La mindfulness est-elle intégrative ?

 

 

 

 

 

 

 

Dans un premier temps, oui bien sûr, la mindfulness est intégrative !

 

D’abord, elle intègre la modernité dans son langage, dans sa présentation, dans son intention de secouer « les feuilles mortes de la tradition » en affichant sa laïcité.
Ensuite dans le protocole des huit semaines d’apprentissage, elle fait une élégante intégration entre différentes techniques : la méditation classique assise (style vipassana), les postures de yoga, des exercices de respiration consciente, des techniques de relaxation (le scan corporel), la marche consciente et des exercices d’attention à la vie quotidienne, etc. 
Enfin, la mindfulness réalise une belle intégration entre ces techniques et la science ou plus précisément les sciences humaines, avec ce souci louable de faire des études d’évaluation et de validation des pratiques, en particulier par rapport à certains symptômes psychologiques (par exemple la dépression) ou même somatiques (par exemple le psoriasis, les maladies cardio-vasculaires).
Il y a aussi l’intégration des travaux des neurosciences sur les grands méditants pour essayer de comprendre ce qui se passe dans le cerveau quand ils méditent, et l’intégration des TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales), en particulier pour la dépression. On pourrait d’ailleurs ajouter que cette dernière intégration fait parfois penser à un « phagocytage », au sens où certaines personnes des TCC semblent vouloir faire de la mindfulness une branche de ce courant psychothérapeutique, alors que pour moi la mindfulness appartient à tout le monde ou à personne en particulier, c’est un outil universel qui peut s’intégrer à tous les courants psychothérapeutiques.


Dans un deuxième temps : non, la mindfulness n’est pas suffisamment intégrative !

Cela je m’en suis aperçu avec certains clients souffrant de dépression grave ou de stress post-traumatique ou tout simplement de spasmophilie et d’hypersensibilité.
Malgré leur bonne volonté de pratiquer avec moi et ensuite chez eux la mindfulness, ils n’y arrivent pas. Ils se plaignent du peu d’amélioration que leur apporte cette pratique et même des difficultés, voire des impossibilités qu’ils éprouvent : trop de pensées, des « abréactions » émotionnelles, l’agitation intérieure et même le stress à l’idée de pratiquer – cela devient le contraire du résultat attendu.

Deux personnes m’ont guidé pour comprendre et répondre à cette impossibilité.
D’abord le schéma intégratif de Ken Wilber
(décrivant l’évolution psychologique individuelle de l’être humain) : prépersonnel / personnel / transpersonnel. La mindfulness se situe au niveau du transpersonnel, c’est à dire à un niveau de conscience au delà du moi, au delà des limites de la personne, dans le champ infini de la Conscience. Mais si, à des niveaux inférieurs (prépersonnels et personnels), de graves perturbations sont non résolues, non travaillées, alors la mindfulness ne peut pas vraiment émerger et les améliorer.
En fait, elle ne sert pas à grand chose, au mieux un « manteau de lumière » superficiel pour essayer de camoufler les désordres intérieurs, au pire elle peut refouler les noeuds psychiques non traités, ce qui revient à les aggraver. Pour s’occuper de ces niveaux inférieurs du prépersonnel et du personnel, il faut passer d’abord par des techniques spécifiques psychothérapeutiques, de manière à construire une personnalité stable, sur laquelle peut fleurir la pleine conscience dans tout son éclat.

Une deuxième personne a attiré mon attention sur cette insuffisance de la méditation pour le monde occidental, c’est le maître indien Osho Rajneesh.
Malgré toutes ses dérives, celui-ci me semble avoir compris quelque chose de très important dans ses pratiques relatives à « la méditation dynamique » : la méditation ne peut pleinement s’épanouir que dans une phase postérieure, une fois les émotions, les pensées négatives, les tensions corporelles du stress quotidien ou de la vie passée, ont été évacuées, vidées, expurgées par une phase préalable de « catharsis ».
Cela me semble du bon-sens et pourrait expliquer pourquoi les rassemblements de méditants ressemblent tant, souvent, à des réunions de névroses non résolues, et ce n’est pas la répétition rituelle des pratiques qu’elles soient traditionnelles ou de mindfulness, qui peut résoudre ce genre de problème.

