Cesse de vouloir être important ;
que tes pas ne laissent aucune trace.
Voyage seul comme le Tao
au pays du grand silence.Si un homme traverse une rivière
et qu’une barque vide
heurte sa propre embarcation,
il ne sera pas offensé ou courroucé,
quel que chaud puisse être son sang.
Mais si la barque est dirigée par quelqu’un,
il se peut qu’il s’échauffe, hurlant et jurant,
simplement parce qu’il y a un rameur.Prends conscience que toutes les barques sont vides
quand tu traverses la rivière du monde,
et rien ne pourra t’offenser.Tchouang-Tseu
Ce texte est tiré d’un merveilleux livre « Le 2e livre du Tao, le rire de Tchouang-Tseu« ,
textes choisis et commentés par Stephen Mitchell (Synchronique éditions).
C’est un texte que j’adore,
que je lis et relis souvent, avec un tel ressenti de bien-être et de détente…
Est-ce parce que les barques traditionnelles en bois m’ont toujours fasciné ?
(Voir toutes les galeries photos que je leur ai consacré)
Est-ce parce que cela me fait penser à la discussion avec Catherine
dans l’article précédent,
où j’ai senti le courroux monter, malgré que nous ne soyons tous les deux que des barques vides, « traversant la rivière du monde, au pays du grand silence » ?
J’ai l’impression que ce texte remet d’un coup
les pendules intérieures à l’heure et nous décille d’un geste les yeux,
pour ouvrir la Vision de notre Etre le plus profond,
– Etre, que nous ne devrions jamais oublier, malgré le tintamarre ambiant,
et qui répand sa dérisoire impermanence dans la grande Vacuité.
A vos commentaires, les amis,
à moins que le silence soit seul de mise …
Tags : barques, maitres, spiritualité, taoïsme
Je crois simplement qu’il faut prendre conscience des méfaits de la frustration. Il nous appartient de nous ouvrir un max.
Pourquoi, moi qui souhaitais ne plus participer à vos échanges, me revoilà, là où ….
Être libre ? Spinoza disait qu’il n’y avait pas de liberté sans contraintes, et je confirme.
Mais quel rapport, Anne-Marie, entre ce que vous dites et le « vide », le « tao », le « silence », et l’imperturbabilité sous-jacente?
Nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter.
Il y a des personnes qui oublient cette vérité, alors la frustration montre son nez.
Je prends conscience que le problème peut se résoudre par la foi ou le doute. Entre ces deux néants avant la naissance et après la mort, cette plage est à notre disposition. Soit nous choisissons la foi (notre vocation) soit nous restons en marge. Quand je parle de vocation ? cela signifie notre individualisation avec son éthique. Donc, c’est tellement collé à nous que rien ne peut nous heurter car nous savons pardonner.
le sens de ce texte ne m’apparait pas ? la barque vide et les commentaires me laissent des directions fort diverses, si vous pouviez m’éclairer ?
merci
oui, Désiguale, cette barque vide est bien difficile à comprendre et à mettre en mot, c’est pour cela que Tchouang-tseu privilégiait les histoires et les métaphores, comme celle-ci et non la spéculation compliquée.
Je ressens – je ne pense pas – que notre dimension la plus profonde est le Vide ou mieux encore la Vacuité. Lao-Tseu – le maître de Tchang-Tseu – parle de Tao, et il dit bien :
« Le Tao qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même
le nom qu’on veut lui donner n’est pas son nom adéquat. »
Mais comme la nature a horreur du Vide, notre nature incarnée avec ses dimensions inférieures egotiques (physique, émotionnelle et mentale) va se précipiter pour remplir ce Vide et tenter de se sécuriser en le remplissant de toutes les formes pensée qu’elle connait ; c’est un peu ce qu’a fait Anne-Marie, qui pour se sécuriser remplit le vide de tous ses dogmes et croyances d’origine chrétienne, en nous parlant de la foi par exemple.
Mais, il y a mille manières différentes de remplir ce Vide de ses pensées et de ses croyances personnelles, de sorte que si l’on prend ce chemin, vous avez raison, François, on ne va plus rien y comprendre.
Non, le Vide de la barque vide, c’est le Vide. Il faut rester courageusement en face et y plonger, jusqu’à s’y dissoudre, s’évaporer, disparaître en tant qu’ego, en tant que personne.
Car derrière le masque : il n’y a rien et ce rien est délicieux, quand on a la chance et le courage de s’y plonger.
Oui, la vacuité c est notre état d être profond est ce bien cela qu il faut saisir ainsi ?
En etat d accueil de la vie, et tout le reste est du remplissage que l on se crée au fur et à mesure de la vie…. la vacuité serait un detachement supreme, le lacher prise?
La barque croisé e est ce les autres ou les aléas de la vie ?
Je cherche a entrer dans cette idée de la barque, y sentant une resonnance qui ne vient au sens des mots uniquement ?
oui c’est ça, Desiguale, si tu vas voir au plus profond de toi dans le silence et l’immobilité d’une méditation prolongée, il n’y a rien, un Vide, où passent quelquefois quelques pensées, quelques émotions, quelques sensations, qui finissent pas s’estomper ; bientôt, il ne reste plus rien, juste un grand Vide qui devient de plus en lumineux et agréable.
Et c’est la même chose pour le monde extérieur : si tu te mets à la terrasse d’un café pour observer le charivari ambiant, tu vois bien que tout passe, tout est impermanent, tout est inconsistant, une sorte de fumée de formes éphémères, et derrière de nouveau le grand Vide, comme un écran lumineux, dans le cinéma le plus invraisemblable.
La barque croisée pour l’entrechoquement, c’est l’histoire des hommes : ils gèrent leur différence et leur variété en se querellant, se disputant, s’entretuant…
Mais si je suis dans ma Nature profonde, dans le Vide, alors c’est impossible, j’ai envie plutôt d’éclater de rire !
oui, je commence à mieux saisir le sens à atteindre des mots, correspondant à des états de détachement de soi et du monde autour de nous.
Ainsi au centre de soi même, nous pouvons traverser la ville seul et habité de nous même comme de l’intérieur… en fait si nous sommes au clair en nous le fracas( querelles…) des autres devient spectacle dont on peut s’amuser ou nous pouvons nous émouvoir et devenir acteur de gestes à poser ou de mots à prononcer du plus profond de nous m^mes comme des sages habités de l’intérieur…je me laisse ainsi glisser sur la rive opposée…
Bonjour,
Décidément, j’apprécie de plus en plus Tchouang-Tseu, pour ses images très parlantes, ses métaphores, sa légèreté, son ironie.
