Chevaucher deux mondes à la fois

Le Doctor Barefoot

Le taoïsme est toujours vivant,
il s’exprime à travers un adepte, que j’aime bien, le »Doctor Barefoot »;
c’est un anglais du nom de Stephen Russel, qui, en bon taoïste, multiplie les activités surprenantes (grand voyageur, thérapeute tout azimut, écrivain, musicien, chanteur,  journaliste dans le magazine « L’Observer », animateur de radio, etc.
Sa qualité principale : il ne se prend pas trop au sérieux, avec un sens de l’humour, à la fois très britannique et taoïste (cf. le rire de Tchouang Tseu.)
Il a écrit en 1998 un petit chef d’oeuvre, traduit aux éditions « Jai Lu »,
sous le titre « Le guerrier urbain, manuel de survie spirituelle ».
J’en ai déjà parlé sur mon site internet.

J’aime feuilleter ce livre  de temps à autre,
aussi bien pour ses leçons de qigong simples et claires,
que pour ses idées philosophiques et spirituelles, souvent présentées sous formes de métaphores amusantes.

Après le Vide sidéral de Tchang-Tseu et la connexion à la terre du qigong,
il me fallait trouver un texte d’intégration pour les relier,
celui-ci m’est apparu comme une heureuse évidence :

Chevaucher le monde visible et le monde invisible

Deux mondes évoluent côte à côte, le monde visible et le monde invisible. Le jeu du guerrier consiste à être à cheval sur les deux.
Le monde invisible soutient et génère le monde visible de l’intérieur,
exerçant une poussée vers l’extérieur depuis le noyau de chaque atome, de chaque être.
Le monde visible est comme une couverture jeté sur le monde invisible,
non seulement pour le préserver de l’humidité et de la saleté,
mais aussi pour qu’il garde son invisibilité.
sinon le jeu prendrait fin et il faudrait trouver autre chose à faire le temps que dure l’éternité.

Le monde invisible contient toutes les informations ayant jamais existé et toutes celles à venir.
Dans ce monde, il n’y a pas de temps, pas de passé, pas de futur, simplement un instant qui ne cesse de se dérouler de toute éternité.
Le monde invisible est le royaume du corps spirituel.

La voie du guerrier dans laquelle vous êtes engagé,
est un chassé-croisé incessant entre deux mondes.
Vous apprenez à faire intervenir votre corps spirituel dans le monde tangible, tout en habituant votre moi mortel à se sentir chez lui dans l’autre monde.
D’un côté vous spiritualisez le monde matériel afin de faciliter la réalisation de vos actes magiques et autres interventions miraculeuses,
de l’autre vous familiarisez votre moi périssable à la vie au delà de la vie.

Le royaume invisible reçoit vos prières,
et c’est de là que proviennent protection, providence, pouvoirs curatifs.
C’est de là que votre esprit, en compagnie de tous les autres esprits vous regarde pour l’éternité aller d’une vie à l’autre, d’un rêve à un autre.
Ce monde est immuable.
C’est le royaume de la réalité absolue,
le pays des merveilles du chi,
le lieu où l’on trouve l’élixir céleste qui confère l’immortalité au corps spirituel.
Vous vous y rendez pour vous ressourcer.
Vous en revenez riche de visions et de pouvoirs,
empli de vigueur pour continuer le chemin de votre développement personnel et assister vos frères humains dans leur propre quête.

C’est par ces allers et retours entre les royaumes visibles et invisibles que votre pouvoir psychique s’épanouira,
que vous pourrez lire l’avenir dans un nuage,
interpréter avec clairvoyance les cartes du tarot ou les hexagrammes du Yi King.
C’est en vous et nulle part ailleurs que vous trouverez le passage menant à cette autre dimension.
Inutile de chercher une entrée secrète cachée sous un mégalithe préhistorique, ou partir au fin fond de la jungle au Pérou en quête d’une pyramide mentionnée dans un vieux manuscrit.
La porte est en chacun de nous.
Elle peut être ouverte à tout moment en pratiquant de manière assidue les exercices spirituels exposés dans ce Guide.

Ouvrez cette porte sans crainte.
soyez un guerrier à chaque moment de votre existence.
Une fois le passage ouvert, vous serez à cheval sur les deux mondes,
investi de pouvoirs extra sensoriels,
et en mesure d’agir sur la réalité de façon à contribuer au bien-être de vos frères humains.

Quelques commentaires personnels :

1. La proximité du visible et de l’invisible
Le monde invisible en relation avec la dimension spirituelle et immatérielle de l’être humain – son esprit, ou son âme -, n’est pas une dimension séparée et déconnectée du monde visible – c’est à dire le monde matériel, physique et sensible.
Dans la vision taoïste, telle qu’elle apparait dans ce texte, cette dimension spirituelle ou métaphysique n’est pas considérée comme un arrière monde, ou un monde transcendant, qui serait séparé de ce monde-ci, selon une dualité bien distincte et cloisonnée,
dualité qui a été un leitmotiv de la vision  cartésienne,  ou même précédemment de la vision judéo-chrétienne d’un dieu transcendant, séparé de sa création,
un dieu lointain et muet, que l’on peut contacter après beaucoup d’efforts – le dogme ou la foi, entretenus par un clergé tout puissant qui serait un intermédiaire nécessaire face à cette béance et ce silence de l’au-delà.
Au contraire, dans la vision taoïste, le monde spirituel et le monde matériel, le visible et l’invisible sont interconnectés, ils s’interpénètrent constamment, dans un rapport de proximité et de familiarité, presque ludique comme l’indique ce texte.
Il n’y a pas de réelle dualité ou alors, c’est une dualité unitaire, de nature paradoxale.
D’ailleurs pour contacter ce monde invisible, rien de plus facile, il s’agit de se connecter vers l’intérieur de soi-même, vers son centre qui est un centre de lumière, et cela principalement par le pouvoir de la méditation.
« C’est en vous et nulle part ailleurs que vous trouverez le passage menant à cette autre dimension. »
C’est le rôle du sage, du maître, ou ici du guerrier spirituel de rendre compte au mieux de cette proximité, de cette dualité / unité.
C’est au sage de témoigner du passage du visible à l’invisible…