Tout cela pointe de manière claire à mon sens, pourquoi la mindfulness n’est pas suffisamment intégrative, elle est incomplète, et elle nécessite pour être vraiment opérante, dans de nombreux cas,  l’intégration complémentaire d’un travail préalable sur soi-même de nature psychothérapeutique.

En ce sens elle est la digne héritière de la plupart des techniques méditatives anciennes, qui semblent avoir toujours méprisé le travail intérieur préliminaire et ingrat, de chacun avec son inconscient egotique et mortifère.
Avant de s’élever en méditation, il faut l’humilité de descendre et reconnaître ses souffrances…

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27 réponses à “La mindfulness est-elle intégrative ?”

  1. Maarten dit :

    J’apprécie beaucoup ces questions et observations, et tes réponses méritent une discussion.
    Mais d’abord, tu t’en doutais peut-être, une remarque sur cette phrase-là:
    «… certaines personnes des TCC… veulent faire de la mindfulness une branche de ce courant psychothérapeutique, alors que pour moi la mindfulness appartient à tout le monde ou à personne en particulier, c’est un outil universel qui peut s’intégrer à tous les courants psychothérapeutiques. »
    Je crois que tu attribues des intentions que les thérapeutes TCC que je connais et qui incluent un travail sur la pleine conscience dans leur cabinet, n’ont vraiment pas. Tous ceux que je connais, soit personnellement soit par correspondance, reconnaissent déjà ouvertement les origines de la pratique de la pleine conscience, discutent (le moment venu, le timing est délicat) des façons de pratiquer avec d’autres personnes capables à transmettre une profondeur de la pleine conscience, etc. Et personnellement, je crois que le nombre de thérapeutes TCC qui nie que « c’est un outil universel qui peut s’intégrer à tous les courants psychothérapeutiques. » est extrêmement limité.
    C’est une accusation grave, que tu fais là, je trouve.
    Dans TOUS les approches il y a des thérapeutes qui dérapent, mais est-ce une raison de parler d’une tendance de ces approches?
    Un peu plus de respect please… L’intégration, c’est ça aussi…
    Bref, je ne comprends pas pourquoi tu as formulé les choses ainsi.

    • Maarten dit :

      En fait, il me semble plus juste, Alain, que tu supprimes cette phrase-là: « certaines personnes des TCC… »
      aussi parce que je sais qu’il y a des (rares) thérapeutes dans des autres traditions dont on pourrait dire la même chose. Donc pourquoi seulement référer aux TCC?

    • oui, Maarten, ce que je vise et qui m’a personnellement choqué, c’est le titre de ce livre paru en 2007 aux éditions de boeck « la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression » de Zindel Segal, M. Williams et J. Teasdale. Il m’a semblé que les TCC s’appropriaient la technique, à tel point que je me suis demandé à l’époque si la mindfulness – que je ne connaissais que par le livre « Où tu vas, tu es » était une branche des TCC. Je me suis senti rassuré en lisant les livres de Jon Kabat-Zinn récents « Au coeur de la tourmente, la pleine conscience » et « L’éveil des sens où les références aux TCC ,sont relativement discrètes, pour ne pas dire inexistantes et où je sens une relative indépendance de celui-ci par rapport à ce courant. J’ai été encore plus rassuré par le titre du dernier livre paru sur le sujet : « Méditer pour ne plus déprimer » des mêmes auteurs que le premier livre, accompagnés de Jon Kabat-Zinn, où la référence aux TCC est presque inexistante. On ne parle plus que de thérapie cognitive, terme avec lequel j’ai un peu de mal. J’ai le sentiment, qu’entre 2007 et 2009, il s’est passé des choses à ce sujet – mais tu es mieux placé que moi pour en parler et si c’est bien argumenté, je suis prêt à reconnaître mon erreur.

      • Maarten dit :

        Je cite le 4me de couverture:  » La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (mindfulness) constitue une nouvelle forme d’intervention qui révolutionne les conceptions de la
        relation psychothérapeutique : moyen d’intervention, la méditation est également considérée comme une pratique nécessaire pour le thérapeute à titre personnel. Les auteurs, trois cliniciens reconnus dans le monde scientifique et pratiquant eux-mêmes la méditation, ont conçu un programme en huit séances intégrant à la pratique et aux principes de la thérapie cognitive une approche basée sur la pleine conscience : la personne dépressive apprend à changer sa relation aux pensées, sentiments et sensations corporelles susceptibles de générer une rechute dépressive et à éviter la spirale qui la fera retomber dans la dépression. Ecrit dans une langue simple et accessible à tous, cet ouvrage décrit les bases »

        Où est l’appropriation phagocyte telle que tu l’as décrit dans ton article?