Mais… ce concept (je me sers de ce mot faute d’en trouver un meilleur) de vacuité intérieure, décidément, ça ne passe pas. D’abord, comment peut-on concilier cette vacuité intérieure avec l’idée et l’expérience de la pleine conscience telle qu’elle est enseignée par Jon Zabat Zinn ? L’impermanence est quelque chose que j’accepte très bien, que j’ai parfois expérimentée; elle nous donne en effet du recul par rapport aux évènements; elle permet parfois d’allèger la vie. Mais comment croire qu’ au dedans de nous il n’y a rien ?
Que faire de notre conscience d’être ? Elle vient bien de quelque chose, même si on ne sait pas encore de quoi.
Et que dire de la créativité ? D’où vient-elle ? Là aussi c’est bien mystérieux; mais diriez-vous que Bach, Mozart, Botticelli, Rembrandt tirent leur génie de la vacuité ?
J’ai bien conscience de ne pas être sur le même plan que vous, Alain et Desiguale; je raisonne sur ce que je connais peu, alors que vous, vous parlez d’expérience vécue. Mais cette expérience me paraît tellement en contradiction avec ce que je crois ressentir que j’ai du mal à l’accepter.
Ai-je envie de me « dissoudre », de m' »évaporer » ? Pour l’instant je ne crois pas, et je ressens cela plutôt comme une démission, une fuite en quelque sorte, qui peut être le pendant de notre besoin de remplir le vide; ce serait comme deux façons antinomiques de faire face au mystère de la condition humaine.
oui ce texte interpelle réellement. je dirais Claudine, que le tout est de donner aux mots le m^me sens.
« Mais comment croire qu’ au dedans de nous il n’y a rien ? »
je dirai que l’expérience de la vacuité est comme en creux notre être profond. je ne dirais pas que j’appelle cet état : rien ?
Je ne me ressens pas en fuite, j’ai longtemps cru que le vide… pouvait être aussi un état à remplir… avec quoi certes…
si ce vide exprime un manque, le remplir est une condition de la nature humaine … mais si ce vide qui se fait en laissant passer les pensées et l’agitation de ce monde qui va nous permet d’accueillir en soi l’instant présent et d’être là maintenant vivant et respirant au rythme de la vie ici là et maintenant …
je ne me dissous, pas , je ne m’évapore pas… je suis là et j’accepte et j’accueille là ici vos mots…
et à partir de notre être profond notre créativité, leur créativité a pu s’exprimer, et encore ici et maintenant nous donner à entendre, à sentir des émotions ou pas ?
oui ,notre condition humaine reste pleine de mystère je le conçois et le déplore à chaque instant d’ailleurs oui !
Quelques remarques, Claudine, sur ce que vous dites :
d’abord cela me fait plaisir que vous appréciez Tchouang -Tseu, c’est un de meilleurs amis… c’est comme si il était toujours là, avec sa canne à pêche, au bord de la rivière, à nous faire des clins d’oeil amusés.
Ensuite vous dites : « comment peut-on concilier cette vacuité intérieure avec l’idée et l’expérience de la pleine conscience telle qu’elle est enseignée par Jon Zabat Zinn ? »
Cette expérience du vide ou mieux de la vacuité intérieure (et extérieure) fait partie de l’expérience de la pleine conscience, seulement, telle que JKZ l’enseigne, il n’y insiste pas trop, à mon avis pour des raisons pragmatiques à l’américaine : il parle surtout de l’effet anti-stress de la méditation, un bon fond de commerce par les temps qui courent, qui lui a permis d’ouvrir de nombreuses clinique du stress, où il enseigne sa méthode.
Mais cette expérience du vide est le couronnement de toute méditation, – le Bouddha n’arrête pas d’en parler -, même si pour la plupart d’entre nous, on s’arrête à mi-chemin. D’autant plus qu’il ne faut pas non plus se faire abuser par les mots : ce vide est un vide-plein, si bien que l’on pourrait appeler la mindfulness : la mindful-emptyness (la pleine vide- conscience)..
Car, pendant cette méditation, il y a la perception de l’impermanence de toute chose, comme vous le dites très bien, mais il y a quelque chose aussi, en plus : le regard, l’Oeil de la conscience, le Témoin, et quand on poursuit longtemps la méditation, on devient regard de ce regard, conscience de la conscience,
et cela est vide – j’ajouterai lumineux et délicieux.
Ensuite, ce Vide colore toute chose, même quand il est plein des expériences intérieures et extérieures ; aussi, pour nommer ce vide-plein, on a créé le mot vacuité.
Quant à la dissolution dans le vide, je crois qu’il s’agit seulement de la dissolution du moi, de l’ego. Pas facile, celui-ci résiste de toute part. Je connais même des ego surpuissants qui prêchent le Vide de manière péremptoire – ce qui est du plus mauvais goût.
je viens de lire vos échanges, la barque vide, le plein, les autres,….merci Alain de ce partage, je trouve ici une bonne source d’inspiration!
en vous lisant sur le vide, le plein,…je repense à ce que dit Lao Tseu (je crois que c’est lui?) : « Avec l’argile, on fait un vase et c’est le vide qui lui donne toute son utilité… »
Pour ma part, je vis des moments de « plein » qui sont pour moi, de l’action, des voyages, des relations avec les autres et des moments de « vide » qui sont pour moi, de la solitude, du silence, un minimum de relation avec les autres, comme des phases de « repos » pour digérer, réfléchir, laisser décanter mes émotions,…Je remarque qu’étant une pratiquante de sports de compétition à la « retraite », ces moments de vide sont comme les périodes d’arrêt de compétition qui duraient 15 jours environ, pour retrouver l’envie, l’appétit, comme une diète pour libérer les toxines, les tensions, ou comme l’hiver, l’hibernation…En fait, réussir à alterner « vide » et « plein » selon mes besoins, me protège des agressions d’autrui, du « gavage » de la masse d’informations que je reçois, où la dimension catastrophique semble prendre toute la place!