2. Vivre de manière simultanée le visible et l’invisible.
Par voie de conséquence, il est possible de vivre en même temps, de manière simultanée, ces deux dimensions à la fois ;
c’est le sens de la métaphore heureuse de chevaucher à la fois le monde visible et le monde invisible.
Il ne s’agit pas de l’alternance de deux principes opposés, ou de deux activités différentes (d’un côté le technopratique de la vie quotidienne et de l’autre la vie religieuse et métaphysique), conséquence de la culture occidentale dualiste,
il s’agit d’un principe de simultanéité, comme si le monde invisible était sans cesse en surimpression du monde visible, et que le guerrier spirituel de ce texte était  en pleine activité dans le monde matériel, tout en témoignant à chaque instant de sa dimension spirituelle.
En d’autres termes, le blanc n’est pas séparé et en opposition avec le noir,
il aime se mélanger avec lui, pour exprimer une multitude de nuances, une richesse de palette enchantée.
L’action du guerrier spirituel dans ce monde, est teintée des mille nuances de ce jeu de la simultanéité matérielle / spirituelle,
en une sorte de va-et-vient ludique,  faisant à mon sens la marque et le génie du taoïsme.
Une des conséquences de cette simultanéité, de cette imbrication du visible dans l’invisible, c’est que le maître taoiste est très difficile à localiser, sa visibilité est invisible…
Non seulement il voyage beaucoup, mais il prend un malin plaisir à se fondre dans l’ordinaire des activités humaines habituelles ;
l’empereur de Chine qui avait entendu parler de Tchang-tseu, eut beaucoup de mal à le retrouver. Après de longues recherches,  ses émissaires tombèrent finalement sur le plus ordinaire des pêcheurs à la ligne. Quand ils lui demandèrent de venir à la cour de l’empereur, Tchang-Tseu demanda une nuit pour réfléchir.
quand les émissaires revinrent le lendemain matin, Tchang-Tseu avait pris la poudre d’escampette.

3. L’organisation entre le visible et l’invisible est hiérarchique (ou holarchique)
Le monde invisible « génère et soutient le monde visible de l’intérieur« ,
en ce sens il est supérieur au monde visible,
il lui apporte sens et profondeur, informations et pouvoirs, éternité et immuabilité, lumières et connaissances, guérison et vision, énergie (chi) et magie, beauté et vertu, etc, etc.
Cette conception hiérarchique des deux principales dimensions de la réalité (matérielle et immatérielle) provient de la vision de toutes les grandes traditions spirituelles et religieuses dans les différentes cultures (orientales et occidentales).
Elle s’oppose diamétralement à la vision de la modernité (technico-scientifique) qui hiérarchise en sens inverse la réalité, donnant à la matière le primat du sens – ce qui serait actuellement à l’origine de la folie collective et la cause profonde du désastre planétaire.
Cette vision hiérarchique (invisible / visible) est aussi un leitmotiv de la vision intégrative, telle qu’elle a été explicitée par Arthur Koestler sous le terme d’holarchie, puis reprise  par Ken Wilber.

ce poème de Toukaram, un poète et mystique hindou du 16e siècle, dont j’espère un jour vous entretenir,
illustre bien cette distinction hiérarchique traditionnelle entre les choses :

Ecoute, ô mon frère :
Le Gange n’est pas eau,
la mer n’est pas ruisseau,
n’appelle pas le linga une pierre
les saints ne sont pas hommes du commun,

ne nomme pas gourdin, le bâton du pèlerin,
ni nourriture son offrande,
les saintes syllabes « Ram, Râm » ne sont pas des mots.

Lune et soleil ne sont pas astres,
le Mérou n’est pas montagne,
le taureau de Shiva n’est pas bétail,

L’or n’est pas métal, ni le sel minerai,
les perles ne sont pas joyaux
ni les diamants cailloux,
l’âme n’est pas un hôte qu’on expulse à son gré…

En ce sens la barque de Tchang Tseu est à la fois vide,
complétement immergée dans le monde spirituel et invisible,
à tel point que l’on peut dire qu’il n’y a même plus de barque,
mais elle est aussi, à la fois, bien amarrée au fleuve de l’incarnation terrestre, son bois est  dur et elle sait résister aux chocs,
– le qigong de la connexion à la terre nous dit que la barque symbolise dans le corps humain le coccyx ou le périnée, c’est à dire ce pouvoir d’enracinement et d’incarnation.
Cette barque de bois dur, vide et pleine à la fois, peut voguer sans problème en se jouant des vagues avec humour,
même si par les temps qui courent, le bois a été remplacé par un vulgaire et hideux plastique,
dont la trace écologique est estimée à un millier d’années…