        • pour moi, ça me fait penser à de l’absorption ou du phagocytage : on ne voit pas trop ce que la thérapie cognitive apporte de plus. Pourquoi ne pas parler, en toute simplicité, d’une application intéressante de la pleine conscience à la dépression ? Cela devient plus troublant encore quand les auteurs revendiquent avoir conçu un programme en huit semaines ; mais ce programme, c’est Jon Kabat-Zinn qui l’a conçu. L’insistance devient encore plus forte dans la préface de Christophe André et Matthieu Ricard : « L’apparition des techniques de la mindfulness représente sans doute une étape importante dans l’histoire des psychothérapies. Elle s’inscrit dans une troisième vague des thérapies comportementales et cognitives… ». Mais bon, je veux bien reconnaître que ce terme « phagocytage » est un peu trop fort, surtout que les TCC ont eu le mérite de faire connaître la mindfulness en France. Comme quoi dans un mal, il y a toujours un bien !

          • Par ailleurs, je ne comprends pas ce terme « thérapie cognitive », au sens où la pratique de la mindfulness dépasse complétement le niveau cognitif, il s’agit d’une pratique au delà du cognitif, à un autre niveau que le cognitif. Je ressens non plus une absorption ou un phagocytage, mais une réduction.

        • Maarten dit :

          A propos de la thérapie cognitive, développée par Aron Beck depuis 1959, voici une introduction simple :
          http://therapie.cognitive.free.fr/principes.html

          Le nom « mindfulness based cognitive therapy » veut indiquer une intégration entre cette thérapie cognitive (très influentielle dans les TCC’s développées un peu plus tard) plutôt mécaniste et les pratiques de la pleine conscience, en France surtout connues par les travaux du maître Zen Vietnamien Thich Nhat Hahn, depuis 1990. Si l’on compare les idées de Beck et ceux développées par Williams, Teasdale and Segal, on appréciera plus facilement l’importance de cette nouvelle intégration.

          • oui, Maarten, la nuit porte conseil et je crois que j’y suis allé un peu trop fort dans ma formulation : je crois qu’il ne s’agit pas de « phagocytage », mais peut être au début de l’intégration, d’une tentation d’appropriation que j’ai ressenti comme telle dans le livre de Segal, Teasdale, Williams, et je pense que je ne suis pas le seul à l’avoir ressenti ainsi, ce qui a eu pour conséquence pour moi de m’être éloigné de la mindfulness, au sens où ça ne m’intéressait pas de faire une formation. Je te propose la formulation : « Cette volonté louable d’intégration, a pu faire penser parfois, surtout à ses débuts en Europe, à un désir d’appropriation de la mindfulness par un certain courant des TCC. Mais cela est beaucoup moins perceptible actuellement, comme par exemple dans le livre réussi « Méditer pour ne pas déprimer » et dans la liste des instructeurs « mindfulness » proposée sur le site de l’association pour le développement de la mindfulness ( http://www.association-mindfulness.org/index.php ), où ceux-ci viennent d’horizons thérapeutiques très différents ».

  2. Maarten dit :

    « Par ailleurs, je ne comprends pas ce terme « thérapie cognitive », au sens où la pratique de la mindfulness dépasse complétement le niveau cognitif… »

    Il s’agit d’une autre attitude envers les cognitions: au lieu de les disputer et changer, comme dans les thérapies inspirées par Beck, on les accueille sans intervenir: on les laisse venir et aller dans une esprit d’ouverture. Donc il ne s’agit aucunement d’une réduction, selon moi.

    Je n’ai pas lu le premier livre de ces auteurs, mais il m’étonnerait s’ils ne font pas référence à Kabatt-Zinn.

    Christophe André mentionne bel et bien l’origine bouddhiste de ces méditations dans son intro. Et je ne vois encore moins ce que l’on pourrait reprocher à Matthieu Ricard, bouddhiste Tibétain depuis trente ans et très proche du Dalai Lama.