Ma barque à moi, c’est regarder l’écureuil filant dans les arbres devant ma fenêtre, déguster un kfé avec chocolat noir, écouter de la musique, être surprise par la beauté de cette voix, cette chanson à la radio l’autre jour « formidable » et découvrir que c’est Stromae,…pratiquer à mon rythme du qi qong, à ma façon des temps de méditation où une sensation de « tranquillité » se déploie dans mon corps et mon âme….Je voudrais partager avec vous une curieuse envie de rire qd j’ai lu sur le journal la confirmation que la phrase de la prière « Notre père » était bien modifiée : « …ne nous soumets pas à la tentation… » doit être remplacé par « …ne nous laisse pas entrer en tentation…. »! sans être pratiquante, je suis étonnée de la légèreté avec laquelle un texte d’une telle ancienneté puisse être si facilement « corrigé », à moins qu’une nouvelle info ne m’ait échappée?
Bonjour,
Cette notion de « vide-plein » ma laissée dans un abîme de perplexité, que je ne me sens pas prête encore à appréhender . Bien sûr, comme Co, j’ai mes moments de plein et mes moments de vide, mais je ne pense pas que ce soit cela qu’Alain voulait dire exactement. La formation que j’ai eue ainsi que les nombreuses années qui sont derrière moi font comme un barrage qui semble bien difficile à entamer. Peut-être, dans une vie ultérieure, s’il y en a une, pourrais-je accéder à cet état.
En tout cas les trois photos du chapeau n’évoquent pas pour moi le vide, mais bien plutôt une certaine forme de calme, et même de sérénité.
oui, Claudine et Co, l’alternance de plein et de vide, c’est bien, bien-sûr, mais dans la vision orientale, il ne s’agit pas de cela, c’est une simultanéité de plein et de vide, et l’expérience, c’est celle d’un vide / plein, que l’on peut approcher le mieux, je crois, par la méditation : je suis conscience de … – la conscience est vide tout en étant pleine de… Cela donne une dimension supplémentaire à la réalité faite de légèreté. Difficile pour la pensée occidentale qui raisonne dans la dualité.
L’alternance de plein et de vide, n’est-ce-pas le dialogue inter-personnel entre les deux capacités qui sont possiblement en nous ?
En nous d’abord, tous autant que nous sommes?
Le masculin chez les hébreux est associé à la capacité de se souvenir alors que le féminin est en revanche associé au vide, à l’orifice, à l’ouverture, à la béance, à la capacité d’oublier.
Ce féminin et ce masculin ne sont pas extérieurs, c’est en nous que ça se joue, car nous avons tous à régler nos complémentarités masculine et féminine en nous, en nous d’abord. L’animus chez la femme et l’anima chez l’homme donc entre nos capacités qui peuvent possiblement se marier ou divorcer ou aller sur un continuum varié, le chemin n’est-ce-pas cela, se construire, dans cet entre deux, se souvenir et oublier .
Et ainsi d’être un peu moins coupés en deux et s’essayer à la pacification des deux côtés qui nous constituent, afin d’être un peu moins écartelés, un peu moins barbares, sur le chemin, quoi!
C’est l’entrain d’être de l’essence comme dirait l’ami Heidegger, la fluence de l’entrain d’être de l’essence, puisque pour lui l’être n’existe pas, il n’y a que la fluence de l’entrain d’être de l’essence, et ma foi, ça semble plutôt juste, non?
Désolé, Catherine, mais je me vois encore obligé de discuter vos propos ; ce serait une grande confusion par rapport à la vision taoïste de croire que le vide est l’apanage du féminin, du yin, tandis que le masculin seraient relégué à « la capacité de se souvenir » ???? Peut-être la pensée hébraïque dit de telles choses, mais pour la barque vide, il ne s’agit pas du tout de cela, et la comparaison interculturelle, pour laquelle j’ai la plus grande estime, me semble totalement à côté de la plaque.
Le Vide de Tchang-tseu est au delà du féminin et du masculin, dans une dimension supérieure de la conscience, qui les intègre et les dépasse et dont il d’ailleurs difficile de nommer, de parler – Lao-tseu, le maître – appelle ce Vide : le Tao. C’est d’abord une expérience intime, intérieure, – on pourrait dire dans le langage religieux occidental, « mystique »- qui est donné à tout le monde, sans prérogative féminine ou masculine, même si dans la méditation, qui est la pratique privilégiée pour expérimenter ce vide, le fait de s’immobiliser sur un siège demande une bonne dose de yin, au sens de non-activité, mais il y a aussi du yang dans la manière de respirer, de tenir la posture de façon martiale, etc…
C’était une question, rien qu’une question à laquelle vous claquez la porte, en opposant une fois encore vos rangements assez péremptoires je trouve et bien propres Alain, laissez vous rencontrez par autre chose que ce que vous connaissez et croyez à autre chose que vos croyances habituelles, laissez vous décoiffer par ce vent nouveau même si vous aimez bien, être bien peigné. C’était une proposition de perspective pour nourrir celle que vous nous proposiez, rien que cela!
oui, Catherine, j’entends, mais s’il n’y avait pas de discussion possible sur ce blog, si je ne pouvais pas exprimer ce que j’ai à dire sur certains commentaires, alors ce blog perdrait surement une de ses dimensions qui en fait le sel.
En tout cas vous devriez me remercier de vous avoir permis d’exprimer cette saine colère, qui passe comme un vent vivifiant et drôle au dessus de ma barque vide.
Moi je vous remercie, mais je continuerai à m’exprimer, ne vous en déplaise, jusqu’au jour où je déciderai d’arrêter ce blog, qui pour le moment m’amuse beaucoup et par moment m’émerveille encore.
« Votre intervention 15 oct *9h55, je l’ai trouvée très éclairante, Alain, surtout quand vous précisez que la vacuité, bien loin de tuer « la conscience de la conscience », l’avive au contraire. C’était effectivement à préciser pour éviter la confusion avec une certaine conception du nirvanah.
En revanche, je reste insatisfait quand à propos de dissolution vous dites: « il s’agit seulement de la dissolution du moi, de l’ego ».
J’admets que le mot « ego » ait pris dans l’usage une connotation négative, mais il me semble discutable d’attribuer cette connotation au mot « moi » en appelant à dissoudre ce moi, et d’en faire, donc, un synonyme de l’ego.
Donc d’acord pour appeler ego le moi animal, à dissoudre peu à peu, mais à mes yeux, le moi, c’est précisément cette « conscience de la conscience » qui fait que j’existe et qui à mes yeux demeure après la mort. Personne ne le « sait », mais on peut y croire en s’appuyant sur des indices convergents, comme vous-même l’avez suggéré il y a quelques mois.
