Le monde plat de Ken Wilber

Poésie du désastre

J’ai voulu le week-end dernier aller humer l’air de la mer sur la côte Ouest de la France.
J’ai vu la mer et je me suis  extasié, encore une fois, devant sa beauté souveraine, inondante, infinie…
Mais le spectacle de la côte m’a vraiment déprimé : c’est un véritable désastre !

J’ai vu une suite ininterrompue de lotissements – à chacun son lot pavillonnaire identique,
petites maisons blanchâtres suintant l’ennui de leurs parpaings, de leurs ardoises médiocres,
avec petits jardins et petites pelouses bien sages, fraîchement tondues ;
la plupart des volets sont hermétiquement fermés,
tout est désert, tout est vide, il n’y a pas âme qui vive,
sauf sur les routes bien goudronnées, bien alignées avec de petits trottoirs bien proprets,
où des automobiles pressées se dépêchent de rouler vers …
vers le centre de ce désert pavillonnaire :
le Super- Marché !
Là, on se croirait comme dans n’importe quelle grande ville du monde :
il y a queue à la caisse, où une fille du pays qui a échappé au chômage,
fait « biper » les codes-barres, en pensant à autre chose,
elle n’aura pas un regard pour la petite vieille du coin qui peine à pousser son caddy.
C’est ici qu’en principe les gens se retrouvent, c’est devenu le centre des villages avoisinants,
mais personne ne se parle, tout le monde a l’air mal embouché, replié sur ses soucis
– c’est pour cela sans doute que la caissière m’a répondu 3 fois ‘ »il n’y a pas de soucis ! », quand je lui ai demandé un sac en plastique.
J’allais oublié, sur les routes bien tracées,
il y a partout maintenant des ronds-points,
de superbes ronds-points tout neufs, quelquefois immenses, démesurés,
où le jeu consiste à engager brutalement son automobile, le premier,
afin de pouvoir tourner en ayant la priorité sur les autres – belle leçon de civisme répétée…
Au milieu des ronds-points, on peut voir des emblèmes du monde passé :
bateaux de pêche abandonnés, barques en bois rafistolées, balises et phares reconstitués, etc…
J’allais oublié, il y a aussi de temps en temps quelques ports,
où sont alignés sur les quais une multitudes de bidets en plastique que l’on appelle « annexes » ;
à côté, en rangs serrés, des files de bateaux de plaisance bien fermés, balancent leur spleen sur les vaguelettes.
J’allais oublié : de temps en temps, au détour du chemin  : un « troquet » tout sale,
où des alcooliques affalés sur le bar,
sirotent lentement toute la déprime profonde de ce désastre environnemental.

Le monde plat de Ken Wilber

Ce monde m’a fait penser au monde plat de la modernité triomphante que décrit si bien, de son langage philosophique, Ken Wilber dans un de ses rares livres traduits « Brève histoire de tout »:

La modernité a comme par inadvertance permis l’effondrement du Kosmos en un monde plat et fade d’extériorité sans valeur et de surfaces insignifiantes(…)
C’est ironique, mais la rationalité qui a libéré l’humanité, est en train de la détruire, de la déshumaniser, de la réduire (…) Autrement dit, ce monde de la « mono-nature » est en fait une ontologie industrielle pure …  C’est l’industrialisation qui maintient en place la terre plate, qui maintient le monde objectif de la localisation simple en tant que principale réalité, colonisant et dominant l’intériorité et la réduisant à des fils instrumentaux dans la grande toile des surfaces observables.

Ken Wilber termine son livre, en montrant que le grand problème actuel est donc celui de cette terre devenue plate,  : « La religion de la terre plate nie les degrés de profondeur verticale et la transcendance intérieure qui, seule, peut amener les humains à une entente globale, mondocentrique« .

Ken Wilber parle aussi beaucoup de cet effondrement général dû à la terre plate. C’est cet effondrement métaphorique que j’ai ressenti  partout, en parcourant le désastre de cette côte  française défigurée qui n’avait plus rien à voir avec mes souvenirs d’antan.  La profondeur des relations conviviales de la vie de village, la fantaisie, l’imaginaire, la beauté des constructions traditionnelles, la conscience associée à la verticalité du sentiment religieux, tout est effondré et ramassé sur ces ronds-points désolants, où chacun tourne désespéremment pour aller le plus vite au Super-Marché.

Partir

Je suis rentré à Paris, dans la grande mégapole,  avec presque un soulagement.
En partant, le temps était gris,
il pleuviotait des larmes de tristesse,
et j’ai cru sentir au sein de la mer devenue elle-même grise et bougonne,
un désir de balayer ce monde plat
par quelque grande tempête purificatrice.

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28 réponses à “Le monde plat de Ken Wilber”

  1. Maarten Aalberse dit :

    Je voudrais souligner que, dans ton triste constat, tu critiques la rationalité *empirique*, c’est à dire une rationnalité qui ne s’occupe que de la surface et de l’immédiat (et hélas, cette préoccupation avec l’immédiat et le court-terme est parfois repris par ceux, qui disent qu’il faut vivre dans le moments présent, mais en fait confondent vivre dans le moment présent et vivre pour l’immédiat…).
    En fait, cette « rationalité » est tout sauf rationnelle, car on évite de considérer les effets de ses gestes et mode de vie à plus longue terme, et ainsi les questions liées au sens de sa vie. On évite aussi, comme tu dis, le ressenti plus subtil, l’empathie et la complexité qui se présente, dès que l’on observe, s’ouvre à son imagination et réfléchit un peu mieux…
    Quelle « rationalité » irrationnelle! Qui hélas est aussi « le moteur » de notre gouvernement actuel.
    Heureusement Wilber parle aussi d’une « logique visionnaire » – que l’on peut en fait considéer comme bien plus « rationnelle » que la «pseudo-rationalité plate »; peut-être tu veux en dire un peu plus, Alain, sur cette « logique visionnaire »? Je crois qu’il y a des convergences avec ce que Jacques Fradin a décrit comme « l’intelligence supraconciente préfrontale ».