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26 réponses à “Chevaucher deux mondes à la fois”

  1. Anne D. dit :

    Bonjour, vos commentaires sur ‘Le guerrier urbain, manuel de survie spirituelle’ et les extraits que vous citez, m’ont donné envie de lire ce livre. Oh, surprise, en cherchant à le commander sur Internet, je le trouve à des prix rédhibitoires ou quand le prix devient accessible, le livre est indisponible. Une idée?
    Par ailleurs, je me régale de vos poèmes longs ou brefs et de vos magnifiques photos. Merci aussi pour les liens sur les autres amoureux des barques. Anne.

    • oui, Anne, il n’y a pas eu visiblement de réédition de ce livre depuis longtemps et les prix montent, car la demande doit être assez forte, vue la qualité du livre. Peut-être en anglais, il existe une possibilité.
      Sinon, j’ai été un peu déçu par les livres suivants « Libérez-vous » chez Marabout en 2004 et « Un peu de sagesse dans un monde de brutes » Marabout 2005.
      Par contre je n’ai pas lu son dernier livre « La vie que je veux » Marabout mars 2013. Je serai curieux d’avoir les commentaires de quelqu’un l’ayant lu, car il doit être facilement trouvable.

  2. Anne-Marie dit :

    L’esprit, le royaume de la réalité absolue, c’est lui que j’appelle vérité. Il ne se définit pas, il est.
    Le monde invisible “génère et soutient le monde visible de l’intérieur“, oui, mais qu’est-ce qui vous fait dire que l’organisation entre le visible et l’invisible est hiérarchique ?

    • oui, Anne-Marie, c’est une bonne question. Il ne s’agit pas du tout de la hiérarchie à laquelle nous sommes habituée dans nos misérables administrations ou entreprises humaines, trop humaines, où il s’agit surtout d’exercer un pouvoir de coercition.
      Cette hiérarchie pour ainsi dire ontologique, et qui est le coeur de la philosophie intégrative et évolutive de Ken Wilber, via Arthur Koestler, est une hiérarchie de conscience, de profondeur, de possibilité créative ; pour apprécier vraiment cette hiérarchie de profondeur, que l’on appelle d’ailleurs « holarchie » du terme « holon », il faut prendre le temps de méditer le livre « Brève histoire de tout » de Ken Wilber.
      En tant qu’expérience personnelle vécue, cela m’apparait une évidence que le fait de vivre dans la dimension invisible de la conscience ou de l’esprit me donne une position supérieure d’expansion de la vie, par rapport à quelqu’un immergé et identifié aux aléas de la matière et du monde visible, mais il semble que cela fasse horreur actuellement dans une culture où c’est le primat de la matière et l’égalitarisme dans les différences qui fassent philosophie.

  3. Anne-Marie dit :

    « me donne une position supérieure d’expansion de la vie » Attention à ne pas confondre la joie de ressentir cette expansion de la vie comme une supériorité ontologique.
    Chacun ici est absolument nécessaire, mais qu’il sache seulement que l’Esprit le cherche et qu’il suffit de s’ouvrir en confiance. La joie vient de la reconnaissance, du verbe connaître, c’est à dire naître avec, ensemble. Donc vous êtes bien né parce que l’esprit l’a voulu, puis vous vous en êtes éloignés …. parce que vous avez cru que d’autre chose plus importante vous attendez, et maintenant vous vous rendez compte que les épreuves, les obstacles, la souffrance, les aléas de l’existence, vous appelle à faire le point. Et là ! Stupéfaction, vous renaissait à vous-même parce que vous vous rendez compte que c’est bien vous qui avez quitté votre compagnon de naissance, l’Esprit qui est là comme une mère qui attend des nouvelles de son enfant. Imaginez la joie, le délire, OUI

  4. Brigitte B. dit :

    Bonjour,

    Quand vous évoquez le principe de simultanéité des deux « mondes », le visible et l’invisible, cela me rappelle les expériences de « Mère » – celle qui a vécu longtemps auprès de Sri Aurobindo – qui ont été reprises dans un livre de Satprem, « le Mental des cellules ». Vous connaissez ce livre ?

    Le fait que des sources différentes évoquent les mêmes choses est plutôt rassérénant…

    • Non, je n’ai pas lu ce livre, Brigitte, mais j’admire beaucoup Satprem, et ce serait bien si vous en faisiez un commentaire supplémentaire pour illustrer mieux ce principe de simultanéité si important.

      • Brigitte B. dit :

        Ce n’est que ce matin que je découvre votre réponse (je suis souvent ailleurs aussi et je ne parviens pas encore à être simultanément à deux endroits différents… enfin, dans ce cas on appelle ça l’ubiquité)!