Ou bien dois-je considérer que cette bataille linguistique (et notamment cartésienne) pour souligner par les mots « je » et « moi » la dignité spécifique de l’existence humaine avec sa « conscience de la conscience », cette bataille est ringarde?
Mais alors ne risque-t-on pas de nier l’humain, à notre époque mercantile qui n’y a que trop tendance?
oui, François le mot dissolution du moi, n’est pas forcément le meilleur et peut prêter à confusion ; je préfère dire intégration à un niveau supérieur, au sens de « transcender et d’inclure ». C’est à dire que le moi ne disparait pas mais il est pour ainsi dire enveloppé d’une dimension de conscience ou de vide qui lui est transcendante. Il s’agit alors de vivre comme une personne dans une dimension transpersonnelle, ce qui pourrait être traduit dans le langage chétien comme un moi enveloppé d’Amour inconditionnel pour tout.
A mon avis la solitude du moine taoiste est un signe qu’il n’a pas encore atteint l’éveil. Un koan disait en substance : » si le moi n’existe pas , qu’est-ce qui se réincarne? » Nous parlons de l’éternité depuis la nuit des temps, elle doit assurément exister! En comprenons-nous vraiment le sens ? Une des traductions possible du mot nirvana est extinction, mais de quoi ? Ne serait-ce pas celle de notre mental qui cherche désespérément à s’expliquer l’inexplicable. L’éternité ne serait-elle pas ce présent continuel qui reste lorsque tout activité mental en réflexion s’éteint. A cet instant, plus de question sur la suite, demain ou la mort. Peut-être ? Il n’y a aucun doute que nous avons besoin de solitude, mais les autres ont aussi besoin de nous. Merci pour vos partages
je suis d’accord avec vous François : à un certain degré d’éveil ou de Vide, c’est indifférent d’être seul ou non-seul, avec une préférence quant à moi pour l’engagement avec les autres, dans la tragédie de ce monde.
De Heidegger, dans « Être et Temps » (trouvé http://noesis.revues.org/1716 )
L’égalité d’âme sans trouble aussi bien que la mauvaise humeur contenue de la préoccupation quotidienne, le passage de l’une à l’autre et inversement, le glissement dans l’aigreur : ontologiquement, ces phénomènes ne sont pas rien, quand bien même ils sont pris pour ce qu’il y a de plus indifférent et de plus fugitif dans le Dasein, et ainsi passent inaperçus. Que des tonalités puissent s’altérer et virer du tout au tout, cela indique simplement que le Dasein est à chaque fois toujours déjà intoné. L’atonie, c’est-à-dire l’indifférence persistante, plate et terne, que rien n’autorise à confondre avec de l’aigreur, est si peu insignifiante que c’est en elle justement que le Dasein devient à charge pour lui-même. L’être est devenu manifeste comme un poids. Pourquoi, on ne sait pas. Et si le Dasein ne peut pas savoir ces choses, c’est parce que les possibilités d’ouverture du connaître portent bien trop court par rapport à l’ouvrir originaire propre à ces tonalités mêmes où le Dasein est transporté devant son être comme Là. Derechef, il se peut qu’une tonalité exaltée délivre de la charge manifeste de l’être ; mais justement, même cette possibilité de tonalité ouvre – fût-ce en délivrant de lui – le caractère de fardeau du Dasein. La tonalité manifeste « où l’on en est, et où l’on en viendra ». Dans cet « où », l’être-intoné transporte l’être en son « Là »
quel charabia, cet Heidegger ! Il faut généralement le traduire une 2e fois par rapport à ce qu’on a compris de la 1ère traduction mot à mot.
C’est un travail de lire Heidegger mais son message mérite grandement les efforts requis, à mon sens, à mon sens bien sûr.
je connais bien Heidegger, ma chère Catherine, pour l’avoir étudié amplement durant mes études de philo, il y a très longtemps. C’est un philosophe qui m’a semblé important, pour avoir réintroduit à sa manière le spirituel et la poésie dans le champ de la philosophie, mais j’ai toujours détesté sa manière alambiquée et précieuse de s’exprimer, dont se gaussait à l’époque l’intelligentsia parisienne au tour de Sartre – je découvre que ce n’est pas fini…
Merci je suis rassurée que l on me dise que heidegger est alambiquè.
Je n ai pas compris un mot de ses propos.
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple.
Il me semble que ce que Tchouang-Tseu veut nous montrer avec ce texte, c’est que dans nos interactions avec le monde, même dans les cas où elles se passent avec d’autres êtres humains, il est avantageux de prendre l’entière responsabilité de ce qui nous arrive sur nous-même. Cette façon de faire, bien que souvent très difficile, est un entrainement qui nous permet d’aller vers un perfectionnement sur la Voie. C’est ma manière de comprendre ce texte. Le poète a beaucoup plus de classe, et utilise l’allégorie de la barque pour suggérer ce qu’il veut nous dire. Je suis bien trop cartésien pour en faire autant, mais espère avoir saisi au moins ce qu’il voulait nous dire. Vous tous qui participez à ce débat, comprenez-vous le texte ainsi ou d’une autre manière. Le dalaï lama explique la vacuité plutôt comme interdépendance, qu’il n’y a en fait pas de vide entre nous, mais nous sommes un grand tout. Qu’en pensez-vous?
merci François, il y a deux questions intéressantes dans votre message :
d’un côté le principe de responsabilité, et vous avez raison : plus le niveau de conscience est élevé, plus l’homme peut exercer sa responsabilité. Dans le cas de la barque vide, c’est évident : plus j’expérimente intérieurement que tout est vide, ou que le vide baigne toute chose, plus je me sens responsable de tout conflit avec les hommes, mais aussi avec la nature, au sens où ma conscience, dont la qualité principale est d’expérimenter ce vide du tout, va pouvoir trouver une réponse juste. Exprimé autrement : le vide de la conscience permet de voir le tout d’une situation et c’est dans cette vision que peut s’exercer le mieux le principe de responsabilité d’une réponse intuitive la mieux adaptée à la situation. Difficile à saisir pour nous occidentaux pétris de rationalité, où c’est la raison qui fonde la responsabilité.