    Et à un moment où autre il serait bien de revenir aussi sur le « mean green meme » ou le boomeritis.
    Mais, même si c’est un sujet très lié à ce que tu viens de décrire, c’est peut-être mieux de réserver une autre page, non?

    • oui, Maarten, je crois qu’il s’agit effectivement d’une pseudo-rationalité réductrice (plus qu’irrationnelle), c’est à dire qu’elle crée des liens de cause à effet à une seul niveau : le niveau empirique ou le niveau de la matière. De plus, elle est très liée aux pulsions émotionnelles et irrationnelles de l’ego de ceux qui ont le pouvoir et l’utilisent.
      Tu prends par exemple les maisons de ces lotissements que je décris : ils sont conçus par des architectes qui s’en occupent selon des lois de causalité très réduites : la rentabilité maximale, immédiate et à court terme, au service des intérêts egocentriques des investisseurs. Il n’y a pas de vision globale, holistique de la complexité d’une situation.
      La logique visionnaire dont parle Ken Wilber, mais dont on ne voit pas beaucoup encore les effets, est d’abord une manière de voir le « Tout d’une situation », dans la complexité de ses différents éléments ou dimensions. Ainsi, par exemple l’architecte va prendre en compte l’environnement, le milieu dans lequel il installe ses maisons, l’histoire, l’architecture traditionnelle, les besoins des habitants, la nécessité de prévoir des centres de convivialité et de bien-être, les matériaux de construction écologiques, la créativité des gens qui vont y vivre et des gens qui habitent la région depuis longtemps, etc, etc…
      C’est une vision large, profonde complexe, c’est à dire à multi-niveaux, prenant en compte la complexité et cherchant à créer des liens, une unité créative dans cette complexité : c’est l’âge de la logique visionnaire, du Centaure, car ce symbole réunit le corps – le matériel et l’esprit – le spirituel, c’est l’âge de la vision intégrative.
      Est-ce qu’on peut appeler cela encore une rationalité ? peut-être, au sens originel du « nous » grec, c’est à dire la capacité de donner du sens à une situation complexe, mais cette rationalité n’a rien à voir avec la rationalité empirique, matérialiste et réductionniste de la science telle qu’elle est issue de la philosophie des soi disants « lumières » et sous le joug de laquelle nous sommes malheureusement encore largement soumis – ce qui est un des facteurs essentiels de cette crise qui est en fait une crise de l’esprit humain n’arrivant pas à évoluer assez vite de manière significative.

      • Tu parles aussi de la » boomeritis », Maarten, et du Mème vert, je ne vois pas d’inconvénient à ce que nous commencions à en parler à propos de ce texte. Mais il faut commencer par définir ces concepts qui sont très peu connus en France, puisque rien n’a été traduit, même pas « Boomeritis ». On est obligé de se référer au court résumé de Frank Visser dans sons son livre « Wilber, la passion du savoir« .

        • Maarten Aalberse dit :

          Pour créer une base à partir de laquelle on pourrait discuter la « Boomeritis » et le « méchant Mème vert  », j’ai traduit une partie d’un entretien entre Don Beck, un des co-développeurs du modèle des « spirales dynamiques », maintenant un proche associé de Ken Wilber et un journaliste de « What IS Enlightenment » (WIE), la revue sur la « spiritualité évolutionnaire » de Andrew Cohen, ou dans chaque numéro il y a une dialogue entre Wilber et Cohen.
          Voici le lien vers le texte en V.O. : http://www.enlightennext.org/magazine/j22/beck.asp?page=4

          Il y a de quoi de discuter, ensuite!

          WIE : Est-ce que vous pouvez parler un peu plus au sujet du mème VERT, comment il a émergé de l’ORANGE, et du rôle qu’il joue ?

          DB : À sa crête, le VERT est communautaire, égalitaire, et consensuel.
          Sans l’ORANGE nous n’aurions pas le VERT, parce que dans l’ORANGE l’être intérieur a été dévié et ignoré. Notre science nous a laissé engourdis, sans coeur et âme, et avec seulement les manifestations externes du succès. La  » bonne vie » a été mesurée seulement en termes matérialistes. Nous découvrons que nous sommes devenus aliénés de nous-mêmes, aussi bien que des autres. Le VERT alors, ce code mémétique assez récent, a commencé à émerger il y a environ 150 ans, à partir de l’ âge industriel et de la technologie, et déclare que dans toutes ses entreprises, l’essentiel de l’être humain a été négligé. L’accent se déplace de l’accomplissement personnel vers les buts du groupe et de la communauté, car pour le VERT, nous appartenons tous à la même famille humaine.

          WIE Que voulez-vous dire quand vous dites le  » VERT absorbe plutôt qu’il ne contribue » ?

          DB : Le VERT emploie les ressources que l’ORANGE a établies, mais parce qu’il déteste l’ORANGE, il n’aime pas la croissance : la croissance et la consommation sont mauvaises. Il veut employer des ressources déjà disponibles et les redistribuer, ainsi tout le monde peut les obtenir. Le VERT est un système merveilleux, mais ironiquement, il présuppose que chacun a le même niveau. 

          WIE : J’identifie certainement cela dans ma propre expérience : mon niveau de vie élevé me permet d’être à la fois très content de moi et très égalitaire!

          DB : Exactement. Seules ces personnes qui ont réussi et qui ont de bons comptes bancaires, avec une certaine garantie de survie, sans le loup à la porte, commenceront à « penser VERT ». Mais malheureusement, quand le VERT commence à lancer ces attaques envers les mèmes des niveaux BLEUS et ORANGES, c’est comme une personne qui est montée sur le toit de sa maison et puis jette en bas l’échelle qui lui a permis d’aller jusqu’à là. 