    • Maarten dit :

      Sur le 4me de couverture de la version anglaise du premier livre sur « la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience je trouve ces mots de Kabat-Zinn,pris de son avant-propos:

      « A seminal book….The remarkable synthesis that this book represents holds the promise not only of developing our theories of how cognition and emotion interact, but also of furthering our understanding of the deep inner capacities of human beings for healing. »–From the Foreword by Jon Kabat-Zinn, PhD, University of Massachusetts Medical School

      • Maarten dit :

        Désolé d’ailleurs, Alain, pour mon ton un peu sec et pédant.
        Mais je crois que cette échange permet aussi de clarifier quelques mauvaises compréhensions assez répandues.
        Le comportementalisme provoque parfois des débats houleux où les portes claquent et les partenaires finissent par se détester mutuellement. Heureusement ce n’est pas le cas ici…

        • Maarten dit :

          PS Je viens de lire un résumé de trois articles qui indiquent que les interpretations cognitivistes (à la Beck, alors) marchent bien avec des patients avec « un degré modéré de névrotisme », mais pas avec un « niveau élevé de « névrotisme ».
          Et il y a une hypothèse sur laquelle l’on va se pencher: qu’une attitude d’acceptation, observation et recul, quand des pensées « irrationnelles » se manifestent, est plus adéquate, aussi avec des personnes avec des « degrés élevés ». Je crois que la réponse va être positive, étant donné qu’une variante de la pleine conscience a bien aidé des patients souffrant des hallucinations psychothiques… Ce qui relativise peut-être aussi ce que t’as proposé dans ton article: que la pleine conscience n’était indiqué que dans une phase transpersonnelle. Je ne crois pas que ces patients psychotiques, avec des hallucinations auditives persistants, étaient dans une phase transpersonnelle…

          OK, grand temps pour ma méditation!
          Bonne journée à tous.

          • oui, je comprends ta remarque : il ne s’agit d’appliquer de manière mécanique le schéma pré/personnel – trans/personnel et de refuser l’utilisation de la pleine conscience, par exemple pour des personnes souffrant d’hallucinations psychotiques. Cela peut leur être utile aussi. L’idée que je défends, c’est que ça ne suffit pas. Il s’agit d’être à ce niveau, encore plus intégratif, et utiliser toute la gamme des outils thérapeutiques : en premier lieu les médicaments et en second, tous les outils psychothérapeutiques dont on dispose, en particulier pour aller voir du côté des traumas anciens pré/personnels et même transgénérationnels.

  3. Maarten dit :

    Merci, Alain, pour cette reformulation.
    Il y a, me semble-t-il, deux raisons pour cet malentendu bien répandu, je crois, sur ces innovations:
    – il y a dans certain cercles de la TCC une tendance de dévaloriser tous ceeux qui n’adhèrent pas aux assomptions de la TCC, ce qui nourrit des guerres de clan qui deviennent des guerre de tranches, avec des opinions… bien tranchées.
    – en France on connaît un peu moins le contexte dans lesquelles ces intégrations ont été développées.

    Le plus important est, je crois, que la plupart des thérapeutes qui s’intéressent dans l’application de la pleine conscience, se rendent compte qu’il soit nécessaire d’avoir une pratique personnelle de méditation sérieuse. Ce qui est encore plus important dans le monde de la TCC, où il est encore trop souvent affirmé que, pour faire une bonne thérapie comportementaliste, il n’est pas nécessaire d’avoir fait une thérapie personnelle. J’espère que, bientôt, ce sera une idée reçue, aussi dans les cercles de la TCC.
    Les choses bougent…
    Et le fait que, comme tu dis, des thérapeutes des horizons thérapeutiques très différents se rencontrent dans des formations sur le mindfulness, est très encourageant aussi.
    Vive les dialogues et échanges.

    • Maarten dit :

      PS: mon commentaire ci-dessus était une réponse au tien, de 12 février 2010 à 08:15, qui se trouve bien plus bas sur ce page…
      Ah, l’informatique…

      • oui, en particulier en France, beaucoup de personnes que je ne nommerai pas, ont enfourché le cheval de bataille noir de la guerre des clans (cf. le livre noir de la psychanalyse ou même ce livre les nouveaux psys » de catherine meyer), cela a porté préjudice aux TCC et depuis, il y a pas mal de gens qui se méfient, comme moi. Mais je suis content de savoir que cela ne se passe pas ainsi à l’étranger et que le mouvement intégratif peut se développer.