Dans la deuxième question, effectivement, vous avez raison, le bouddhisme tibétain parle beaucoup de la vacuité en tant que vide / plein, mais le taoïsme aussi, au sens où le Tao est partout, contient et transcende toute chose dans sa qualité de vide. Une des qualités essentielles de ce vide/plein, ou vacuité, est effectivement l’interdépendance, c’est à dire que tout est relié – la physique quantique en a fait son cheval de bataille par rapport à la science classique. Avec pour conséquence bien sûr, de voir d’abord intuitivement le tout d’une situation où tous les éléments sont reliés.
La deuxième qualité de la vacuité, c’est « l’impermanence », où rien n’est stable – « je » n’existe pas en tant que tel, car il est tout le temps changeant…
OUI. C’est la vie affective avec toutes ses richesses, ses couleurs du ciel changeants, ses divers paysages, ses rencontres fortuites, ses hasards, ses interactions qui tissent ce monde. Ne nous inquiétons de rien et regardons ce monde avec tendresse.
Merci Alain pour vos commentaires. Une autre définition de la vacuité est la coproduction conditionnée. Pour le bouddha, il n’y a pas d’âme, c’est à dire qu’il n’y a pas quelque chose d’éternel ( au sens d’au-delà de la mort). On pourrait dire, je pense, qu’il n’y a pas d’identité fixe, mais que des phénomènes qui changent sans cesse. Pour nous, pour pouvoir accepter pleinement cela, il s’agirait de régler une fois pour toute en profondeur, le problème de la mort, ce qui n’est pour sûr pas le cas pour moi en tout cas. Ma mort, passe encore, mais celle de ceux qu’on aime, non ????!!!! C’est pourquoi le bouddhisme, pas en tant que religion, mais en tant que voie et pratique enseignée par le bouddha (le dharma), a 4 aspects: la théorie, la pratique, et le fait qu’il est complet en lui-même et qu’on ne peut pas soit y enlever quelque chose , soit y rajouter quelque chose ( pariyatti, patapatti,paripunna et parisuddha. Il est impossible de prendre une partie et de laisser le reste.On prend tout , ou rien. Mais voilà, c’est alléchant de vouloir comprendre. Mais d’en prendre seulement une ou plusieurs partie nous mène forcément à des non-sens ou des conceptions illogiques pour nous. L’éveil est à mon avis une ouverture totale, bien plus grande que celle dont on peut s’imaginer. C’est aussi pour cela, que le fait d’étudier la philosophie bouddhiste, sans guide et sans pratique méditative nous dirige forcément vers des non sens et de véritables défis intellectuels irrelevables pour nos petits esprits. A mon avis, je pense qu’il est judicieux de continuer honnêtement nos pratiques et les choses nous seront révéler en temps opportun. Sinon, on retombe dans cette dangereuse avidité, cette soif de savoir ou comprendre, qui est ce dont on devrait se libérer petit à petit. Pour moi qui m’intéresse depuis plusieurs années à ce sujet, je suis souvent confus et partagé entre ce j’ai lu ou appris intellectuellement et ce dont j’ai réellement fait l’expérience. En tout cas merci pour votre blog. Vos présentations de sujet sont très bien construites et souvent très complètes. J’apprends beaucoup de chose et, de pouvoir dire quelquefois mon avis et rentrer dans ce genre de partages, augmente mon estime de moi qui n’est pas toujours au beau fixe. Tout ce qui touche au Dharma est pour moi très sensible, car ce n’est plus seulement une question de point de vue, mais de changements fondamentaux et en profondeur de celui qui émet les points de vue.
merci François pour ce partage, je comprends votre voie, celle du bouddhisme avec à la source la tradition de l’enseignement du Bouddha. C’est une belle voie, très rigoureuse et pour moi peut-être trop contraignante ; et puis j’ai été un peu rebuté par les maîtres, en particulier les tibétains qui ont beaucoup complexifié la doctrine, au point de rendre indispensable de longs enseignement fastidieux légitimant le pouvoir exorbitant des lamas. Bien qu’ayant beaucoup de respect pour ceux qui s’engagent sur cette difficile voie, je préfère la voie taoïste, plus abrupte et plus incarnée, plus pragmatique, mais surtout l’enseignement des maîtres iconoclastes par rapport à la tradition, comme Krishnamurti, Osho, Nisargadatta Maharaj ou plus récemment Eckhart Tolle. Mais peu importe la voie, finalement, pourvu que l’on aboutisse à ce Vide princier qui englobe toute chose et conduit à l’Amour.
Pour ce qui est du fond de votre commentaire, François, j’ai envie de faire quelques remarques.
Quand vous dites du bouddhisme originel : « Il est impossible de prendre une partie et de laisser le reste.On prend tout , ou rien. » Je ne suis pas sûr du bien fondé de cette affirmation, au sens d’abord où le bouddhisme n’a pas arrêté d’évoluer et de se transformer par ajouts ou interprétations successives – le bouddhisme tibétain en est un exemple flagrant -, et pour nous aussi, je pense qu’il est possible de faire des adaptations plus actuelles, plus parlantes. C’est un peu ce qu’ont essayé de faire les maîtres que je cite dans le commentaire précédent. C’est une conception intégrative de la spiritualité, qui ne veut pas s’enfermer dans des dogmes clos sur eux-mêmes. Par exemple, quand vous dites, qu’il n’y a pas d’au delà dans le bouddhisme et donc pas d’âme appartenant à une autre dimension que celle de l’ici-maintenant, et si vous dites que cela vous gêne par rapport à la mort, qu’est-ce qui vous empêche d’aller voir ailleurs et d’enrichir, cette conception un peu dogmatique, par d’autres apports ?
Ce qui me fait dire que le Vide de Tchouang Tseu peut être aussi bien un Vide/Plein – une vacuité au sens bouddhiste du terme – qu’un Vide/Vide appartenant à une autre dimension de la conscience, un au-delà, d’où viennent nos âmes.
C’est l’idée même d’intégration qui est là en jeu et qui est une question importante de ce blog.
J’aime ce site parce qu’on aime la vérité sans savoir ce qu’elle est ; disons que chacun est en chemin. Alors voilà pour ceux qui veulent agrandir leur regard : http://amichelhenry.free.fr/
Quand vous dites que ce blog aime la vérité sans savoir ce qu’elle est, je crois que vous avez raison, Anne-Marie, même si je ne dirai pas ça de cette manière, mais plutôt que la vérité n’existe pas, mais qu’elle est la somme de toutes les vérités, c’est à dire sans cesse en devenir. Mais je me demande ce que vient faire Michel Henry dans ces commentaires autour du Vide de la barque vide de Tchouang -Tseu. S’il y a un lien, il faudrait alors nous le dire, sinon votre message est encore une surcharge qui n’apporte rien au débat, mais plutôt de la confusion ou de la diversion.