          WIE : Quels effets voyons-nous de l’expression négative du mème VERT ?

          DB : Malheureusement, ce que cette version négative de VERT fait, c’est de détruire la capacité des systèmes économiques sociaux ORANGES et BLEUS qui permettent de créer les lacunes que LE VERT a identifiées. Elle détruit les structures économiques ORANGES et elle détruit également les systèmes autoritaires BLEUS, qui sont nécessaires pour maîtriser le ROUGE, comme nous pouvons le voir clairement dans l’exemple du Zimbabwe d’aujourd’hui. Elle devient donc contre-productive. Elle rend les choses plus mauvaises. Elle soulage le ROUGE de la responsabilité d’apprendre la discipline et la direction du BLEU-ORANGE, parce qu’elle aime les indigènes mais tend à leur attribuer une plus grande complexité, car elle les voit comme de  » nobles sauvages ». Ainsi, en détruisant des systèmes autoritaires BLEU et ORANGE, il y a inondation des comportements indisciplinés, égocentriques, impulsifs ROUGE dans la zone VERTE, dans l’individu et dans la société. Et c’est dans ce maillage malsain de ROUGE et de VERT, que le narcissisme très égocentrique se combine avec des poncifs au sujet de l’humanité et de l’égalité. C’est l’endroit que Ken Wilber et moi nous avons dénommé le  » Meme vert méchant  » ou la  » boomeritis,  » appelée ainsi parce que la génération des baby-boomers était la première à entrer en masse dans le mème VERT. 

          WIE : le livre de Ken Wilber, Boomeritis, certainement m’a fait rendre compte que j’ai été en effet atteint de ce  » virus post-moderne » !

          DB : L’idée même du  » Meme vert méchant » est une stratégie rhétorique. Ken et moi, nous nous sommes demandés : « Comment pouvons nous débusquer le VERT ? Comment le faire bouger? » Puisque beaucoup du VERT est devenu un étang stagnant. Ainsi nous nous sommes dites «  inventons le Mème vert méchant. Faisons lui honte un peu. Donnons-lui un miroir et montrons-lui ce qu’il fait, dans l’espoir qu’il séparera le Meme vert méchant du VERT sain et légitime. Exposons à suffisamment de personnes la duplicité, l’artificialité et la nature égoïste de leurs propres systèmes de croyance autour du« politiquement correct », pour finalement faire passer le message qu’il y a quelque chose au delà de cela. ». C’est une mesure drastique, une stratégie rhétorique de créer un symbole qui donnera, si tout va bien, aux gens une compréhension que, ce qu’elles font actuellement, est en train de détruire la chose même qu’elles veulent accomplir.

          WIE : Quelles sont les implications spirituelles et psychologiques du Mème vert méchant ? 

          DB : Le VERT commence avec la quête de soi.  » Je veux finir par me connaître. Je veux avoir affaire avec l’enfant caché dans moi. Je veux faire la paix, je veux trouver la tranquillité ». Ainsi j’entre dans un stage de « sensitivity training », où j’obtiens du feedback. Je vais vers le bas, vers l’intérieur, pour regarder toutes mes expériences de vie et pour essayer de me débarrasser de la culpabilité. Le VERT déteste la culpabilité. Et il veut travailler sur sa colère, sur ce qui lui est arrivée, en tant que victime. Mais le VERT est un système relativiste. Et beaucoup du VERT est si naïf, pensant « Toutes les personnes sont bonnes . C’est la société qui les rend mauvais. Il n’y a aucune mauvaise personne ! Il n’y a aucun mal. Tout cela est un mythe. Tout le monde va nous aimer ». Le 11 septembre était un appel de réveil, et pour la première fois le VERT a commencé à voir le visage laid de RED/BLUE. Depuis cela, beaucoup plus de les gens deviennent intéressés au travail que nous faisons.

          • C’est un bon texte Maarten de réflexion. Merci de cet apport. J’ajouterai que la « boomeritis », c’est la pathologie de la génération des baby- boomers de l’après guerre, à laquelle appartient Ken Wilber – et moi-même, dont l’aspect le plus négatif est le narcissisme, c’est à dire une sorte d’hyperindividualisme se contemplant lui-même dans sa vacuité et générant des idées naïves et irréalistes sur les autres.
            Cela donne effectivement l’aspect négatif du mème Vert de Don Beck, plus abordable théoriquement que Ken Wilber, où le pluralisme et le relativisme revendiqué par le Vert pour combattre les tentations autoritaires et unidimensionnelles de l’Orange et du Bleu, deviennent une source de confusion, d’impuissance à l’action et de querelles intestines interminables. Commencé au 19e siècle avec des philosophes comme Nietzsche ou des artistes comme Rimbaud, ce mème se déchaîne avec la grande vague de mai 68 et la génération des baby-boomers, où toutes les minorités contestatrices se mettent en place revendiquant la liberté individuelle tout azimut et le droit à la différence.
            On peut dire sans se tromper que la diversité des psychothérapies est issue de ce pluralisme du mème Vert s’opposant par exemple au monothéisme de la psychopathologie de la psychiatrie conventionnelle issue de l’Orange. Quand j’aurai plus de temps, je développerai cette idée dans un article, pour expliquer le décret actuel.
            Mais nous en sommes arrivés à un point actuellement où ce mème Vert n’a pas donné grand chose. Pire, on assiste à une régression vers l’Orange et le Bleu, devenus tout puissants, ayant récupéré toutes les tentatives de différenciation du Vert, par exemple par les armes lourdes du « business ». Je crois que le spectacle du littoral français qui m’a tant désespéré, c’est un peu la marque de ce retour en arrière et de ce triomphe absolu de l’Orange, où absolument tout est réduit à une histoire d’efficacité, de rentabilité et de consumérisme triomphant, retirant à l’être humain toute possibilité d’être un sujet responsable.
            Maintenant, pour terminer ce commentaire, la question délicate que je me pose : est-ce que je suis atteint moi-même, dans ce constat de faillite émanant de cet article, par la « boomeritis » et toutes les vilainies du méchant mème Vert ? Qu’en penses-tu Maarten ? Est-ce qu’il y a encore un espoir de transcender et d’inclure ce désastre, vers le mème Jaune d’or intégratif ?