        • Maarten Aalberse dit :

          Oui, Alain, le « livre noir » était une réaction très réactive contre ce qui a été perçu comme dénigrements, mépris et descriptions très biaisées et déformées des TCC de la part d’un bon nombre (pas tous!) de psychanalystes.
          J’espère que l’on peut aller au delà ces réactivités qui risquent de ne pas servir à d’autre chose qu’une durcissement des opinions des deux camps.
          Quand est-ce que les psychanalystes (et humanistes) peuvent admettre que les processus-clé, décrits par les comportementalistes, sont aussi des ingrédients actifs dans les thérapies dites (à tort) non-directives?
          Et quand est-ce que les comportementalistes puissent reconnaître ouvertement que beaucoup de ce qui est décrit par les psychanalystes, notamment sur le transfert et contretransfert, s’applique aussi sur la thérapie comportementaliste? Il y a une ouverture dans ce domaine intéressante, qui s’appelle « Functional Analytic Psychotherapy », qui reformule des idées centrales de la psychanalyse relationnelle en des termes comportementalistes…

  4. Maarten dit :

    Et finalement, quelques mots sur la « méditation dynamique » proposée par Osho, provocateur très intelligent et charismatique, qui grâce à ses vulgarisations de la spiritualité orientale a sûrement contribué beaucoup au développement de la psychologie intégrative:
    Dans la fin des années 70, il y avait un thérapeute Gestaltiste, Calvin Leonard, qui a introduit à un bon nombre des thérapeutes (et apprentis-thérapeutes comme moi) cette méditation, tout en suggérant que, en la pratiquant pendant quelques mois de façon journalière, on se serait débarrassé de son « cuirasse caractérielle ».
    Hélas, promesse pas tenue – est-ce une surprise, après coup?
    Pendant une dizaine d’années j’ai été proche de bon nombre de sanyassins (comme s’appelaient les disciples de Osho – Osho, qui s’appelait encore Baghwan Shree Rasneesh, à l’époque). Je ne peux pas dire qu’ils étaient * moins * névrosés (si l’on veut utilser ce terme) que les méditants bouddhistes plus classsiques; peut être autrement névrosés? Il y avait beaucoup de narcissisme et hystérie dans ce monde-là; festif, certes, plus ouvert émotionnellement aussi, mais plus mature?
    Ce qui pourrait nous amener à une discussion sur la valeur des approches cathartiques, mais d’abord une pause…

    • oui, Maarten, je crois que la méditation dynamique d’Osho, doit être revisitée maintenant de manière laïque, un peu comme la mindfulness revisite vipassana, la méditation bouddhiste originelle. C’est à dire qu’elle doit être débarrassée du contexte pathogène de la communauté new age des sannyasins, et débarrassée du contexte de la relation au maître, avec tous ces dérapages hystériques et sectaires – une des maladies infantiles du new age. Je pense que la notion de catharsis préalable de la méditation dynamique, c’est à dire la nécessité de vider d’une manière ou d’une autre le refoulé émotionnel, en particulier le refoulé du stress quotidien, est quelque chose d’important et efficient, une intégration nécessaire que beaucoup de thérapeutes sousestiment ou méconnaissent, en particulier pour tout ce qui a trait aux méthodes de relaxations – mais la mindfulness peut être considérée aussi comme une relaxation du mental ou de l’esprit. Par contre, bien sûr, elle doit être utilisée judicieusement, sans excès, sinon ça devient une technique d’hystérisation, on est bien d’accord.

      • Maarten Aalberse dit :

        Je suis tout-à-fait d’accord avec ta proposition de laïciser ce genre de « méditations dynamiques ».
        Et je me demande si le processus de « dérefoulement » (que avec toi je crois nécessaire) nécessite une forme ou autre de « vider son sac »?
        Sur le fond, y a-t-il une différence entre vouloir « expulser » ses « contenus refoulés » et les éviter/ blocquer »? Dans le deux cas, il s’agit souvent d’une attitude de non-acceptation – au moins, c’est ce que j’ai vu beaucoup dans les mondes de « bio-énergie », « cri primal » etc.
        « Accueillir », « laisser-être » et « savoir partager » ce qui était refusé (« refoulé », « évité ») auparavant… est-ce que cela passe nécessairement par une processus de « décharge »?
        J’aime ce que Gene Gendlin a dit à ce propos: « Une première fois que les émotions refoulées pendant longtemps peuvent remonter à la surface, une expression dite « cathartique » de ces émotions est souvent nécessaire. Une première fois». Mais il explique aussi pourquoi il ne préconise pas des rituels de décharge répetés et qu’il importe, après une travail plus différencié, de faciliter un processus d’écoute plus subtile de ces émotions.