Michel Henri a écrit un livre : l’incarnation.
Nous sommes des êtres touchés par l’affectivité. Est-ce un simple épiphénomène ou ce qui nous fonde ? J.F. Lavigne affirme que c’est fondateur de notre être et je confirme. Alors qu’est-ce qu’on en fait ?
Pour aider à la compréhension, ce petit texte de José Leroy:(http://eveilphilosophie.canalblog.com/)
« La plénitude de la vacuité
Au coeur de notre esprit, on trouve la vacuité.
Mais la vacuité peut faire peur ou inquiéter. Elle ne semble pas très attirante. On peut la confondre avec le néant, et un message qui met la vacuité au coeur de son message, comme le bouddhisme ou la Vision Sans Tête de Douglas Harding, peut passer pour un simple nihilisme.
Douglas Harding a pourtant toujours dit que la vacuité de notre vraie nature est aussi la plénitude absolue; la non-chose est aussi toutes les choses ; le rien est tout.
Si nous nous identifions à l’individu corps-mental, nous nous réduisons alors à une petite chose limitée et séparée des autres choses; mais si nous réalisons que nous ne sommes rien, que nous ne sommes pas une chose, alors nous voyons que nous sommes également et immédiatement la totalité de ce qui est.
Seul celui qui accepte de devenir rien peut devenir toutes choses. C’est en acceptant de disparaitre en tant que chose (l’individu que je crois être) que nous renaissons en tant que non-chose-toutes-choses.
C’est pourquoi l’éveil à sa vraie nature procure un sentiment d’espace infini, de vastitude, de liberté, de joie, d’amour, de plénitude et d’accomplissement; la vacuité est frémissante de conscience, remplie de toutes les formes de la manifestation.
S’éveiller à sa vraie nature, c’est partir au désert et trouver l’oasis
c’est devenir plus petit que le point et pourtant avaler le monde. »
Bonne journée à tous.
Rv
http://cequiest.over-blog.com/
Merci rv, c’est un beau texte, c’est exactement ça le vide/plein.
il n’y a que l’image « avaler le monde » qui me gêne un peu et me fait penser à l’addiction sans limite de notre société de consommation centrée sur la bouche…
Il me semble que ce vide/plein permet l’ouverture au delà de l’ego et que si on se tourne plutôt vers le « plein », c’est l’agir en fonction du tout, c’est à dire l’Amour/compassion, et que si on privilégie le vide, c’est le détachement, une sorte de « zénitude » inconditionnelle, ce qui est plutôt ce que Tchouang-Tseu privilégie dans la barque vide.
Merci Hervé pour votre magnifique texte. Je voudrais juste dire à Alain que je ne suis ni bouddhiste et encore moins maître. Il est pour moi difficile d’exprimer des sujets si sensibles. Je pratique la méditation avant tout par nécessité de faire face de façon moins passive à la vie qui nous traverse. Un maître zen français disait qu’à l’aide de la méditation, notre conscience s’agrandissait. La conscience est au fond de la vallée, au milieu d’une forêt et grâce à la méditation elle grimpe au sommet de la montagne, elle s’élargit et un sentiment d’espace infini (etc comme dans le texte d’Rv) prend place de plus en plus fréquemment. Lorsque je parlais de tout prendre, je pensais avant tout à la théorie et la pratique. Il est difficile de garder un juste milieu et, nous sommes facilement envahi par toute sorte de théories qui s’adressent à notre mental et le font prendre « une corde pour un serpent, l’illusion ». La pratique permet de dompter le mental et de réaliser, souvent inconsciemment, ce que le mental non seulement ne voit pas, mais également ce qu’il ne peut ou ne veut pas voir.
Le bouddha disait que le dharma était complet, qu’il n’y avait rien à ajouter, ni à enlever. Je ne pense pas qu’il était sectaire en affirmant cela. En français, il y a une multitude de traductions du mot dharma, ce qui montre bien qu’il est encore pas vraiment compris, dans son sens complet.On a quand même facilement tendance à prendre ce qui nous arrange et rejeter ce qui ne nous plait pas. C’est derrière cette dualité que le dharma nous guide, même derrière le plein et le vide. Quand à avaler le monde, pourquoi pas également le respirer à plein poumons, le palper, l’admirer avec les oreilles et les yeux grand ouverts, en plus !
Plus précisément, si l’on peut désigner la vie affective fondamentale et continue, en tant que le conatus sous-jacent et constant de notre désir fondamental d’amour – que l’on a caractérisé précédemment – comme « affectivité », il faut désigner le se-sentir primordial qui en assure la phénoménalité, comme affectivité transcendantale. C’est ce niveau ultime en effet, tel que l’a génialement dégagé et thématisé Michel Henry, qui est la condition première de possibilité de toute vie affective : c’est lui qui assure l’auto-révélation, à chaque subjectivité concrète et incarnée – située dans le monde par son corps affectable – de son propre élan affectif fondamental, qui le donne originairement à lui-même en tant que subjectivité désirante. C’est donc elle aussi qui fait de chacun un être capable de plaisir et de souffrance, capable de sentir autre chose que soi, un être sensible. J.F. Lavigne (le statut ontologique de l’affectivité)
En accord avec vous Alain sur le terme « avaler le monde », je préfère utiliser le terme « d’accueil impersonnel rempli de tendresse pour le monde ». « Avaler » est trop cannibale. Toute image a ses limites, comme l’histoire de la barque a aussi ses limites, puisqu’il n’y a personne dans aucune barque. Simplement la Vie qui s’écoule et qui suit le courant de la manifestation.
Quand l’aspect ontologique de la vie est vu, tel l’ange dans l’arbre, il devient une évidence. On ne cherche plus seulement à panser l’ego comme dans les thérapies personnelles (vision limité à la sphère psychique), mais cette Vision simple à 180° guérit de l’ego. Les thérapies transpersonnelles permettent d’ouvrir à cette Vision inclusive.