  2. Maarten Aalberse dit :

    Suite à tes mots de ce soir:

    Comme nous sommes de la même génération et nous nous ressemblons quand-même un peu (parfois), Alain, je ne suis sûrement pas le meilleur conseil, et je me méfierais de mes diagnostics en ce domaine… Mais peut-être Wilber découvrirait en toi des tendances qu’il appellerait (hélas, selon moi, avec un peu de mépris) « rétro-romantiques »? Et en moi une overdose d’Orange qui pollue le vert?

    Je préfère rester dans les questions. Est-ce que le même Vert nécessite une certaine affluence, comme Beck semble le suggérer dans l’entretien ci-dessus? Et donc un luxe que l’on ne se peut plus se permettre dans cette période ou tout le monde doit serrer sa ceinture?

    Il y a une autre question, que je me pose. Pourquoi Wilber et Beck se sont-ils tellement attaqués au « mème vert méchant » ? J’ai lu quelque part (dans le livre « Boomeritis ») que pour Wilber le boomeritis était un plus grand obstacle dans l’évolution humaine que le« Bleu » (autoritaire-mythique) et l’Orange » (rationnel-individualiste)!
    Wilber et Beck, ne se sont-ils pas trompés « d’ennemi » principal , ainsi? Et si oui, pourquoi? Et sont-ils ainsi devenus « une partie du problème, au lieu d’une partie de la solution »?

    Est-ce que la variante de Beck en Wilber des dynamiques spirales (il y en a d’autres) est entrée dans un cul-de-sac?

    Je reviendrai là-dessus demain, (aussi sur mes doutes sur les travaux et idées de Beck) mais pour le moment: qu’en penses-tu?

    • Maarten Aalberse dit :

      Comme t’es très occupé, Alain, cette semaine, je ferai un peu cavalier seul. Et le moment venu, tu pourrais revenir sur le fil rouge de mes propos, ou sur quelques détails, comme tu veux…

      Avant de proposer quelques alternatives qui peuvent encourager le développement du même vert sain, il me faut d’abord faire un bilan critique des activités de Wilber et Beck en ce domaine.

      D’abord un point plus général sur Wilber et ce que je considère sa trahison du même vert: il a hélas depuis une quinzaine d’années une facheuse tendance de choisir des mauvais partenaires, aussi sur le plan spirituel: Da Free John d’abord et maintenant Andrew Cohen, deux personnes qui prônent un modèle autoritaire (et dans la pratique souvent abusive…) d’une spiritualité dépendente d’un gourou. C’est tout sauf vert, cela!
      Et il attaqué des écoles plus verts: la holotropie de Stan Grof et l’approche Diamant de Almaas, qu’il a trop exclusivement critiquées comme « néo-romantiques ». je trouve qu’il n’a pas assez encourage le côté « bon vert » de ces mouvements. Il faudrait aussi revenir à l’allergie que Wilber semble avoir sur le romantisme (tu l’as indirectement mentionné dans un de tes commentaires sur le chamanisme, trop dévalorisé par Wilber), et très lié à cela, ces idées négatives (et obsolètes) des compétences du bébé.
      Ensuite: Wilber suggère trop que le narcissisme fait partie du « vert pathologique », et a ainsi contribué à un amalgame entre « vert » et « narcissisme ». Tandis que l’on trouve le narcissisme dans tous les « couleurs »! Et lié à cela, et bien pire, je trouve: Wilber et ses associées n’ont pas assez encouragé le « vert sain ».

      Le mouvement integrale autour de Wilber est, je crains, trop sous l’emprise du néo-libéralisme: l’Institut Intégral risque de devenir un institute pour les friqués, avec leurs programmes pour les élites, leurs brochures glamours, les discussions avec un « incrowd » qui est d’accord avec Wilber et un évitement grave de ceux qui le critiquent.
      Et l’exemple le plus triste est Don Beck (autre mauvais choix de Wilber), qui a montré sa vraie visage en disant que George W. Bush était un très bon président « choisi par le sprial » (sic!!!!!). D’ailleurs, d’autres branches de l’approche « dynamique spirale » ont fortement critiqué la notion de « même vert méchant » telle que décrit par Beck et Wilber. En utilisant les méthodes et critères de la dynamique spirale, ils ont dénoncé les incohérences dans la formulation de Beck et Wilber. Je pourrais y revenir, mais c’est un peu technique.

      La psychothérapie humaniste s’est, dans sa variante coaching naïve, peut-être un peu trop corrumpu et est devenu un mouvement qui sert les entreprises et leur besoin d’être plus performante sur le marché, càd pour les actionnaires. C’est un peu normal, en quelque sorte, et encore plus en France, où c’est très difficile de vivre correctement comme psychothérapeute (c’est un des rares pays où la psychothérapie n’est pas remboursée par la Sécu). Et comme avec la vague vert on a vu venir plein de formations en psychothérapie, les étudiants devraient bien trouver un moyen de gagner leur vie. L’entreprise était une bonne solution, apparemment.
      Hélas! On a cru que la psychothérapie humaniste pouvait transformer l’esprit néo-libéral de l’entreprise; je crains que, la plupart du temps, l’inverse s’est passé (en général; il y a des exceptions; beaucoup dépend, je crois de l’intégrité et de la lucidité de l’intervenant): le néolibéralisme a corrumpu l’esprit humaniste et vert – comme il l’a fait avec un bon nombre de maîtres spirituels.

