Le film « Au-delà »

La critique n’a pas été très bienveillante pour ce film de Clint Eastwood ; elle s’est adonnée au dénigrement  formel, comme elle aime si bien le faire : « un film au scénario pas très bien ficelé, un peu lourd, confus, le jeu des acteurs laisse à désirer, Cécile de France est mal coiffée, etc, etc,... ». C’est comme si cette critique n’avait pas bien compris les enjeux profonds qui se cachent derrière ce film, car le sujet traité, finalement, la dépasse…

Ce film n’est pas un film sur « l’au-delà »

Pas d’effets spéciaux hollywoodiens, pas de visions en 3D, pas de grands frissons sur les mondes invisibles, dont raffolent les dernières technologies de l’image, l’au-delà n’est pour ainsi dire jamais représenté dans ce film, sauf peut-être au début, quand le personnage de Cécile de France fait l’expérience d’une NDE (Near Death Experience ou EMI (expérience de mort imminente): une douce lumière blanche, où flottent quelques silhouettes humaines non identifiées. C’est la même chose pour les visions du médium joué par Matt Damon :  quand il se connecte au royaume des morts, il y a juste de très brefs flashs de visages qui viennent ponctuer sa connexion avec les personnes disparues.
Pour ces raisons,  si l’on vient voir ce film, en se fiant uniquement à son titre, il est permis de ressentir une certaine déception, car celui-ci ne s’occupe pas vraiment de montrer l’au -delà ; il s’intéresse principalement à un autre sujet :

C’est un film sur l’exclusion « ici-bas »,

dont souffrent souvent les personnes qui ont une expérience de l’au-delà.
Trois personnages incarnent cette souffrance de l’exclusion : le premier, c’est une présentatrice télé, parfait archétype de la jeune femme ambitieuse qui veut réussir sa carrière selon les critères clinquants et artificiels du « showbiz ». Son expérience de mort imminente, la fait basculer dans une autre manière de voir sa vie, beaucoup plus authentique  : elle perd de son mordant et de son agressivité pour les interviews « bidons » imposés, elle ne partage plus vraiment les motivations de ceux qui l’entourent, et quand elle veut parler de ce qui la préoccupe le plus, son expérience de la mort, l’entourage refuse de l’entendre, en brandissant tout de suite jugements et étiquettes au sujet d’un déséquilibre psychique ; elle a besoin de repos, de prendre du recul, c’est un choc émotionnel du cerveau produisant des hallucinations, etc, etc…
C’est la même souffrance pour le personnage du medium. Son don de connexion à l’autre monde, ne lui vaut qu’ennuis et solitude, à tel point qu’il décide d’abandonner ce métier pour devenir ouvrier dans une usine. Quant à l’enfant qui a perdu son frère jumeau, personne ne vient vraiment lui parler pour l’accompagner dans son terrible deuil.

La France est le pays où cette exclusion est la plus forte

Dans un interview de Peter Morgan, le scénariste du film, dans le magazine 2E de l’INREES, celui-ci répond de manière étrange à la question : « Est-ce qu’il y a quelque chose de particulier avec la France au sujet de ces expériences ? » :

« Pour moi, Marie (Cécile de France) ne pouvait être que française. Et Clint m’a dit que c’était aussi son sentiment. Nous n’avons pas intellectualisé à ce sujet. Pour nous, c’était instinctivement correct.

Cecile de France dans un interview dans le même magazine,  intellectualise à sa manière la raison pour laquelle son histoire et son rôle ne pouvait se passer qu’en France. A la question : « à quoi attribuez cette espèce de distance avec le sujet ?« , elle répond :

C’est surtout le cas en France. Je pense qu’aux Etats-Unis ils sont beaucoup plus ouverts. Il y a des mediums à tous les coins de rue, même si on ne sait pas ce qu’ils valent. J’ai lu aussi qu’il y a là-bas beaucoup plus de gens qui croient aux pouvoirs psy, voyance, cognition, etc. Il y a donc une grosse différence de culture. Même par rapport à d’autres pays, la situation en France est tout à fait particulière. Est-ce que c’est dû à l’esprit des Lumières ? A l’existentialisme ? au laïcisme ? Cet esprit matérialiste, cartésien, logico-rationnel a tendance à fermer la porte au mystère. Les progrès de la science ont façonné nos esprits : on est composé d’atomes et quand le corps meurt, tout meurt avec. ! Un point c’est tout. alors que depuis l’origine des temps, il existe des croyances en la survie après la mort du corps. Mais peut-être que ça va changer et c’est intéressant de voir comment nos croyances vont évoluer et si la science va intégrer plus ouvertement les recherches là-dessus. Peut-être que les gens en ont marre de cet esprit matérialiste. Après en avoir fait le tour, ils vont peut-être s’ouvrir à quelque chose de plus insaisissable.

Il fallait donc que ce soit cette actrice française, Cécile de France, avec son solide bon sens, qui dévoile de manière très pertinente, « le pot au rose » : la France se distingue, parmi les pays occidentaux, comme le pays le plus intolérant et le plus excluant pour tout ce qui ne rentre pas dans la vision dominante matérialiste et scientifico-technique, dans une sorte de dogme aux allures pseudo-religieuses, qui exclue toutes ces expériences en relation avec la mort et l’autre monde et plus généralement tout ce qui relève de la parapsychologie. Ce domaine de la culture humaine, pourtant très présent partout dans le monde,  relève toujours majoritairement en France des préjugés de la psychiatrie.