« Nous réalisons qu’une approche intégrale de la spiritualité est une combinaison du meilleur de l’horizontal et du vertical, de la translation et de la transformation, du légitime et de l’authentique. « Ken Wilber
L’ange dans l’arbre peut être vu dés le début, puisqu’il a toujours été là, mais le plus souvent l’individu passe par une phase de pratique par laquelle l’ego est structuré et assoupli et ensuite il est vu que l’ego en tant que tel n’a aucune existence. Il n’y a pas de soi solide au centre de la conscience, il n’y a que Conscience d’être (être rien en particulier et à la fois le Tout). Rien de mental en cela, juste un constat vécu (par personne en particulier). Ce n’est pas un état modifié de la conscience, c’est la conscience d’être non identifié aux apparitions (pensées, sensations, perceptions).
Tout dépend ce que l’on recherche « aller mieux » ou « être ».
« Aller mieux » demande efforts, pratiques, thérapies, du sang et de la sueur…
« Etre » ne demande rien, puisque nous sommes déjà. Juste la Grâce de l’Aperception et la relaxation en Cela.
Mais la plupart des individus doivent passer par l’effort pour que l’effort soit vu comme non-essentiel pour voir l’Essence du ciel.
Nisargadatta, le fumeur de bidis de Bombay, disait : « L’effort est nécessaire pour prendre conscience que l’effort ne sert à rien « .
Dans l’aspect ontologique, l’Être n’a pas désir si ce n’est le désir de ce qui est (oxymore).Le désir vient d’avidya, l’ignorance de se croire être quelqu’un en particulier, alors que nous sommes cela qui précèdent toutes apparitions. L’affectif apparaît et disparaît dans la conscience . Mettre l’attention sur la conscience n’est pas devenir une pierre indifférente au monde illusoire, mais c’est au contraire l’accueillir avec compassion, libérer des conditionnement limitatifs et des traumas qui nous font réagir au lieu d’agir.
Pour terminer en poésie, je laisse la place à Rumi :
« L’oeil de la perception est aussi limité que la paume de la main
qui ne pouvait cerner la totalité (de l’éléphant).
L’oeil de la mer est une chose, l’écume en est une autre ; délaisse l’écume et regarde avec l’oeil de la mer.
Jour et nuit, provenant de la mer, se meuvent les flocons d’écume ; tu vois l’écume, non la mer.
Que c’est étrange !
Nous nous heurtons les uns contre les autres comme des barques ; nos yeux sont aveuglés ; l’eau est pourtant claire.
O toi ! qui t’es endormi dans le bateau du corps, tu as vu l’eau ;
contemple l’Eau de l’eau.
L’eau a une Eau qui la pousse, l’esprit un Esprit qui l’appelle.
DJALÂL UD-DÎN RÛMÎ
Bonne journée à vous tous.
Rv
Je reconnais que chercher la vérité est difficile, lent mais pour encourager ceux qui sont en chemin qu’ils sachent que le vrai ne craint pas les contradictions : sa vérité au contraire s’en nourrit, et s’en approfondit.
Si vous tenez quelque chose pour vrai, alors confrontez-le avec d’autres expériences.
« La Vérité est un pays sans chemin », disait Jiddu Krishnamurti (le moins rigolo des Krishnamurti, j’affectionne plus particulièrement UG Krishnamurti http://fr.wikipedia.org/wiki/U._G._Krishnamurti)
La Vérité par principe est indicible, au-delà des mots et des concepts, au-delà des contradictions et des paradoxes.
Elle ne peut être que vécue quand l’identification aux objets cesse et que demeure ce qui n’est pas né et qui ne meurt pas.
Dés que l’on parle on s’en éloigne. Seul le Silence nous en rapproche.
Ce qui me pousse à écrire et juste le plaisir de témoigner de ce qui est tout simplement, sans prosélytisme et encore moins dogmatisme.
Montrer du doigts la lune pour ceux qui, las de regarder par terre, las de souffrir de l’ angoisse ontologique malgré les thérapie personnelles et les pratiques spirituelles, ont soif de Vérité.
Chère Anne-marie, le recherche est difficile mais ce qui est plus difficile encore est de se détacher de la recherche .
Voir que le cherché est le chercheur, que tout est déjà là si la recherche s’arrête.
La Vérité est simple, si simple que le mental ne peut l’accepter. Par nature le mental recherche et empêche de voir l’évidence qui est toujours présente. Il faut que le mental se fatigue pour qu’il baisse les armes et qu’enfin soit vu l’ange dans l’arbre. Par la grâce de la Grâce.
RV
Je confirme que la vérité ne peut qu’être vécue.
Et moi ce qui me pousse à écrire, c’est ma joie sans prosélytisme et encore moins de dogmatisme. Je ne sais pas si « ce qui est plus difficile encore est de se détacher de la recherche » puisque j’ai trouvé mon plaisir et ma satisfaction. Donc forcément je n’ai pas l’impression de chercher. Je n’affirmerai pas que « tout est déjà là si la recherche s’arrête » parce que je me souviens que j’ai dû changer de regard pour voir que tout était déjà là. Mais je ne regrette aucun effort. D’ailleurs j’étais parfaitement prête à mourir, il me fallait aller jusque là.
Je crois que nous sommes tous différents. Aux uns il est donné la grâce sans effort, aux autres, c’est au prix du dépouillement. A chacun son chemin.
Complétement Anne-Marie. La vérité ne nous appartient pas, si nous la définissons ça veut dire que déjà nous la manquons!
Merci beaucoup rv pour ces commentaires lumineux ; merci aussi de nous avoir fait découvrir U.G. Krishnamurti, que je ne connaissais pas et dont la barque est devenue tout à fait vide après une tempête calamiteuse – ce qui décoiffe nos idées préconçues sur l’éveil.
Merci aussi de nous partager Sri Nasargadatta Maharaj, le petit vendeur de bidis de Bombay, qui aimaient engueuler les occidentaux bobos de l’époque, quand ils venaient suivre son enseignement dans le petit réduit étouffant au dessus de sa boutique, Maharaj qui dans une de ses formules lapidaires nous dit “L’effort est nécessaire pour prendre conscience que l’effort ne sert à rien “.
Merci pour votre réponse à Anne-Marie au sujet de cette recherche, qui, pour une fois vous a bien répondu, de manière connectée.
Personnellement, il me semble que quand il n’y a plus de recherche, on trouve quelque chose de plus, qui appartient au Vide.