      Après ce triste constat, il est temps de voir comment on pourrait soutenir et développer le VERT sain. Tu as sûrement des idées là-dessus, Alain. Et demain je ferai quelques prpositions de ma part.

      • Maarten Aalberse dit :

        Erreur de frappe que je veux corriger: selon Beck, Bush était un bon président, choisi par « le SPIRAL » (sic!!!)

    • Je suis assez d’accord pour l’étiquette « rétro-romantique », sauf que c’est une étiquette qui généralise ou cristallise. Il faudrait mieux dire que j’ai des accès de « rétro-romantisme », comme pour cette grande souffrance en face de la dévastation du littoral français, mais il y a d’autres facettes de moi-même qui ne sont pas ainsi. C’est comme pour les clients, si après diagnostic, on leur balance des étiquettes du style « spasmophile », « fibromyalgique », « dépressif », « bipolaire », etc… Ce n’est pas juste, il faudrait mieux dire qu’il y a de temps en temps une part d’eux-mêmes qui est spasmophile, etc…
      On pourrait d’ailleurs faire une nouvelle critique à Ken Wilber à ce propos dans sa mauvaise habitude de distribuer des étiquettes généralisatrices et violentes qui du coup génèrent des réactions et des conflits inutiles.
      Toutes ces questions que tu poses me semblent bonnes. Il y a comme un dérapage du dernier Wilber politique. En fait il n’aurait pas dû sortir de la philosophie. Son insistance à combattre le Vert, pour moi, dénote justement qu’il n’est pas sorti du Vert et de sa grande faiblesse : le fait de transformer le pluralisme et la diversité des points de vue en querelles et combats improductifs. On peut aussi assister à cette tendance dans Psy en Mouvement qui préfère les controverses stériles au consensus, ou dans le parti des verts français qui n’arrêtent pas de se disputer en public. Pour moi la grande faiblesse du Vert c’est son manque d’unité, son impuissance à s’organiser dans sa diversité et son pluralisme. Et les tendances conflictuelles sont plus dirigées vers les autres tendances du Vert que vers l’Orange, qui en profite – voir le décret sur la psychothérapie qui est un triomphe de l’Orange, face à du Vert qui n’a pas su s’organiser pour se défendre.
      Pour information, comme contre- exemple à cette tendance affligeante, je vous recommande de lire la réponse remarquable d’intelligence et de diplomatie de David Servan Schreiber sur son blog, au Pr David Khayat qui vient pourtant de sortir « un méchant livre » à son encontre :
      http://www.guerir.org/Members/david_servan_schreiber/anticancer-1/archive/2010/05/28/david-khayat-le-vrai-regime-anticancer
      Ce sera tout pour aujourd’hui. Une idée à la fois.

      • Maarten Aalberse dit :

        Juste quelques mots pour relativiser un peu ma critique sur ce que parfois je prends pour Ken’s vision négativement biaisée sur le Vert:
        Il est dans souvent un état physique très pénible, à cause d’une maladie qui attaque son RNA – et qui a causé des « grand maux » épileptiques graves. C’est en se centrant dans une conscience loin au delà son corps physique, qu’il sait gérer cette maladie si bien… Et comme un des thèmes principaux du même Vert est l’intégration corps-esprit (« le centaur »), ceci explique peut-être cela…
        Mais peut-être ça veut dire aussi que, pour une vision plus équilibrée sur le même Vert, il serait mieux de chercher ailleurs que chez Wilber?

      • Maarten Aalberse dit :

        Je reviens à cette tendance « Verte » de se bagarrer sans fin et de controverser sans écouter que tu viens de décrire, Alain– un piège dans lequel je tombe sûrement parfois, comme tu me fais remarquer:

        Je me demande si ce n’est pas un signe que à ce moment-là on est pas encore « uffisamment Vert »? Car si l’on prône vraiment la diversité et la pluriformité, s’il n’y a pas un modèle qui est plus vrai (dans un sens absolu, décontexualisé) qu’un autre, si tout « vérité » est relative, c’est à dire « vrai » dans certains contextes et pas « vrai » dans d’autres contextes , que restera-t-il a bagarrer?

        Le problème de ce pluralisme et égalitarisme serait peut-être plutôt que, pour passer à l’action, on doit choisir pour quelque chose, il faut donc hierarchiser – ce qui ne colle pas bien avec l’égalitarisme Vert.
        Comment choisir alors, sans trahir le pluralisme? Une solution pourrait être de faire ces choix sur ses valeurs qui sont tout à fait (inter)subjectives et personnelles (et donc pas universelles, pas à imposer aux autres) et de renoncer aux idées d’une vérité absolue. Et lié à cela: comme il n’y a pas de vérité absolue (au moins pas dans ce bas monde), on accepte que les choix que l’on fait nécessitent toujours d’être adaptés, selon les retours que l’on obtient quand on entre dans l’action. Ce ci demanderait une grande ouverture et une grande humilité (et le mot humilité vient du mot humus = terre fertile, c’est donc un mot qui va bien avec le Vert). Baser ces choix sur ces valeurs non-absolues – ou partagés avec un groupe qui toutefois reconnaît qu’il y ait des autres valeurs qui méritent d’être là aussi – pourrait être un moyen de sortir de la stagnation. Je crois que cette réponse de Servan-Schreiber que tu cites en est un très bel exemple.