        Faire un commentaire supplémentaire sur le principe de la simultanéité ? Oui, bien sûr, pourquoi pas ?
        Je reviendrai un peu plus tard, il faut que je le prépare…
        Bonne journée
        Brigitte

  5. Claudine D dit :

    Bonjour à tous,
    Ce texte a suscité en moi deux types de réaction.
    Commençons par le commentaire: il y est question, pour les judéo-chrétiens , d' »un dieu lointain et muet ». D’après mes connaissances, ceci est inexact. D’une part il y a les prophètes, peu nombreux il est vrai, qui reçoivent la parole de dieu. D’autre part , les croyants ont toujours pensé dans leur majorité que leurs prières étaient, pour partie au moins, exaucées, et que dieu se manifestait de différentes manières: soit à travers la beauté de la création, soit en manifestant son mécontentement par divers catastrophes. Dieu interagit en permanence avec sa création.
    C’est encore plus vrai dans l’Islam où les souhaits, les projets, sont accompagnés très souvent de la mention « si dieu le veut ».
    Il est vrai, cependant, que la transcendance y empêche l’interconnexion et la familiarité, sauf pour quelques très rares mystiques peut-être.

    Venons-en maintenant au contenu du texte : je trouve qu’il évoque bien mieux et de façon beaucoup plus convaincante la pensée et la manière de ressentir le monde taoïste que des cours ou des ouvrages théoriques. Comme Tchouang-tseu, ses métaphores sont très parlantes tout en étant très simples.

    Mais il y a quelque chose qui me gêne beaucoup dans le dernier paragraphe/verset: « soyez un guerrier à chaque moment de votre existence ». Cette image ne correspond pas au calme nécessaire à la méditation, prônée par ailleurs. Comment atteindre ce « monde immuable », ce « monde de la réalité absolue » à travers cette sorte de chevauchée fantastique ?
    En outre, cette image de guerrier chevauchant m’a immédiatement fait penser au djihad, au cavalier de l’Apocalypse, ou aux chevauchées des Walkyries; j’ai bien conscience que ces associations sont toutes personnelles, mais néanmoins elles m’empêchent d’apprécier pleinement le reste.
    Au terme de guerrier, j’aurais de beaucoup préféré ceux de « passeur » ou de « témoin » ou encore de « guide ».
    Quelqu’un a-t-il les mêmes réactions que moi ?

  6. Claudine D dit :

    Pardon, je me suis trompée. La mention du guerrier est dans le premier paragraphe et non dans le dernier; c’est sa reprise dans le commentaire qui a créé cette confusion.

    • je suis assez d’accord avec ces commentaires, Claudine, ils sont très pertinents.
      Ma critique du judéo-christianisme est assez subjective et personnelle, – je le reconnais – au sens où les trois monothéismes du désert christianisme, judaïsme et islam m’ont toujours rebuté et poussé même à l’athéisme pendant une période de ma vie. Ce qui m’a le plus gêné, c’est ce Dieu créateur tellement lointain, soit disant amour, qui permet une telle barbarie sur terre, et qui pour être crédible nécessite tellement d’intermédiaires, un pléthorique clergé, dont les méthodes sont souvent discutables car fondées sur un dogme – voir dans ses formes extrêmes les ayatollas actuels et les inquisiteurs de la fin du moyen-âge.
      La manière de présenter la dimension spirituelle de l’être humain m’a toujours paru en Orient plus accessible, au sens où elle propose une expérience intérieure profonde très simple – la méditation – sans aucun volontarisme dogmatique, avec une sorte de bonne humeur détendue des maîtres.
      Quant à votre critique sur le guerrier, je suis d’accord, j’y reviendrai dans le prochain article. Il y a dans ce guerrier de Barefoot quelque chose d’un peu japonisant qui m’énerve moi aussi.
      A sa décharge, on peut dire que dans l’accès au monde spirituel, il y a différentes voies ; le guerrier spirituel correspondrait à la voie de l’action (karma yoga) – voir mon article sur la Bhagava Gita et le personnage d’Arjuna. C’est une voie parmi d’autres. Je crois qu’elle est difficile et susceptible de dérapages comme vous l’indiquez très bien, en particulier une certaine violence et omnipotence.

  7. Anne-Marie dit :

    C’est le mot guerrier qui choque. Mais 2 mondes à la fois est exact. Il n’y a pas que les mystiques à être en interconnexion avec « La Transcendance » je viens de comprendre que la détermination, l’engagement vient de la souffrance des autres. Ce n’est pas de moi, c’est un documentaire de Arte qui repassera le mercredi 11 décembre à 2h40! Et c’est une indienne qui le dit.
    Je me méfie de tous les religieux, ils défendent leur gagne-pain, ils participent à l’éloignement des humains par rapport à l’Esprit au même titre que la société de consommation ou du spectacle. Mais chacun interprète. Les religions furent le berceau des civilisations et à partir de là, chacun peut réfléchir selon ce qui lui ait donné de rencontrer, de traverser.
    Je ne crois pas qu’il soit bon, ni nécessaire de s’immiscer dans la vie spirituelle d’autrui. C’est sa relation très personnelle avec l’Esprit et ça lui appartient en propre.

  8. François Degoul dit :

    Coucou Alain, me revoilà.

    J’ai bien apprécié votre message d’hier, et votre conscience de la « subjectivité » dans nos préférences spirituelles.
    j’ai moi aussi ma subjectivité, qui rejoint la vôtre en ce qui concerne le rôle des dogmes et du clergé, et qui pour le reste s’explique par mon regard sur l’évolution des spiritualités dans l’histoire, notament leur évolution intégrative.

    En disant « c’est encore plus vrai dans l’islam », Claudine suggère la dimension historique de la foi monothéiste, qui me semble avoir progressé par étapes à la fois
    dans le sens de la proximité du divin et dans le sens de l’intégration.