Mais, cela n’empêche pas la recherche pour s’amuser, pour passer le temps, sans attachement, sans crispation, juste pour faire une promenade intéressante en barque, pour cette promenade étrange qu’il nous est demandé de vivre.
Pour une fois j’étais connectée ! C’est si rare d’être conforme à ce qu’on attend !
Je suis revenue pour écrire que j’ai fait une erreur, au lieu d’individualisation je voulais dire individuation qu’Alain a parfaitement décrit quand il parle de « dimension trans-personnelle ».
Je ne crois pas plus à la nécessité d’une âme qu’à une identité, par contre la foi chez moi est ce « quelque chose qui nous tient » et comme il nous tient, je peux me répandre à droite et à gauche, en haut et en bas, sans jamais être fatiguée. Peut-être que c’est cet aspect qui fait croire que je suis déconnectée ?
« connectée », cela voulait dire juste dans mon esprit en relation avec ce qui venait d’être dit par rv sur le thème « recherche / non recherche. C’est tout.
L’éveil, qu’est-ce que c’est ?
C’est un concept.
Comme tout concept, il a son opposé… que j’appellerais l’hypnose, le sommeil de la conscience.
Le concept d’éveil s’adresse à ceux qui ressentent le poids douloureux de cette hypnose constante dans laquelle les plongent leur mental… et qui veulent en sortir.
Si ce n’est pas votre cas, ne vous préoccupez ni d’éveil ni de spiritualité !
Voyez plutôt du coté du développement personnel.
Quant à savoir si vous pouvez vous éveiller durant cette vie, non !
Ni durant cette vie, ni durant une autre !
Personne ne peut réaliser l’éveil.
Ce n’est que lorsque la « personne » disparaît que l’éveil se révèle.
Mais, bien sûr, cela ne se révèle à personne… puisque c’était la personne qui l’empêchait de se révéler.
Vous avez la chance, durant cette vie, de vous trouver dans une époque si opaque que votre pauvreté en Esprit risque de vous sauter aux yeux.
Et lorsque l’on se sent pauvre en Esprit, le Royaume des Cieux nous appartient.
Pourquoi ?
Parce que l’aspiration n’est jamais aussi forte que lorsqu’on ressent le manque.
Inversement, tant qu’on se sent « riche », avec une personnalité bien (ou trop) « développée », la porte du Royaume reste fermée.
Cette porte fermée n’interdit pas à votre personnalité de passer.
Cette porte fermée est votre personnalité.
S’engager dans la spiritualité, c’est prendre conscience que celui qui dit « je fais » est une illusion.
Les actions sont les résultantes de la somme des conditionnements enregistrés dans un organisme psychophysique.
En plus, cet organisme n’est même pas séparé de la Totalité !
Il n’a donc jamais cessé d’interagir avec la Totalité, d’en faire partie.
Bref, il n’y a que la Totalité qui agisse.
Où est le « je » acteur, dans tout ça ?
Nulle part ! Vous l’avez inventé. Comme un personnage de roman.
Aussi, cessez de croire votre personnage-ego capable de se dissoudre lui-même.
Cessez de chercher des « modes d’emploi » ou des exercices dits « spirituels », dans l’espoir de trouver un moyen permettant à votre ego de garder le contrôle, y compris sur sa propre disparition et sur l’éveil.
Restez plutôt tranquille !
Prenez tout d’abord conscience que, puisque votre conception d’un « je » autonome est illusoire, votre ego s’avèrera toujours incapable, quoi qu’il fasse, d’atteindre l’éveil.
Ensuite, comprenez que l’éveil que vous cherchez est l’état naturel de votre conscience, déjà en ce moment même… et qu’il est complètement idiot de chercher ce qui est déjà là.
Cessez donc d’utiliser l’outil mental. Il a exclusivement été créé pour chercher. Ce n’est donc pas son rôle de révéler ce qui est déjà là.
Vous verrez qu’au moment même où cet outil mental cessera de chercher, l’éveil, qui a toujours été là, se révèlera.
Que faut-il donc faire ?
Vous déshabituer du reflexe mental de chercher.
L’effort consiste à ne pas faire d’effort !
Et lorsque, comme la jeune disciple de Papaji (Poonja) dans l’extraordinaire vidéo qui suit, vous vous rendrez compte de tous les efforts que vous avez inutilement déployés durant toute votre vie… vous allez voir : ça va vous faire rire !
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=L4PZL7wg_g4
Bernard Klein
Merci, rv, merci
la barque est bien vide maintenant,
avec en prime cet immense fou-rire signé Pabaji
rien à ajouter,
tout mot nous ferait encore plus rire…
merci
De RIEN !
RIEN !
RIE !
!
.
J’ai voulu répondre un commentaire par un espace blanc, qui aurait été la suite du point précédent.
Mais le logiciel n’accepte pas les commentaires vides, il a horreur du vide.
Normal, le logiciel est un ciel trop logique, trop mécanique,
ne connaissant que la profusion de signes qui nous submergent, société de consommation oblige.
Dommage.
Il ne reste donc ce matin, que ce jour de plus à contempler dans le champ / chant de la conscience,
un jour pas comme les autres, – c’est la fête des morts –
une fête qui m’a toujours été particulièrement chère,
au point d’avoir été le départ de ce blog en 2009.
Je relis l’article, il me fait sourire,
beaucoup d’eau est passée dans le grand fleuve,
et je suis content de me retrouver aujourd’hui dans la barque vide de Tchouang-Tseu,
car dans ce vide, il y a aussi la mort,
la mort du moi bien sûr,
mais aussi la mort tout court, intimement mêlée à la vie et qui lui donne cette dimension émerveillante de l’impermanence.
Ce matin, dans la grande ville, les barques sont reparties par grappes se rencontrer dans le fleuve ;
on entend parfois le bruit de leur entrechoquement,
il y a beaucoup de rameurs qui font beaucoup de bruit et donnent des coups de rame avec violence pour leur survie,
seules quelques barques éparses s’approchent de l’océan de lumière,
elles sont vides, mais savent se faire bercer doucement au rythme des vagues.
quand on regarde vers l’horizon, là où le Ciel rencontre la Mer,
il n’y a plus de barque, il n’y a plus rien,
seul un léger nuage de brume pudique
pour cacher le mystère.
je vous remercie pour vos commentaires qui ont belle bien rempli ma barque vide.
et maintenant je me sent comme une lune bercer dans un courant d’une rivière claire,calme et paisible.