‘accompagnement » d’autrui
je vois maintenant : c’est ¨furieusement¨ l’idée directrice au long de » La Possibilité d’une île « du très bon Michel Houellebecq
Je n’ai pas le temps d’écrire le commentaire que mérite ton article… d’autant plus que je pars demain pour plus d’une semaine loin des écrans :) Mais voici un poème que j’avais écrit il y a déjà quelques semaines et que ton article m’a donné envie de finaliser :)
Toujours un grand plaisir de te lire…
Bien humainement!
marko
Transhumanisme
Au cœur de la Matière, l’indicible.
Que pensez-vous faire aves vos nanopuces
Et vos neurones mécaniques…
Dépasser l’Homme ? La belle affaire,
A peine avez-vous conscience de l’univers
Et de sa singularité.
Pour sûr vos consciences se voilent d’artifices
Pour ne pas délaisser l’ego et ses caprices.
Consciences subverties par les mécanismes
De leurs esprits étriqués, arrogance de l’inachevé.
Excès et perversions témoignent de vos frustrations.
Au cœur de la Matière, la Vie,
Qui en vos songes porte la mort.
Attachés à l’apparence, à l’éphémère,
Sans racine au-delà du temps.
Que pensez-vous faire de votre éternité d’esclave,
Attachés à un mirage de mauvais goût
Dans la soupe des illusions ?
Ebulliton terrestre, chaudron au bord de l’implosion.
Contre poison de l’éternel change les perspectives.
Au cœur de la Matière, l’altérité porte au-delà du manifesté.
Malgré vos outils délétères et vos intelects primaires,
L’Originel rayonne en chacun, soleil unvisible de nos Vies.
La synchronicité de l’Etre semble certes au-delà de vos horizons.
Vous seriez surpris si vous écoutiez au-delà du son
Les silences de l’improvisation.
La Création respire en nos poumons, chante en nos cellules
Et ouvre sur l’infini les portes de la perception.
Un choix, une décision quotidienne à l’unisson
De nos Joies les plus pures, de nos tristesses les plus sincères,
De cet élan qui anime nos pas à travers le grand mime…
Créer pour être, être pour créer au cœur de la Matière.
ML (2015)
Quel cadeau, Marko, merci :
la poésie comme arme suprême des mots, qui permet d’aller bien au delà des mots, et en même temps qui nomme avec économie de moyen, le seul antidote possible au transhumanisme :
la « Transcendance ».
Je viens juste de lire un article de la Décroissance d’Avril intitulé Décroissance Augmentée qui évoque une table ronde organisé par les transhumanistes français autour du thème « Transhumanisme et décroissance »… Selon le philosophe Gabriel Dorthe : « Est-ce que philosophiquement, ontologiquement, métaphysiquement, la décroissance n’est pas un retour de l’humain à la perception de sa finitude… Alors là , effectivement, le transhumanisme a fort à faire pour se montrer compatible avec çà, puisque précisément, c’est l’idée d’étendre ces limites, de les repousser ». Un article fort intéressant dans un journal -La Décroissance – vecteur d’une nouvelle forme de conscience politique…
Merci Olivier, ça me fait chaud au coeur cette allusion au journal « la décroissance », mon journal favori, pour lequel j’ai consacré un article complet : https://blog.psychotherapie-integrative.com/vive-la-decroissance/ et de multiples allusions (cf le nuage des tags ou des mots clés).
Je viens de lire l’article dans ce numéro d’avril qui vient de paraître et effectivement comme l’auteur le montre, il y a incompatibilité totale entre le transhumanisme et la décroissance, au sens où la philosophie de la décroissance, c’est de rejeter justement cette excroissance sans limite de la technoscience, ce culte religieux du pouvoir absolu de la machine et de la technologie sur l’homme, au point même de souhaiter sa disparition ou sa transformation en un hybride robotique.
Il s’agit ici avec la décroissance de restaurer et de rappeler les limites de la nature de l’être humain en sa fragile complexité multidimensionnelle, dont la sagesse est la dimension suprême.
Ce sont deux paradigmes différents, complétement incompatibles, deux voies qui partent dans des directions opposées, même si elles peuvent partir d’un constat similaire de la situation présente jugée à juste titre catastrophique.
Je viens de lire cet article et il confirme la pensée de nombreuses personnes effarées de voir le décalage entre l’humain et la nature. Nous sommes en effet plusieurs milliers sans doute, mais nous sommes broyés par le machinisme et la robotisation esclavagiste de l’homme moderne. Décadence, dégénerescence physique et mentale, tortures, djihadisme et autres sectes, bref..