    Je tiens à disposition un bon stock de références qui justifieraient mon propos, mais ce n’est pas le lieu ici je crois.

    Simplement la proximité de Dieu me semble exceptionnelle dans l’Ancien Testament, plus marquée dans le Nouveau, et comme fulgurante dans le Coran avec ce verset:

    « On te demande (à toi Muhamad/Mahomet) où Je suis… alors que Je suis là tout proche! ».

    Je dois enfin souligner que cette Présence (liée aussi à la liberté humaine) est solidement réaffirmée dans la Révélation d’Arès en Gironde (1974/1977), qui se présente, après Moïse, Jésus et Muhamad, comme le quatrième étage de la fusée abrahamique.

    Mais revenons à la dimension intégrative. Ma subjectivité encline à la réconciliation m’a toujours poussé à rechercher l’unité des croyances,

    et ce qui m’a, il y a 25 ans, poussé vers la Révélation d’Arès, c’est que après le Coran intégrant jufs et chrétiens, elle « intègre » Bible, Coran et humanisme des Lumières, tout en affirmant que Dieu parle aussi d’autre manière à l’Afrique et à l’Extrême Orient.

    Côté intégratif, je trouve donc que notre occident spirituel ne s’en sort pas mal.

    Problème: l’orient spirituel offre-t-il aussi un devenir intégratif?

    Le plus bel exemple que j’en connaisse (et qui me semble structurellement comparable à la Révélation d’Arès), c’est le mouvement japonais dit Oomoto:

    Cela commence il ya 150 ans avec une veuve shintoïste illettrée (comme Muhamad!) et qui comprend en deux heures d’illumination qu’il faut passer d’un shintoïsme japonais nationaliste à un monothéisme d’amour universel incluant toute la nature.

    J’ai été invité au Japon par ce mouvement, qui se flatte de rassembler les courants religieux du monde entier, sans les mixer comme une soupe passée, mais en les réunissant avec leur spécificité comme un délicieux minestrone.

    Côté intégratif, il faudrait en parallèle évoquer aussi le bahahisme (vers 1850 en Iran).

    François Degoul

    • Quelle joie de vous lire, François ! J’apprécie toujours votre esprit de synthèse et ce besoin de conciliation et d’unité que je nomme dans mon jargon « intégratif ».
      J’ai beaucoup de mal avec l’Islam en ce moment, mais je suis dans la désinformation ou plutôt le formatage imposé par les médiocres médias. Néanmoins j’ai un ami marocain que j’estime beaucoup par ailleurs pour son intelligence, mais à chaque fois que nous avons voulu parler spiritualité, il s’est mis en position supérieure, comme s’il avait la Vérité, comme si son prophète était le grand « Intégrateur ». Je suis obligé alors de changer de sujet de conversation.
      Finalement, le pire, ce sont les religions qui réussissent, elles sont immanquablement tirées vers le bas, vers le dogme et le rituel sénile et stérile, même si leurs prophètes – je dirai leurs maîtres – ont tous quelque chose qui m’apparait sympathique. Et je crois que c’est la même chose en Orient : un maître éveillé, en finit par perdre sa lumière, quand les disciples et leur clergé – les intermédiaires – pointent leur nez en trop grand nombre..
      En fait, les seuls maîtres ou prophètes que j’aime, ce sont ceux qu’on appelle en Occident les « mystiques ». Souvent ils restent assez solitaires, ne laissant derrière eux que quelques écrits sous formes de poèmes laconiques et les souvenirs ébahis de ceux qui ont eu la chance de les rencontrer.
      En Orient, en particulier en Inde, ils sont une floppée. Ce sont souvent des moines errants vivant de la mendicité, leur regard brûlant suffit parfois à vous illuminer.
      En Occident, je vais bientôt parler de l’un d’entre eux que j’aime beaucoup, et il y a aussi beaucoup de femmes merveilleuses. C’est sûrement parce qu’elles sont femme, qu’elles n’ont pas créé de mouvement, d’organisation, de clergé et c’est tant mieux.
      En fait, curieusement, je serai plutôt du côté du message d’Anne-Marie qui précède le vôtre. Au plus haut degré de la spiritualité, dans la fusion avec l’Un, Dieu, le Soi, le Tao, l’Esprit, l’expérience est intime, solitaire, indescriptible. Il n’est pas besoin de s’y immiscer, de même qu’il est impossible d’en parler, au risque de la déperdition, de la trahison.
      Ce qui n’empêche pas bien sûr les paliers intermédiaires, préparatoires, toutes ces organisations, tous ces mouvements, tous ces écrits, toutes ces voies et voix différentes, mais en étant bien lucide sur leurs limites et leurs dangers – elles peuvent être aussi un obstacle, un voile, une illusion de plus qui éloignent du But, même si ce mot est un peu ridicule, car il s’agit d’un état d’être dont les mots ne peuvent pas rendre compte, mais plutôt le Silence.