        Est-ce que c’est un choix que Wilber lui-même fait? J’ai mes doutes. Wilber me semble prôner un modèle de Vérité, qu’il croit être basé sur une intégration de toutes les disciplines et sagesses de tous les temps.
        Je ne peux pas dire que Wilber a tort, dans l’absolu; je ne me sens pas capable à me prononcer là-dessus.
        Mais je crois qu’il faut être plus solidement Vert pour avancer vers quelque chose au delà le Vert que Wilber semble prêt à faire ou… capable à être, étant sa condition personnelle. Et être plus solidement Vert, pour sortir des quérelles de chapelles et répondre au souffrances de notre terre et ceux qui nous entourent, et pour partager la joie avec notre monde.

        • Je pense au contraire, Maarten, que le mème Vert est très agressif, car l’ego, le moi est toujours au poste de commande. Agressivité contre l’Orange d’où il vient, mais aussi agressivité entre les différentes tendances du pluralisme et de la diversité. Le relativisme, la tolérance, tous les bons sentiments du Vert, sont des vêtements de séduction dans lequel il se drape. J’ai tellement fait l’expérience de ces pluralismes qui se transforment en controverses stériles et en luttes d’ego, d’où la grande faiblesse du Vert que l’on ressent particulièrement en ce moment.
          David Servan-Schreiber me semble dans sa réponse à David Khayat à un autre niveau de conscience : il nomme les différences et les points d’accord clairement et il tente des voies de convergence intégratives. Je pense qu’il va falloir passer assez vite vue l’ampleur du désastre actuel à ces lignes d’intégration Orange – Vert et unité sous- jacente à la pluralité du Vert.
          Je pense par ailleurs que le caractère fermé et dogmatique du système Ken Wilber (intégral), l’a fait régresser vers l’Orange et ses manifestations autoritaires : « tous en rang par deux dans mon Institut et dans mon système » : c’est l’unité par le bas, dans laquelle l’Orange excelle et qui est une tentation vue le caractère confus et agressif du Vert.
          Pour en revenir à mon littoral breton, je ne vois pas trop comment ces belles théories peuvent devenir efficientes. Une voie intégrative est-elle possible ? J’ai peur qu’il y ait une période intermédiaire assez difficile de nettoyage…

  3. loic dit :

    Gwin ru / pokes den

    Dans ces vallons humides, ennoyés de tristesses
    Il pleure éternellement sur les vieilles écluses
    Poussières qui crachinent en dissolvant les âmes

    Ajoncs qui s’y délavent, en de ternes brillances
    Les schistes en Gouarec grisaillent la misère
    Et ces gens dérivent là, ployés de solitudes

    Ils s’en vont sans histoires, sous le joug de l’hiver
    Noyant dans ce canal leurs voyages immobiles

    Sous l’œil des mariniers qui vont en Guerlédan
    Embarquer des ardoises que carient les hommes gris
    Assombris de tristesses ils s’ enflamment d’alcools
    Beuglant dans des bistros tenus par de vieilles folles

    Ainsi vont leurs vies crasses, qui les rident déjà
    Lors qu’aux bals ils s’en vont, en quête de compagne
    Elles rêvent d’un béguin et pas d’un « pokes dén »

    Un de ces « pauvres types » qui les feront pleurer
    Enserrant ses enfants contre une robe sale
    Lorsque gonflé de vin, il s’en retourne enfin

    De tous ces petits verres de mauvaises vendanges
    Que de grands pinardiers dépotent à Corniguel
    Ce poison qui s’en vient des Afriques du Nord

    De ces vieilles colonies qui égaient leurs masures
    Quand un lointain cousin d’infanterie coloniale
    Leur postait une carte, qui chez eux fait gravure .

  4. Maarten Aalberse dit :

    « e mème Vert est très agressif, car l’ego, le moi est toujours au poste de commande »

    Je ne crois pas que l’ego en soi soit un problème, Alain.
    Un ego rigide, oui, un ego narcissique oui.
    Mais un ego vraiment inspiré par la pluriformité – et les bonnes côtés du postmodernisme, comme on les voit appliqués par exemple dans la très belle approche qui s’appelle « Thérapie Narrative » – n’est pas notre ennemi. Tout au contraire, on en a besoin dans notre vie quotidienne, non?

    Où cela nous amène? Pour moi dans une réhabilitation du même Vert (abimé par Wilber, je trouve) et vers des approches qui aident à « assouplir » l’ego – pour qu’elle répond mieux aux contingences réelles de sa vie, au lieu des idées fixes.
    Et pour un peu d’espoir (au moins de mon point de vue) hier, « La Croix » a publié un bel entretien avec Christophe André sur la pleine conscience, d’une forme tout à fait digeste pour des croyants plus ouverts – qui existent, même si ce pauvre pape fait tout pour les chasser…

    • Je suis un peu plus pessimiste que toi, Maarten, sur l’ego du mème Vert, même si je ne connais pas « la thérapie narrative ». Le problème de cet ego, c’est qu’il est fragile et il peut facilement régresser au moindre conflit de territoire, que le pluralisme ne manque pas de lui présenter, malgré toutes les bonnes intentions affichées. J’ai sans cesse sous les yeux des exemples de ces régressions, ne serait-ce qu’au niveau de la pluralité des psychothérapies. Le prix à payer pour le mème Vert est très lourd, car l’Orange ne fait pas de cadeau en ce moment.
      Je crois que pour une possible unité dans la diversité, il faut un saut qualitatif de la conscience humaine, au delà de l’ego, justement : c’est l’esprit intégratif capable d’une vision du Tout au delà des positions egotiques. Cet esprit ne vient pas très vite de manière significative, mais j’espère que je me trompe.
      Quant à Don Beck, c’est vraiment dommage ses prises de position sur Bush. Si je comprends bien, c’est un piètre politique comme Wilber. Cela n’empêche pas que son modèle théorique est intéressant et qu’il me sert pour comprendre ce qui se passe en ce moment. J’aimerais bien connaître ses prises de position récentes au sujet d’Obama.