        • pour moi, Maarten, la libération des émotions refoulées et en particulier la colère, est plus proche de « l’acceptation » que de « l’évitement », au sens étymologique du mot é-motion (qui demande à se mouvoir vers l’extérieur). L’idée c’est d’accepter pour un certain nombre de personnes, que les émotions refoulées de leur histoire personnelle ou de leur contexte quotidien, puissent « se mouvoir vers l’extérieur » et ne pas rester engrammées dans leur corps sous forme de tensions désagréables. Mais il faut bien sûr savoir moduler cette expression des émotions refoulées, en fonction du degré d’acceptation de la personne, de la qualité de l’émotion refoulée et de l’ancienneté de son refoulement. C’est là qu’il faut avoir à disposition un certain nombre de techniques psychocorporelles émotionnelles et les moduler : c’est tout l’art de la psychothérapie intégrative, tout le contraire d’une manière mécanique d’appliquer des recettes, ce qui a pu, être le cas des techniques psychocorporelles à leur début : style bioénergie ou acting reichien, ou cri primal et d’une certaine manière la méditation dynamique d’Osho. Je suis assez d’accord avec Gene Gendlin – que je ne connais pas, peux-tu nous le, présenter ? – il s’agit pour moi, d’un travail différencié, assez subtile, où le feedback de la parole et des mots de la personne est très important. En tout cas tout cela me semble faire partie des préalables à la pleine conscience ou de techniques complémentaires.

          • Maarten Aalberse dit :

            Le problème est pour moi que dans par exemple la bio-énergie (je j’ai pratiqué et enseigné pendant un bon nombre d’années) on fait souvent un amalgame entre é-mouvoir et ex-ploser, voire « ex-pulser ».
            Et tout à fait d’accord avec toi sur l’importance de avoir à sa disposition un certain nombre d’approches psychocorporelles, et d’avoir une idée de quand utiliser quoi.

            Gene Gendlin, après avoir travaille avec Carl Rogers, a développé ce que l’on connait maintenant sous le nom Focusing, une des approches ou psychothérapie et méditation se rapprochent.
            Je vais voir si je trouve un article en VF que tu pourrais mettre sur ton site, ou dans ce blog.
            J’aimerais bien que le Focusing soit mieux connu en France…

          • Maarten Aalberse dit :

            Suite à mon message de 14.55:

            Voici le lien vers une bonne introduction au Focusing de Gene Gendlin:
            http://www.focusing.org/focusing-francais.html

            Ce que je trouve intéressant, ente autre, dans cette démarche: Gendlin a étudié ce que ces *patients*, qui bénéficient le plus d’une thérapie expérientielle, font autrement que ceux qui en profitent moins; c’est un bon complément aux travaux en PNL, qui modélisent des *psychothérapeutes* exceptionnelles, comme Fritz Perls (Gestalt-Thérapie), Virginia Satir (Thérapie Familiale) et Milton Erickson (génie de la hypnothérapie moderne).

  5. Maarten Aalberse dit :

    Ah, Alain, j’espère que je ne prenne pas trop de place sur ton blog…
    Mais il y a une autre distinction à faire sur « la pleine conscience dans la psychothérapie »:
    Quand on médite pendant disons 20 minutes, il y a effectivement un risque réel que des contenus refoulés remontent et envahissent « la partie en nous » qui sait intégrer les nouvelles expériences dans notre vie actuelle. Cela peut être dangéreux, effectivement. Dans ce sens-là, la distinction pre-personnel/ transpersonnel que tu fais me semble important.
    Mais il y a une autre façon d’introduire et petit à petit integrer la pleine conscience dans sa vie: de faire des « mini-pratiques » de quelques minutes tandis que l’on fait ce que l’on a faire dans sa vie: la vaisselle, le repas, le bricolage, l’attente du métro ou devant la caisse du magasin, etc. Le risque d’être « envahi de l’intérieur » n’est plus de l’actualité.
    C’est surtout dans ce sens là que « la pleine conscience » est introduit, petit pas à petit pas, dans la Thérapie de l’Acceptation et Engagement (ACT). Steven Hayes par exemple, commence chaque séance avec qqs minutes de méditation, avec ses patients, comme « piqûre de rappel ». Cela leur permet tous les deux d’être plus là, et à se rappeler qu’il est possible de prendre un peu de recul quand on se perd dans l’intensité affective du travail.
    Cette deuxième variante peut être appliqué avec (presque) tous les patients; pour les patients qui luttent (en vaine/ à une grande prix) avec des thèmes pré-personnels, cette capacité de se re-centrer, prendre de recul, affiner son observation, cultiver son empathie avec soi-même, etc. est une formidable ressource dans une approche plus globale.

