Ils sont beaux, les cargos qui entrent et sortent des ports.
Ils sont minces comme les îles qu’on voit de loin,
avec une proue effilée qui remonte un peu et un grand chateau à l’arrière.
Ils ont des tours et des tourelles, des mâts, des cheminées hautes.
Ils sont beaux et ils font rêver comme aucun autre navire,
quand on les voit glisser vers l’horizon,
s’en aller lentement vers le large (…)Même les plus moches, les plus minables :
ils ont quelque chose que les avions, les trains,
les autocars au front d’aurochs n’ont pas.
Quand ils bougent dans l’eau calme du port,
escortés par la barque noire du pilote,
puis quand ils passent devant le phare en faisant juste :
« Toooot », comme ça, pour saluer,
et ils s’éloignent vers le large, écartant leur sillage,
– on sent une sorte de contentement sans raison,
comme s’ils faisaient une action très belle et noble,
comme s’ils ouvraient une route sur laquelle on naviguera aussi,
peut-être, un jour.
Ces photos prises dans un port lointain, à l’autre bout du monde, m’ont fait penser à ce beau texte de Jean-Marie-Gustave Le Clézio, tiré d’un essai poétique intitulé « L’inconnu sur la terre » (collection Gallimard l’Imaginaire).
Ce sont des photos d’actualité, car elles rentrent en résonance avec le désir de départs et de voyages, que l’on ressent à l’approche des vacances – il faudrait mieux dire de la vacance -, quand on a la chance de pouvoir en profiter.
J’envie aussi ceux qui partent en mer, en choisissant les lenteurs méditatives du bateau, comme moyen d’évasion. Mais qu’ils se dépêchent d’en profiter, avant que les océans ne deviennent bientôt plus navigables, comme nous le fait penser l’article du journal « Le Monde » daté du vendredi 24 juin et intitulé : « Les océans seraient à la veille d’une crise biologique inédite depuis 55 millions d’années ».
Des experts redoutent un effondrement des écosystèmes marins du fait du réchauffement, de l’acidification des mers et des pollutions…
l’ampleur des dégâts observés et le rythme de leur aggravation est au delà de tout ce qui avait été précédemment prévu ou anticipé…
Tags : mer, photographie, poésie, pollution, voyages
Je suis justement en train de relire « Le chercheur d’or » de JM Le Clézio. Davantage encore qu’il y a 20 ans, je suis véritablement enchantée – au sens propre du terme – par l’atmosphère à nulle autre pareille qu’il sait faire naître: mélange de beauté, de nostalgie, de gravité et de passion contenue. La sensibilité aux éléments de la nature, le parti pris de la lenteur, quasi statique parfois, la magie qui découle de ses descriptions qui peuvent souvent s’apparenter à la poésie sont des aspects bien rares chez les écrivains d’aujourd’hui. Par delà l’intrigue, on a l’impression que le thème principal du livre est la mer et la façon dont le narrateur la perçoit. Un vieux cargo y joue aussi un rôle important.On pourrait en dire autant de « La quarantaine », qui accorde pourtant une attention plus grande aux hommes.
c’est vraiment un homme à la grande sensibilité et un grand écrivain à la personnalité envoutante, à l’opposé de la frénésie ambiante. Cela fait du bien de s’y replonger.