Et encore, on ne parle pas de l’animal machine, transformé dans des fermes nazies en produit de consommation : l’homme a perdu la faculté de penser par lui-même, de se remettre en cause. Rien que pour manger, il faut dire non à présent, réfléchir un peu, regarder les étiquettes, avoir le droit de choisir et de s’exprimer. Les abeilles victimes des pesticides sont le signe évident, entre autres insectes, de la faillite de notre civilisation formatisée. Réapprenons à penser et disons – le, soyons des consommacteurs le plus possible, sachons choisir un peu nos vies. Pour ma part, j’ai choisi l’engagement écologique le plus possible, et l’essai de la bienveillance, j’ai choisi de dire non le plus possible à l’homme-animal machine. Au robot préfabriqué, mais on cherche à me coincer toujours… Soyons unis, nous qui essayons de réfléchir !!!! De remettre en cause le système fou fou fou.
Amitiés à tous,
anny des hirondelles du printemps.
oui, c’est exactement cela : comme s’il fallait passer cycliquement par tout ce grabuge de fin d’un monde, pour que la conscience se réveille de son anesthésie générale, afin de revenir à l’harmonie de sa nature intérieure et extérieure.
Ce cycle du chaos est inévitable, il permet à l’harmonie du monde de s’exprimer de nouveau par le réveil des consciences ; c’est un drôle de jeu mystérieux, auquel nous sommes actuellement conviés.
Et puis il y a aussi les traces d’un autre monde qui pointe timidement son museau et qui prendra la relève quand ce monde ci ce sera effondré ; tout ce que vous proposez anny en fait partie pour une éclosion prévue dans… 10 000 ans, comme disait mon chanteur préféré Leo Ferré.
Bonjour à tous.
Je trouve cette discussion fort intéressante et enrichissante.
Je viens de trouver, dans le cahier du Monde « Sciences et culture » du mercredi 8 avril, sous la plume de Laurent Alexandre, un article intitulé « L’école face à l’intelligence artificielle » qui peut prolonger le débat. L’auteur commence par signaler que l’intelligence artificielle progresse à très vive allure, au point que, désormais, « de plus en plus de tâches sont mieux effectuées par l’IA que par nous ».
Dès lors, à quoi sert, et surtout à quoi servira l’école dans le futur ? Déjà certains pédagogues, et de nombreux pratiquants, sont d’accord pour dire que le décalage entre la société et l’enseignement tel qu’il est pratiqué est trop grand, et que l’école est complètement obsolète sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.
Mais l’avenir est beaucoup plus inquiétant: sans que l’on sache trop si l’auteur y adhère ou pas, il prévoit que « l’école de 2050 ne va plus gêrer les savoirs mais les cerveaux, grâce aux champs des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC) ».
Au secours !!! Où allons-nous, et quels humains va-t-on former ainsi ???. Les enseignements seront personnalisés en fonction des caractéristiques neurologiques et biologiques des élèves. C’est un vieux rêve des enseignants, que de personnaliser les enseignements; mais avec trente élèves devant soi, comment faire ? Si les NBIC peuvent le permettre, pourquoi pas. Mais alors, en gêrant les cerveaux, les possibilités de manipulation, même involontaires, sont immenses; et les manipulations volontaires sans limites; pensons par exemple à Orwell.
L’auteur appelle de ses voeux « une réflexion neuroéthique approfondie », pour éviter « que « l’école devienne une institution neuromanipulatrice ». C’est bien joli, mais qui décidera de ce qui est éthique ou pas ? L’école est déjà manipulatrice, ne serait-ce que par les programmes qu’elle impose, qui résultent de la doxa à la mode. Alors les dangers sont immenses, pour la réflexion, pour la démocratie, qui pourra alors être complètement manipulée.
Il vaut mieux, bien entendu, être prévenu à l’avance de ce qu’il risque d’arriver. Mais les possibilités d’aveuglement sont aussi immenses: il n’est que de voir l’absence de réaction de tous les responsables devant les problèmes écologiques de plus en plus urgents. L’auteur , pour terminer, pense « qu’il est urgent d’entamer la modernisation de l’école », sans donner aucune piste pour cela.
Souhaitons qu’il se trompe, et qu’il reste une part d’humanité, de rêve, pour les écoliers du futur!