      • Maarten Aalberse dit :

        Je t’entends bien, Alain. La question que je continue à me poser, c’est: est-ce que ces régressions dont tu parles, et que je connais oh combien, aussi sur le plan personnel, sont inhérentes au même Vert, ou au fait que l’on n’est pas encore bien stable dans ce même?
        En tout cas, je crois que nous sommes d’accord sur l’idée que, pour aller plus loin vers l’intégration, un pluralisme, ou dés-identification des perspectives, ou dé-centrage comme on l’appelle dans certains courants post-modernes, est un sacre ressource?

        Il serait bien, je crois, de faire un jour un topo sur la Thérapie Narrative de Michael White et David Epston, deux personnes qui ne me semblent vraiment pas très narcissisques, au contraire… Leur approche, qui s’appuie beaucoup sur le post-modernisme, me semble bien ancré dans le « bon même Vert ». C’est aussi grâce à eux, que j’ai appris à mieux apprécier ce que le post-modernisme peut apporter.

        Quant à la vison politique de Beck et Wilber, oui je suis curieux ce qu’ils disent, tous les deux, sur Obama. L’autre jour j’ai vu une vidéo, qui date d’avant les élections, où Wilber a « expliqué » pourquoi, selon sa version de Dynamique Spirale, il était presque impossible que les démocrates aillent gagner les élections…

  5. Pour moi, Maarten, ces régressions sont inhérentes au niveau de conscience du mème Vert prisonnier d’une vision egocentrique du monde, même si cet egocentrisme pluraliste est de qualité supérieure au mème Orange unidimensionnel et dogmatique. Pour se décentrer de l’ego, se désidentifier comme tu dis, il faut faire un saut quantique ou qualitatif vers une vision transpersonnelle, au delà de l’ego : alors les possibilités d’unité dans la diversité et le pluralisme, sont possibles. J’aime au niveau théorique l’idée de Don Beck de changer de palier ou de stade (voir la page sur mon site que je lui consacre).
    Sauf que pour changer de palier, c’est une autre histoire : il faut faire un intense travail sur soi-même de nettoyage de l’ego (psychothérapeutique) et de dépassement de l’ego (la pleine conscience par exemple).

    • Maarten Aalberse dit :

      Je vais essayer, Alain, de reformuler ta dernière phrase dans une terminologie avec laquelle je me sens plus à l’aise, et tu me diras ce que t’en penses, OK?
      Pour faciliter ce « saut qualitatif », il s’agirait
      de développer un « soi » moins obsédé par les évitements et plus acceptant et conscient de l’expérience subjective,
      de se désidentifier d’un soi « conceptualisé » et s’identifier avec le Soi témoin.
      Ça te va?

      Je propose qu’ ensuite, nous reprenions cette discussion après un petit texte sur l’approche post-moderne qu’ est la Thérapie Narrative. Cela nous permettra aussi de faire d’autres liens avec la pratique (de vie et de psychothérapie) concréte.

      Juste un mot pour donner un peu de contexte : d’après ce que j’ai lu dans des discussions américaines, les critiques sur le postmodernisme – très liées là-bas avec le féminisme et l’art contemporain– viennent presque exclusivement des conservateurs et encore plus des soit-disant néo-conservateurs, qui détestent les « libéraux » (comparables avec les socio-démocrates et les écologistes-centristes à la Corinne Lepage, ici).

      • Maarten Aalberse dit :

        PS : Aux Pays-Bas, dont on parle actuellement dans les journaux au niveau politique, le mème Vert était bien plus présent qu’en France, je crois, mais le parti d’extrême droite (et surtout islamophobe), est devenu le troisième parti…
        Je crois qu’il s’agit, une fois de plus d’un retour du refoulé. Aux Pays-Bas, la tolérance faisait depuis très longtemps partie de l’identité consciente nationale. Et tout ce qui semblait être une signe d’intolérance était tabou.
        On est bien dans le sujet, hélas…

        Et hélas, Ken Wilber ne mentionne guère la richesse de la mystique de l’Islam; ainsi il contribue, sans le vouloir, sûrement, à l’islamophobie.

        • La richesse mystique de l’Islam n’a rien à voir avec l’intégrisme islamique qui déclenche bien sûr, partout, l’islamophobie. C’est à l’islam de régler principalement ce problème, de même que toute religion a à régler ce problème d’intégrisme potentiel.

      • Oui, Maarten, ta formulation pour passer à un autre niveau de conscience plus vaste et plus profond, me va, même si cela me semble très abstrait. Nous reviendrons dessus, puisqu’il s’agit du problème essentiel auquel l’être humain se trouve confronté en cette période de cris planétaire. Pourra-t-il développer un autre niveau de conscience, sinon il va disparaître en tant qu’espèce inadaptée aux problèmes qu’elle a créés.

  6. Maarten Aalberse dit :

    Une perspective plus Verte + Jaune Dorée de l’intégrisme muselmane (et mutatis mutandis les autres intégrismes) pourrait être que les « deux parties » sont co-responsables. De notre côté, l’hégémonisme Judéo-Chrétien continue à dévaloriser l’Islam (et à se désolidariser encore trop avec les souffrances de par exemple les Palistiniens), – qui devient de plus en plus notre « ombre »; les expressions de cette hégémonisme « nourrisent » à leur tour les tendances primitives dans le monde muselman. Cette vision hégémoniste est à contraster avec une vision plus Verte qui suggère que tous les perpectives ne sont que ça, des perspectives choisies plus ou moins arbitrairement, à enrichir avec une vision jaune-dorée qui permet plus d’empathie et respect avec l’autrui comme être humain, tout en respectant en valorisant la perspective de l’autre culture.
    Pour valoriser la perspective de l’autrui on a besoin de relativiser notre perspective (« action Verte ») et pouvoir adopter la perspective de l’autrui comme méritant du respect et étant une partie importante de la richesse de la culture humaine (« action Jaune »).
    Adopter cette perspective (Verte d’abord et Jaune ensuite) serait alors out aussi important que réduire la violence islamiste par des manoeuvres répressives de notre côté (qui sont aussi nécessaires). Aussi parce que cela pourrait inspirer des autres réponses « de l’autre côté ».
    Ou est-ce que je déforme les idées de la dynamique spirale?