Alors, il faut espérer, qu’un film comme celui-ci, serve à desserrer un peu le verrou culturel – il en prend le chemin puisqu’il est premier au box office depuis deux semaines malgré toutes les critiques.  Il faut aussi souligner le travail de fond d’une association comme l’Inrees qui avec son journal et ses conférences, permet d’apprivoiser la France à cette dimension de l’esprit humain.
Il ne reste plus qu’à souhaiter l’avénement de psychothérapies intégrant pleinement à la psyché cette dimension de « l’au delà », c’est à dire au delà des dogmes de la psychologie clinique et de la psychiatrie réduisant ces expériences à des « délires mystiques ».  Il faut en effet  pouvoir accompagner professionnellement ces personnes en souffrance d’exclusion culturelle, afin de rompre leur isolement et apporter du sens à ce qu’elles vivent. C’est là, il me semble, le message essentiel de ce beau film.


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12 réponses à “Le film « Au-delà »”

  1. Mima dit :

    En effet, l’INREES permet que les choses en dehors du cadre de la « normalité » soient non seulement mieux connues mais surtout moins diabolisées. L’institut métapsychologique international fait aussi ce travail dans le domaine du paranormal :
    http://www.metapsychique.org/Presentation-generale-de-l-IMI-et.html
    bonne soirée

  2. Anne Duprez dit :

    Je croyais que Cécile de France était belge. Francophone d’accord, mais belge. Je dois me tromper.

  3. Catherine B dit :

    Au-delà, au-delà de la limite, votre ticket n’est plus valable!
    Bon, c’est un peu court oui, j’admets!
    J’suis allée voir ce film, parce que c’était Clint et parce qu’il parlait de la mort, j’avais des raisons pour ça, mais bof, j’en suis ressortie bof, mais c’est quoi tout compte fait un film réussi, qu’est-ce que ça veut dire j’aime bien? Est-ce que ce n’est pas un aveu d’allégeance à tout ce qu’on m’a mis dans la caboche depuis qu’à une inspir a succédé une autre expir? c’était bof de ce point de vue mais pas si bof que ça, dans ce qu’il avait de j’me casse la figure parce que j’sais pas trop, je m’avance à tâtons. En fait, j’crois bien que c’est ça que j’ai aimé, tous les râtés, toutes les bévues, tous les trucs à côté. Du coup, y’avait comme une vérité qui se posait là, pas un je sais mais un peut-être, et les doutes c’est franchement mieux que les certitudes, ça laisse circuler!

  4. la question existentielle qui revient sans cesse lorsque l’on perd son double est: pourquoi doit-on affronter la vie seule alors quelle était programmée à deux? la solitude est un gouffre dans lequel on s’enlise peu à peu. Personne pour aider à alléger ce fardeau au quotidien. Une réponse serait la bienvenue. Merci

    • l’idée, c’est qu’une fois traversées les souffrances émotionnelles du deuil, il est possible de rétablir une communication et une relation d’une autre nature avec le double perdu, soit dans une expérience personnelle de l’au delà, soit par rapport à des croyances spirituelles y ayant trait.
      Si l’on s’enlise, on ne peut pas faire l’économie d’un accompagnement thérapeutique.

      • Depuis l’âge de 13 ans jusqu’à ce jour, j’ai à peu près tout lu en ce qui concerne le sujet, je crois fermement aux contacts spirituels et suis certaine que les liens ne sont pas rompus, mais comment y accéder??? J’aimerai savoir en quoi consiste votre accompagnement thérapeutique, je pense que le deuil n’a jamais été fait en ce qui me concerne.
        Ce qui m’aiderais peut-être, c’est de pouvoir partager mes émotions avec certaines personnes étant ds le même cas. J’ai pas mal de contacts intéressants avec des couples de jumelles, avec lesquelles je discute ouvertement, mais cela me rappelle toujours que ma vie aurait été bien différente si j’avais gardé mon double. Ce sentiment de solitude n’est pas tjs facile à gérer. L’envie d’aimer et d’être aimé devient primordial, mais le lâcher prise est difficile. Je garde espoir dans la vie et ses rencontres, l’humour m’a tjs aidée à faire face à la vie. Merci de m’avoir lue.

        • Le travail sur le deuil, Emji, est d’abord un travail émotionnel, assez bien balisé par la courbe du deuil ou courbe du changement d’Elizabeth Kübler-Ross. Tous les livres de cette dernière parus en livre de poche sont à lire, de même que le livre de Martine Laval « N’écoutez pas votre cerveau » (aux éditions Interéditions) qui en fait un très intéressant commentaire. Je pense qu’il est mieux de faire ce travail avec un accompagnement thérapeutique.
          Pour ce qui est de la relation avec le double disparu, c’est une autre question, où il n’y a pas de réponse toute faite – on le voit bien dans le film avec les déboires du jeune garçon auprès de thérapeutes peu recommandables. C’est au cas par cas, quand le travail de deuil commence à être fait.

  5. J’ai eu l’occasion de discuter avec Mer Lepage frédéric lors d’une foire du livre ou il présentait, à l’époque, entre autres, son livre concernant les « jumeaux », j’avais comprise pourquoi je fuyais les miroirs et les photos. Dés cette après-midi, j’irai me procurer les livres que vous me suggéré.
    Lors d’un alignement énergétique, j’ai rencontré une thérapeute qui voulait bien m’aider en pratiquant une « renaissance » son tarif horaire, 60 euros de l’heure, (une séance étant de 2 à 3 heures).(voire des séances supplémentaires). Que pensez-vous de cette démarche??? J’espère ne pas avoir abusé de votre temps, merci beaucoup et bonne journée.

  6. Pour la thérapeute sur la « renaissance », je lui demanderai d’abord un petit entretien gratuit, pour qu’elle m’explique sa démarche et je lui poserai des questions sur sa formation : quelle est son école, qui l’a formé, etc, etc. Je serai très vigilant sur l’impression qu’elle me donne, ce que je ressens de la relation.
    Si elle ne veut pas, c’est mauvais signe.