Vous faites bien Claudine de poser le problème de l’école et de con évolution possible par rapport à toutes ces technologies, dont la communication machinique est le fer de lance. c’est vrai que le Dr laurent Alexandre n’est pas la meilleure personne sans doute pour parler de cela. C’est la même chose dans son livre sur l’immortalité possible grâce au transhumanisme, on ne s
… on ne sait pas trop s’il est pour ou s’il est contre, si c’est un panégyrique ou une critique.
En tout cas la transformation de l’école par rapport aux TIC Technologies de l’Information et de la Communication, a largement commencé.
J’entendais les formules de Régis Debray à la radio la semaine dernière qui parlait de l’école de la communication remplaçant l’ancienne de la « transmission ». Cela veut dire pour moi que la relation « maître – éléve » perd de plus en plus de son importance dans la transmission des savoirs et de la culture humaine, au profit d’un rôle réducteur du maître comme facilitateur de la communication qui se fait désormais par la machine. Le maître devient alors un technicien qui aide à l’intégration des savoirs machiniques standardisés.
Et on peut aisément penser que ce rôle est transitoire et amène à sa disparition.
Je me rappelle d’une émission récente où l’on présentait un monsieur qui avait formaté des cours universitaires répondant à toutes les questions d’un programme, de manière parfaite, sous forme de programmes video tléchargeables, et cela pour tout le monde, partout dans le monde grâce à des traducteurs automatiques.
On voit là le danger d’une standardisation machinique du savoir, d’un formatage universel faisant l’économie de la relation pédagogique « maître – élève » fondatrice de l’apprentissage culturel depuis la nuit des temps chez l’être humain.
A mon sens, si cette méthode d’apprentissage machinique se répondait – ce que souhaitait bien sûr de tous leus voeux les journalistes qui présentaient l’émission – alors, on est déjà dans le transhumanisme : il n’y a plus besoin de la complexité de l’être humain pour transmettre. De bonnes machines, de bons robots communiquants, et le tour est joué ! l’homme en tant qu’enseignant est devenu obsolète ! ce serait juste un empêcheur de tourner en rond, ou de ronronner en rond un savoir prémâché.
J’espère comme vous à un sursaut de conscience humaine, mais le rouleau compresseur technologique est bien en marche et il sera difficile de le freiner et de l’arrêter.
Alors, il n’y aura que les dieux pour intervenir, qui seront encore une fois obligés de punir l’être humain du pire de ses pêchés : « l’hubris », la démesure inconsciente qui conduit droit au Chaos.
Je prends le fil de ce forum avec un mois de décalage. Merci Alain pour ce bel article à propos du livre de Gunther Anders… auteur que tu me fais découvrir et du transhumanisme dont tu résumes les avancées connues du grand public. Le sujet est effectivement capital et nous sommes entrés, avec ces techniques, dans une volonté affirmée de changer l’homme, de le rendre surpuissant.
Le risque est d’autant plus grand comme le souligne Dominique Husson le 26/3 que les manipulateurs de ces nouvelles techniques sont très puissants économiquement et souvent sans conscience.
Auteur du site « le Temple des Consciences », je ne pouvais pas ne pas réagir à cet appel – car c’est ainsi que j’ai reçu ta publication- J’ai donc dans un premier temps et sur mon site fait un recensement des livres parus sur le sujet et ouvert deux pages destinées à suivre le transhumanisme.
Je viens de publier les 4-5 et 6 mai trois articles consécutifs à ce sujet sur mon blog.
Au delà de cette première action, j’envisage d’interpeller au cours de cette année le maximum d’acteurs du net qui parlent de spiritualité quelle que soit la forme de celle-ci pour les inviter à s’intéresser et à se positionner sur ce problème majeur.
Oui, je crois que l’expression de toute spiritualité peut-être, comme tu l’écris en réponse à Dominique Husson, un antidote à cette dérive techno-scientifique à condition me semble-t-il que sur ce sujet l’homme plus conscient ne soit pas uniquement un opposant systématique à toute évolution car celle-ci me semble bien inhérente aussi à notre devenir.
Il est urgent de constituer un maximum de pôles de réflexion/action sur ce sujet et de constituer entre ses membres un réseau le plus large possible qui sache dépasser ses querelles de perceptions multiples d’un au-delà du mental pour enfin créer des liens véritables. Le Temple des Consciences essaie modestement d’être un premier noeud de ce réseau.
Oui, soyons joyeux et ambitieux pour créer ce réseau. C’est la Vie qui s’exprime en nous.
Merci aussi pour ton commentaire hier sur mon blog,
Très cordialement,
Denis