    • je suis d’accord avec toi, Maarten, sur la possibilité du retour du refoulé pendant la méditation – cela peut être d’ailleurs encouragé par certains instructeurs comme méthode thérapeutique cathartique, mais dans mon souvenir cela reste assez mécanique, rudimentaire ou ostentatoire, surtout dans un travail de groupe. Dans ma pratique personnelle, j’ai vu des gens phobiques (de crise de panique), devenant terrorisé dés les 1ères minutes de méditation ou de relaxation. J’espère que tout cela fait partie de la formation à la minfulness. Mais pour moi il y a pire, au sens où, sans travail émotionnel préalable sur sa névrose personnelle, le refoulé reste refoulé et l’attitude méditative peut devenir une sorte de masque : un état de détente superficiel avec la tension à l’intérieur. En ce sens, je n’aime pas commencer une séance par la méditation, d’abord parce que c’est trop inductif (j’aime laisser la personne en début de séance, s’exprimer comme elle veut, sur ce que bon lui semble, ensuite parce que je crains de commencer par le masque du bon méditant qui nous empêchera d’aller dans les profondeurs, à la source du problème. Par contre j’aime bien terminer une séance par une petite méditation, ou un peu de qi gong ou des respirations yoga, comme un « sass » avant que la personne se retrouve dans la rue. Tout à fait d’accord avec toi sur l’utilisation de la pleine conscience comme « détente-minute », à tout moment, en dehors du cadre formel de la pratique, comme une méthode parmi d’autres de relaxation anti-stress.

      • Maarten Aalberse dit :

        Comme tu sais, Alain, je suis un enthousiaste de l’ACT; et hélas le risque de rétricir l’esprit est grand; donc j’apprécie que tu m’interpelles. Il y a effectivement dans l’ACT parfois une tendance de dévaloriser les « narratives » du patient, peut-être par une certaine impatience qui peut faire du mal.
        Beaucoup dépend aussi du temps que l’on peut donner à la thérapie: si l’on n’a qu’une demie-heure, comme c’est souvent le cas dans le suivi psychiatrique aux Etats-Unis, c’est peut-être nécessaire de « couper court » pour « aller vers l’essentiel ». Mais ce serait une approche de nécessité, plutôt que « d’optimalisation ».
        Et oui, la méditation peut être mise dans le service du refoulement, comme tu le décris. Pas évident, car l’inverse se produit aussi (et l’excellent livre « Méditer pour ne plus déprimer » en donne quelques belles exemples, surtout à la fin du bouquin): par exemple des personnes qui découvrent pendant la méditation une colère en elles dont elles n’étaient pas conscientes auparavant.
        Par contre, quand je mentionnais des « mini-pratiques » de la pleine conscience, je le trouve un peu réducteur de ne les considérer que des pratiques de relaxation anti-stress (le terme « anti » est déjà à risque, je trouve); il peut s’agir aussi d’une autre façon d’apprendre la pleine conscience, petit pas à petit pas. Je ne croit pas que une hierarchie allant des « mini-pratiques » vers une « pratique formelle », où la deuxième approche serait « mieux » devrait être présentée comme une « loi incontestable».

        • Sur ces mini-pratiques, je suis assez d’accord avec toi, c’est d’ailleurs ce que j’ai tendance à faire personnellement et ce que je préconise à mes clients, en plus d’exercices respiratoires conscients très rapides ou de postures de qi gong en attendant le métro, par exemple. Mais j’ai un peur que l’on perde ainsi l’essence de la pleine conscience qui est aussi l’émergence de la conscience pure s’observant elle-même et se déployant à l’infini – cela ne pouvant se produire que dans une assise prolongée. C’est pour cela que les exercices proposés par Jon Kabat-Zinn sont assez longs. Mini- pratiques et pratiques prolongées (au moins 20 minutes) vont donc de pair.