Un penseur japonais, Maître Dogen, sage, religieux et philosophe,
dit que l’univers entier est la pensée des fleurs.
Une parole comme celle-là, on ne peut la pousser plus loin,
parce qu’elle casserait.
J’ai lu ce passage dans un texte de Christian Bobin,
trouvé dans la somptueuse revue Canopée n° 10 de Nature et Découvertes.
J’aime aussi ce texte d’Osho trouvé dans le petit livre « Le Zen, son histoire, ses enseignements et son impact sur l’humanité » aux éditions Vega, et qui fait remonter l’origine du Zen à une histoire de fleur.
La graine du Zen :
Ce jour-là, des milliers de disciples étaient venus des alentours pour écouter un discours du Bouddha.
Il fit son apparition une fleur à la main.
Le temps passa sans que Bouddha ne dise rien,
il regardait simplement la fleur.
la foule s’impatientait.
soudain Mahakashyapa ne pouvant plus se retenir, éclata de rire.
Bouddha lui fit signe de s’approcher, lui donna la fleur et dit à la foule :
« Tout ce qui est transmissible par les paroles, je vous l’ai transmis ;
mais par cette fleur, je transmets à Mahakashyapa,
la clé de tous les enseignements. »
Pour terminer, cet haïku d’Issa, que je trouve magnifique,
car il permet l’intégration entre cette éclosion joyeuse des fleurs
et la souffrance omniprésente.
Un monde
qui souffre
sous un manteau de fleurs.Kobayashi Issa
Tags : bouddhisme, haïku, Osho, saisons, spiritualité, zen
J’ai trouvé aussi cette belle pensée de Christophe André dans son son livre « Méditer jour après jour » ed. l’Iconoclaste :
« La pleine conscience nous aide à comprendre que nos instants de bonheur sont comme des fleurs à respirer et à abandonner, et non comme des pièces d’or, à agripper et à accumuler, des fleurs magnifiques et fragiles, éphémères comme le sont nos vies. »
Bonjour,
Ah! Voilà qui nous change du béton. Oui, cet éclatement de la vie est admirable. J’ai particul
ièrement aimé la pensée de Christophe André. Cette métaphore du bonheur et de la fleur me parle particulièrement. Elle peut paraître pessimiste, puisque les fleurs, fragiles et éphémères, ne durent pas, à l’image des instants de bonheur.
mais à la réflexion, c’est bien le contraire qui me semble vrai. Les fleurs , si elles ne durent pas, reviennent inlassablement; si ce n’est pas elle c’est une autre, semblable ou bien différente, peut importe. C’est là un vrai message d’espérance: le bonheur est toujours fugitif, mais il peut revenir à tout moment, sous des formes variées qu’il faut apprendre à reconnaître.
merci Claudine, c’est vrai que ces fleurs font du bien face au « béton sur Seine »…
et en même temps, c’est cela aussi le chemin de la pleine conscience : accueillir et accepter de la même manière l’agréable comme le désagréable.
Pire, c’est peut-être face au désagréable et au négatif que pour ainsi dire la pleine conscience fait ses preuves. Sinon on peut tomber facilement dans quelque chose « à l’eau de rose ». C’est dans cette intégration du négatif et du positif, c’est à dire de la dualité inhérente au monde formel de notre incarnation, que la conscience émerge le mieux et affute son pouvoir dans le moment présent.
Dit d’une autre manière, il n’y a rien qui ne m’énerve plus que cette avalanche actuelle de livres sur la « pensée positive », il manque la moitié du chemin…
c’est pour cela aussi que le haïku d’Issa me semble très fort.
Haïku cosmoderne.
Le mental est clos
poing refermé sur lui-même
la pleine conscience éclose
don de l’infini
où viendrait se nicher les oiseaux du ciel.
merci Olivier, il n’y a rien à rajouter, c’est parfait, il n’y a qu’à recevoir les oiseaux du ciel… magie du poème…
dans un deuxième temps, mon esprit intégratif a envie d’ajouter quelque chose comme :
« la pleine conscience éclose / don de l’infini / où viendrait se nicher les oiseaux du ciel …
et où le poing refermé sur lui-même
se sentirait l’envie de s’ouvrir. »
Je ne peux m’empêcher de citer ce beau poème de Maître Dogen, à l’origine du courant Zen Soto au Japon pendant le 13e siècle, tiré de ce beau livre au nom si poétique : « Polir la lune et labourer les nuages », aux éditions Albin Michel, commenté et traduit par Jacques Brosse :
« Comme toujours
S’épanouissent les fleurs de cerisiers
De mon village natal,
Leur couleur est identique
Chaque printemps. »
Je reproduis le commentaire de Jacques Brosse :
Le village natal est l’origine, le visage originel, qui n’est encore ni souillé ni dévié, le visage du petit enfant, tout lisse, en communication directe et inconsciente avec l’ordre universel, le Dharma,
dont les fleurs ne peuvent ni perdre leur couleur, ni se faner, ni tomber,
comme la fleur présentée par le Bouddha,
comme celle qui s’épanouit en zazen. »