    Ça me fait penser aussi à la période où je travaillais dans la Serbie juste après la chute de Milosevic. Milosevic a resté populaire là-bas si longtemps, même si beaucoup de Serbes détestaient son côté dictatorial, parce qu’il avait « promis » que « l’occident ne nous humiliera plus ».
    L’humiliation – la contrepartie de l’hégémonisme – est une terrible instigateur de régressions vers des attitudes et actions primitives.

    • Nous sommes un peu hors sujet, Maarten, et en même temps nous essayons de comprendre ce qui se passe actuellement dans le monde de la géopolitique avec la grille d’analyse assez intéressante de Don Beck, à laquelle je renvoie le lecteur sur mon site pour essayer de comprendre notre jargon.
      Il se trouve que j’ai une autre utilisation que toi de cette grille. Pour moi, l’intégrisme religieux (et actuellement c’est l’intégrisme islamique) relève d’une régression individuelle et collective dans le mème Rouge, où c’est la violence qui est le seul langage pour étendre ou défendre le territoire de la tribu – l’archétype de cet intégrisme ce sont les talibans. Face au mème Rouge, je crois que le mème Vert avec sa naïveté, ses bonnes intentions de tolérance et de pluralisme des points de vue, est très faible. Il faut donc en passer malheureusement par des méthodes coercitives et violentes avec lesquelles les mème Bleu – Orange n’ont pas de problème. En ce sens la guerre en Afghanistan est peut être nécessaire, à condition qu’elle soit complétée par un travail pédagogique et d’éducation de la population aux valeurs Bleu Orange et Vert, en particulier l’idéal de démocratie qui me semble un énorme progrès de la conscience humaine.
      Quant au mème Vert, il doit réfléchir sur sa terrible faiblesse en ce moment, où partout je sens la régression Orange, en particulier en Europe (et même Bleu- Rouge) : l’ethnocentrisme, le tribalisme, le religieux au sens traditionnel du terme. Ce n’est qu’une interprétation personnelle : je suis un piètre géopoliticien.

      • Maarten Aalberse dit :

        Désolé si je « divague » (!), Alain; ce n’était pas et n’est pas mon objectif. Je croyais que le manque du respect pour l’environnement, l’égoïsme matérialiste et le monde plat étaient bien liés à le même Vert et ses dérives. Je croyais que le « Vert Plat » prone une égalitarisme qui non seulement suggère que « tout va » (c’est interdit d’interdire) et tabouise l’hierarchie les discernements (qu’il confond avec des jugements). La tolérance plate qu’en suit est devenu intolérante pour tout tendance à hierarchiser (et sans hierarchie on reste plat).
        Mais la tolérance me semble aussi une étape nécessaire, quand elle nous permet de prendre du recul de nos propres biais et évitements. Une étape vers une ouverture et acceptation plus profondes.
        Mais, comme on dit dans l’ACT (comme illustration, pas pour faire du prosélytisme), l’acceptation -ou la pleine conscience – ne suffit pas dans la vie active, on a besoin d’être clair de ses valeurs intimes, tout en accepttant que d’autres personnes ou groupes ont des autres valeurs.
        Si l’on ne veut pas comprendre le charia muselman (que l’on caricature dans l’occident et que l’on ne voit plus dans son contexte), et si l’on n’en voit que le côté primitif, on entre dans une dévalorisation qui nourrit l’intégrisme. Si l’on ne veut imposer le développement durable et le respect pour l’autrui que par des politiques répressives, on nourrit une anti-autoritarisme qui s’en fout démonstrativement des règles. Le texte que tu nous a proposé il y a quelques jours, m’en semble une exemple.
        Oui, t’as raison d’accentuer la fragilité, la naïvété et les contradictions dans le même Vert, et… je continue à croire qu’il soit important de valoriser comment le même Vert peut contribuer à « un saut » vers une prochaine étape, où on « change d’étage ». Essayer un tel saut sans avoir intégré ce que le même Vert peut nous apporter me semble très dangéreux (par exemple on risque de s’aventurer dans une spiritualité organisé autour des gourous « savants » qui tôt ou tard dérapent).

        • oula Maarten, nous nous enferrons ! je crois qu’il vaut mieux clore la discussion. Cela me rappelle l’éternelle discussion : « quelle liberté pour les ennemis de la liberté ? ». Pour mon compte, je n’en sais rien et la belle grille de Don Beck ne m’aidera pas.

          • Maarten Aalberse dit :

            « s’enferrer (v.) 1.se perdre dans ses propres mensonges »

            Et je ne vois pas de lien entre mes propos et la question « quelle liberté pour les ennemis de la liberté? »

            • Si le mot « s’enferrer » ne te convient pas – c’est vrai que le sens figuré ne convient pas du tout à ce que je veux dire – je te propose le terme « s’égarer », au sens où nous nous sommes trop éloigné du propos de départ consacré à la critique de ce monde plat et sans saveur de la côte bretonne défigurée.
              La critique de Ken Wilber et de Don Beck au sujet du mème Vert m’a semblé un peu décalée dès le départ, et cela est devenu encore plus manifeste avec cet échange sur l’intégrisme islamique, que je ne souhaite pas continuer, car trop loin du propos initial.
              La phrase « quelle liberté pour les ennemis de la liberté ? » qui vient je crois de la révolution française, est une phrase pour questionner sur les limites de la tolérance. Une phrase que doit méditer le mème Vert. Cela me semble être une belle conclusion ouverte à la réflexion de chacun.