  9. marko dit :

    Bonjour Alain,
    Merci pour cet article… les commentaires sont toujours aussi riches. Le terme de guerrier ne me derange pas de mon cote, mais je le vois plus comme une etape… a sublimer par la suite… Se preserver de l’alienation technicienne, rester humble plutot que competitif, ne pas vouloir avoir ceci ou faire cela… peu en effet impliquer une forme de lutte… certes avant tout interieure et subjective… mais une etape qui peut s’averer inevitable pour se liberer et se laisser penetrer par l’Esprit en action, par les flux de la vie… Dans ma mythologie personnelle, le terme de guerrier implique plus un effort d’eveil, d’attention qu’une opposition a qui ou quoi que ce soit… C’est en effet extremement subjectif :)
    Par contre, comme Claudine, je prefere les termes de Temoin ou de passeur… le terme de guide me derange en revanche… sans doute plus que le terme de guerrier d’ailleurs :)
    A mes yeux, ou meme derriere mes yeux, le seul guide est soi-meme…
    Merci encore et je me permets de partager mon dernier poeme… un autre excellent moyen de survivre spirituellement en milieu urbain ;)

    Souffle d’Automne

    Douceur du soir, le calme rendez-vous
    De la lune et des étoiles.
    Souffle frais et léger.
    Parfume les songes, les idées,
    Efface les discours, anime le Verbe,
    Propose ses détours,
    Sublime les flammes.
    Douceur solitaire,
    En partage avec l’Univers.
    Digestion quotidienne des élans,
    Stimulations soutenues de nos aimants.
    Souffle frais et léger.
    Aère les songes, électrique,
    Transforme les pensées en vécu,
    Change la Nature de nos aperçus.
    Douceur de voir les arbres danser,
    Presque nus,
    Ils dansent en attendant l’hiver.
    Offrent leurs arabesques,
    Et dessinent les signes
    D’une langue méconnue.
    Souffle frais et léger.
    Des alphabets anciens
    Qu’il nous faut pénétrer, déchiffrer,
    Briser le sceau qui ferre nos vérités.
    Elancer l’être dans les vents de la Matière.
    Embrasser la douceur du soir,
    Paresse de la mémoire.
    Le calme rendez-vous du cœur,
    De la lune et des étoiles,
    Du soleil intérieur
    Et de toutes ses flammes.
    Souffle frais et léger.

    ML (2013)

  10. Anne-Marie dit :

    Moi qui ne comprend pas la poésie, j’ai aimé. Merci.
    Deux questions cependant. Est-ce que le N majuscule de nature est poétique ? ou quelles sont vos intentions pour lui donner une majuscule. A moins que (deuxième question) la nature étant l’expression de l’Esprit, n’aurait pas besoin du « Élancer l’être dans les vents de la Matière » puisque vous opposer clairement Nature/Matière ?

    • Merci, marko, pour ce beau poème.
      Pour Anne-marie, je dirai que la Poésie n’a pas besoin d’être comprise, c’est à dire moulinée par le mental ou l’intellect, elle s’adresse à une autre dimension de nous-même de nature (Nature ?) intuitive, plus proche de « j’aime ou je n’aime pas », « ça me rapproche ou pas de ma véritable Nature… »
      Quant au guerrier, c’est vrai, c’est une image difficile à accepter, tellement nous pensons spontanément aux brutes et soudards qui ont ensanglanté l’histoire humaine.
      Mais sur le plan spirituel, il s’agit d’une Voie, je le répète, une voie très utile, car engagée dans l’action. Le déficit, le grand danger de la spiritualité – que j’appelle à l’eau de rose -, c’est de se désengager du monde, se mettre en retrait, dans la confortable conscience témoin. Il me semble que par les temps qui courent, il va falloir beaucoup de guerriers spirituels pour sauver ce monde en grande perdition.

    • marko dit :

      Bonjour Anne-Marie et merci,
      Il n’y a pas d’intention veritablement definie au niveau mental/rationnel concernant la majuscule a Nature… En le relisant a present, je vois cette majuscule comme une maniere de souligner les multiples sens possibles de Nature… Je ne me questionne jamais sur un sens precis des mots que j’utilise dans mes poemes… J’ecris sans reflechir, j’essaie plus de me sentir etre, traverse, en lien avec l’univers,… souvent les mots me viennent avec plusieurs sens en meme temps… en plusieurs dimensions pourrions nous dire… Il est tres rare que le meme poeme m’evoque exactement la meme chose si je le lis plusieurs fois (qu’il s’agisse d’un de mes peomes ou de celui de quelqu’un d’autre)… La poesie est en effet plus du ressort du Verbe que des mots, la poesie est vivante et ce qu’un poeme exprime se joue souvent plus dans l’invisible que dans les mots concrets ecrits sur le papier… on éprouve soudain une joie, un aperçu profond, une impression, une communion de l’être, on est, et à peine sort on le stylo, que le temps s’étire à nouveau… C’est interessant que vous perceviez une opposition Nature/Matiere dans ce poeme, car en mon esprit tout est expression de l’Esprit… :) et du coup, Nature et Matiere seraient plutot complementaires…
      Alain, je suis tres d’accord sur le fait que la perception poetique est de l’ordre d’un j’aime/j’aime plus qu’autre chose… Rilke ecrivait d’ailleurs: ‘Les oeuvres d’art sont d’une infinie solitude ; rien n’est pire que la critique pour les aborder. Seul l’amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. ‘

  11. François Degoul dit :

    Je rebondis, Alain, sur votre 4 déc. 2013.

    Nous avons tous notre subjectivité et notre passé, qui nous inspirent une aversion envers tel ou tel homme ou courant de pensée, et une difficulté à en « intégrer » le fond. L’islam… mais d’abord…

    Ainsi, vous aimez Nietzsche et pas Descartes, moi c’est l’inverse:
    la notion de volonté de puissance m’a toujours semblé préparer le fascisme, l’antisémitisme…

    Quant à Descartes, ce que j’aime chez lui, c’est cette 3ème Méditation dont, même si on ne médite pas tous pareil, les derniers mots rejoignent votre pensée :

    « une semblable méditation nous fait jouir du plus grand contentement que nous soyons capables de ressentir en cette vie ».

    Bien sûr Descartes est lourd et scholastique, mais sa démarche à partir d’un « fini » révélant en creux désir et idée d’un « infini » qui nous dépasse tous, cette fascination de l’invisible me semble rejoindre la spiritualité que je trouve dans ce blog.

    Du reste, cette fin de 3ème Méditation nous ramène aussi à la question d’un Dieu non « lointain » (votre propos du 2 décembre), mais proche, dit Descartes, par son « image et ressemblance » (début de la Genèse), présente en nous comme « la marque de l’ouvrier empreinte sur son ouvrage ».

    Comme Descartes, l’islam vous pose problème, et vous discernez bien les deux pôles du cercle vicieux:

    d’un côté, chez votre ami, l’orgueil de toute religion qui se considère comme le reflet universel de l’Infini,

    et de l’autre, dans les média, le mépris chrétien et colonialiste de notre occident à l’égard d’un islam dont l’impact historique est lié à cette étonnante synthèse d’élévation et d’humanité simple,
    mépris qui par réaction a renforcé la première tare de l’islam, cet excès « guerrier », dont justement la pertinence spirituelle mérite examen (votre propos du 6 décembre).

    Entre nous, vous avez de la chance d’avoir pour ami musulman un intellectuel marocain. Les musulmans marocains sont en général beaucoup plus ouverts et tolérants que les Algériens.

    Pour m’a part j’ai de bonnes discussions de fond avec les musulmans marocains.
    Il y a une bonne clé pour décoincer au départ… je vous la donnerai ici, ou en privé, comme vous voulez.

    François

    • Je ne vous suivrai pas, François, sur ce chemin périlleux et glissant de la comparaison entre les systèmes religieux par auteurs interposés, car je me sens étranger à tout esprit de système, d’autant plus qu’il est religieux ; car un système produit du mental humain et de son ego individuel ou collectif, va toujours vouloir se comparer aux autres systèmes pour prouver sa supériorité.
      Donc, je ne lirai pas la 3e méditation de Descartes, ni ne me mesurerai sur ce terrain là à cet ami musulman, car je sais trop bien comment cela se terminera.
      Pour moi, il y a les religions et il y a la religiosité. La religiosité est une expérience intime, intérieure, plutôt solitaire, qui s’exprime d’abord par un ressenti intérieur, un état d’être. c’est pour cela que je disais que seuls les mystiques m’intéressent, ils n’aiment pas créer des systèmes et des institutions dans lesquels leur message, leur expérience sera de toute manière trahie.
      C’est pour cela qu’ils s’expriment le mieux par la poésie ou la musique ou le corps ; en général ce sont des pèlerins, des nomades, des errants, pas très bien vus par la masse, qui cherche àse rassurer par des croyances faciles et illusoires.
      Pour parler de Nietzsche, c’est cela que j’aime chez lui : cet errant entre Sils Maria, Turin et Nice, qui écrit un grand et long poème comme « Zarathoustra » ; par contre sa philosophie est pleine de bêtises comme chez tous les philosophes, car il a essayé de systématiser une expérience vitale – ce qui est la porte ouverte à tous les mensonges et les interprétations.
      Finalement, François, je suis plus intéressé par vos expériences personnelles et intimes de vos grandes randonnées au milieu de la divine Nature, que par les idées ou le système de l’Islam oui des révélations d’Arès – j’espère que vous le prendrez bien.

  12. Anne-Marie dit :

    Pascal faisait bien la part des choses en différenciant la Matière, l’Esprit, et le Cœur (le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas)

  13. François Degoul dit :

    Alain, votre message du 7 décembre me montre que je me suis mal fait comprendre, car je me suis laissé entraîner par une de mes passions, celle de défendre Descartes contre l’injustice dont il est très souvent victime,

    celle de méconnaître en lui la réalité d’une spiritualité intime, « mystique » diriez-vous, à vrai dire embryonnaire mais… s’il était vivant comme j’aimerais l’aider à exprimer ça d’une manière plus affective!

    Mais, si mon propre « mysticisme » reconnaît avec émerveillement toute étincelle de mysticisme chez tout être humain bien connu de moi, j’ai tout autant, vous le dites bien, ma propre source intuitive de mysticisme, par exemple les « randonnées dans la grande nature », dont je reparle ci-dessous.

    Ceci dit, je n’ai pas, le 6, assez explicitement relié mon propos au vôtre du 4 décembre.
    Ce qui m’a percuté, dans votre texte, c’est l’aveu de vos difficultés à dialoguer avec votre ami marocain musulman.

    Cet aveu, « j’ai beaucoup de mal avec l’islam en ce moment », il ne m’était pas venu à l’idée de l’interpréter comme un aveu fermé du genre: « moi, l’islam, ça ne passe pas, la preuve ».

    Je l’ai interprété comme un « aveu ouvert » du genre « je constate une contradiction entre cette difficulté et mon idéal intégratif ».

    Mon propos visait donc

    1) à vous dire que vous n’êtes pas le seul à connaître ce genre de tension intérieure, puisque, moi aussi, « j’ai beaucoup de mal avec Nietzsche », sur lequel d’ailleurs vous m’aiguillez dans votre réponse bien appréciée.

    2) à vous aider (comme vous m’aidez pour Nietzsche) à dépasser ce que j’appelerais « préjugé d’antipathie », et d’autant plus que le meilleur ami que j’aie eu, décédé il y a quelques annnées, était un marocain musulman, d’une ouverture exceptionnelle il est vrai.

    Je sais que le principal blocage dans le dialogue avec l’islam, c’est cette expression coranique de « sceau des prophètes », comme si après Muhamad, il n’y avait plus place pour rien. Mais là on peut décoincer en regardant le mot arabe qu’on traduit par « prophète ». Je n’en dis pas plus pour l’instant.

    Pour en revenir à du concret, question randonnée dans la nature, vous êtes plus marin et moi plus montagnard, mais j’ai un projet à long terme (15 mois environ) de quelques jours de vie frugale et rustique en petit groupe au grand air sur une garrigue dominant la grande bleue, à trente minutes à pied de la calanque la plus proche.

    • oula François vous voyez loin : dans 15 mois … Serai-je encore en vie ? De toute manière, il faudra me rappeler ce beau projet.
      Sinon, au sujet de notre discussion sur l’islam, Nietzsche, Descartes, je ne sais pas trop quoi vous répondre ; à chacun ses maîtres, ses repères, ses amitiés spirituelles, le tout étant d’arriver à cet état d’être intérieur, où nulle discussion n’est plus de mise, où le mental s’est effacé pour laisser place à une unité intérieure au delà de tout système religieux, au delà de tout prophète si séduisant-il.
      j’ai envie de citer Osho que je lisais hier soir avant de m’endormir :
      « Deux personnes qui réfléchissent sont deux ; deux personnes dans un état de non-pensée, sont une, parce que toutes les deux dans le même espace, il n’y a pas de différenciation, pas de limite.
      Les pensées sont différentes, elles créent des lignes de séparation. Par contre le non-mental n’a ni limite, ni séparation, ni différence.
      Deux êtres innocents ne sont qu’un. »
      C’est tiré d’un petit livre : « Pépites d’or, messages de l’existence » paru récemment aux éditions Véga et qui peut être un très joli cadeau de Noël pour découvrir Osho.

  14. Daniel dit :

    Pour ma part j’ai toujours ressenti que les deux mondes étaient interconnectés. Je pense que dans l’univers il existe une grande unité et que tout est question de vibrations. Nous pouvons ainsi vivre dur différents niveaux vibratoires et passer du monde visible au monde invisible ne doit pas être considéré comme une rupture mais plutôt comme une sorte de continuité.

  15. Brigitte B. dit :

    Coucou les amis!

    Alain, vous m’avez demandé il y a quelques jours de parler un peu plus précisément de la « simultanéité » des deux mondes (visible et invisible).

    Oui, alors donc une amie de Sri Aurobindo que Satprem appelle « Mère » a vécu des expériences tellement intéressantes à ce niveau-là qu’il les a reprises et explicitées dans son livre « Le Mental des cellules ».

    C’est très difficile de rendre compte en peu de mots ce qu’elles signifient mais je vais essayer.
    En fait, « Mère » démontre qu’il suffit de peu de choses pour que l’être humain, la personne faite de chair et d’esprit, passe d’un état à l’autre (du monde visible à l’invisible) : « il suffit d’un tout petit déplacement intérieur, d’un changement de qualité ». Cette façon de rendre compte de ce qui se passe m’a rappelé immédiatement ce qu’écrit Castaneda :  » déplacement du point d’assemblage »! (j’aime bien retrouver les mêmes réflexions chez différents auteurs…)

    Si nous n’arrivons pas à percevoir cette autre réalité (invisible), c’est parce que nous avons été formés, éduqués, à acquérir des connaissances de façon exclusive (« ça et pas ça ») et notre cerveau s’est habitué… Or, « Mère » a compris qu’il n’y avait pas de séparation (« Non-non-non : ça ET ça »). Alors que nous sommes toujours tentés de ne voir les choses que d’un seul côté à la fois (noir ou blanc, chaud ou froid, lumineux ou obscur…), il existe un état où tout est rassemblé. A ce « moment-là », il n’y a plus de différence entre la vie et la mort!

    Pour illustrer les propos de « Mère », Satprem cite un verset des rishis védiques d’il y a 5 ou 7000 ans : « Il découvrit les deux mondes, éternels et dans un même nid » (Rig-Véda, I.62.7)

    Ouf! c’était pas facile!

  16. François Degoul dit :

    Merci, Brigitte de cette façon simple de présenter les choses. Je viens de faire l’expérience: je VOIS mon écran (visible) et puis je FERME LES YEUX et je sens alors mes membres , mon corps, ma pensée, mais tout ça c’est INVISIBLE à qui que ce soit. OUI « un tout petit déplacement intérieur » suffit, quand on est habitué à « voir » les choses ainsi.
    François