Les drôles d’histoires d’Osho

 

Osho aimait ponctuer ses enseignements spirituels par de nombreuses histoires.

Ce sont souvent des histoires drôles,
entraînant les éclats de rire de son auditoire,
car Osho plaçait le rire au plus haut niveau des qualités spirituelles.

Les histoires sont là aussi pour reposer l’attention, détendre, faire une pause,

mais surtout elles aident à comprendre, par le pouvoir de suggestion des métaphores et des images,
les propos spirituels les plus profonds,
qui autrement pourraient paraître obscurs ou rester lettres mortes,
emportés dans la fumée du mental.

Les histoires sont aussi une manière privilégiée de raconter de façon vivante,
comment vivent et agissent les grands maîtres spirituels
de toutes les traditions religieuses
,
comme dans ce jeu de cartes de tarot intitulé « Perles de sagesse », où sont relatées soixante histoires de maîtres.
Plutôt qu’un grand discours, mieux vaut une bonne histoire.

Le choix de ces histoires est très personnel,
elles m’ont interpelé,
j’aime me les remémorer et souvent les raconter,

je souhaite pour vous, qu’il en soit de même.

 Baal Shem* avait l’habitude de se rendre en pleine nuit,
au bord de la rivière…

…parce qu’à ce moment là tout était paisible et silencieux.
Il s’installait au bord de l’eau, calmement, se contentant d’observer sa propre nature.

Un jour le gardien d’une riche demeure qui se trouvait sur la route de Baal Schem ne contint plus sa curiosité :
– dis-moi ce que tu cherches ainsi dans l’obscurité ?
Je t’observe depuis depuis si longtemps, que fais-tu là assis sans rien faire sur la rive ?

– Moi aussi je m’étonne, lui répondit Baal Shem, de te trouver éveillé à l’heure où tout le monde dort.
Que fais-tu toujours devant cette porte en pleine nuit ?
– Je suis le gardien, fit l’homme, j’observe.
– quelle coïncidence ! s’exclama Baal Shem. c’est exactement ce que je fais moi aussi.
– Comment cela ? s’étonna le gardien. Tu prétends faire comme moi, mais tu ne surveilles aucune maison, aucun palais. Tu restes assis sur le sable !

– Il y a une petite différence entre nous, expliqua Baal Shem. Tu es attentif aux allées et venues extérieures. Moi, j’observe l’observateur à l’intérieur. Qui est-il ? Je consacre toute ma vie à cette question. Je m’observe moi-même.

– Etrange, fit le gardien. Et qui te paie pour ce travail ?
Ce travail est sa propre récompense. Il procure une telle joie, une telle félicité, il est en soi une bénédiction. Un seul de ces moments est plus précieux que tout l’or du monde.

– C’est bizarre, j’observe la nuit depuis des années et rien de tel ne m’est jamais arrivé.
Me permets-tu de t’accompagner demain soir ? Tu me montreras comment m’y prendre.
Je sais observer, mais il me semble que tu t’y prends autrement, dans une autre direction.

Méditation, la première et la dernière des libertés  éditions Vega 2013

*Baal Shem fut un rabbin mystique qui fonda au 18e siècle le hassidisme, un mouvement dissident du judaïsme.

 

Comment Saraha devint « celui qui a décoché la flèche »…

Saraha était le fils d’un brahmane lettré vivant à la cour du roi Mahapala.
Le roi voulait lui donner sa fille en mariage,
mais celui-ci souhaitait renoncer au monde et devenir un « sannyasin ».

Il devint le disciple de Sri Kirti *, un célèbre maître bouddhiste.
La première chose que Sri Kirti enseigna à Saraha fut de renoncer à tous les Védas, à tout son savoir.
Saraha devint un grand contemplatif.

Un jour pendant une méditation, il eut la vision d’une femme, sur la place d’un marché, et il sut que cette femme deviendrait son maître.
Il dit à Sri Kirti : « Vous avez purifié mon être et maintenant je suis prêt à faire l’autre moitié de mon travail. »
Et il partit sur les routes avec la bénédiction de Kirti qui riait.

Un jour il trouva la femme de sa vision sur un marché.
Elle était en train de fabriquer une flèche, c’était son métier.
Elle appartenait à une caste inférieure, mais ce ne fut pas trop un problème pour Saraha, le brahmane lettré, élevé à la cour du roi, de se rendre auprès d’une telle femme .

Celle-ci était une jeune femme rayonnante de vie.
En train de tailler une flèche, elle était complétement absorbée dans son travail.
Saraha sentit tout de suite dans sa présence quelque chose d’extraordinaire,
tellement elle était totalement engagée dans son action.

Quand la flèche fut terminée, la femme fermant un oeil, se mit en position de viser une cible imaginaire.
Il se passa alors quelque chose… quelque chose d’extraordinaire comme une communion intérieure.
En cet instant la signification spirituelle de ce qu’elle faisait, apparut de manière éclatante à Saraha.
Elle ne regardait ni à droite ni à gauche, mais exactement au milieu, elle était totalement plongée dans le centre, dans la cible.
Pour la première fois Saraha comprit ce que le Bouddha voulait dire en parlant du milieu.

La beauté, la luminosité de cette femme provenait de sa complète absorption,
elle était totalement immergée dans ce qu’elle faisait, c’est pour cela qu’elle irradiait, c’est pour cela qu’elle était belle.
Pour la première fois Saraha comprit ce qu’était la méditation.
Il ne s’agit pas de s’assoir à une certaine heure et répéter un mantra, ni d’aller à l’église, au temple ou à la mosquée,,
il s’agit d’être dans la vie, de faire des choses banales, mais avec une telle intensité, une telle concentration que la profondeur se révèle dans chaque action.
Il pouvait maintenant la sentir, il aurait pu la toucher.

Saraha lui présenta ses excuses : « tu n’es pas une simple fabricante de flèches, pardonne moi de l’avoir pensé. Je regrette infiniment mon erreur. tu es un grand maître et tu m’as fait renaître. »
Parce qu’il avait compris son acte et reconnu sa vérité, la femme se mit à danser et changea son nom : « Désormais tu t’appelleras Saraha, « celui qui a décoché la flèche ». En comprenant le sens de mes actes, tu as touché la cible. »

Saraha devint un « tantrika » sous la conduite de cette femme forgeronne qui fut son maître.
C’est en même temps une grande histoire d’amour spirituel,
il avait trouvé son âme soeur.
Tous les deux vivaient un amour, comme il en arrive rarement sur terre.
La femme enseigna le Tantra à Saraha, comme seule une femme peut le faire.

Et ils partirent ensemble pour s’installer vivre sur un lieu de crémation…

*Sri Kirti fut le disciple de Rahul Bhadra, qui était le propre fils du Bouddha

Cette histoire est tirée du livret accompagnant le tarot « Perles de sagesse » histoire 54 « la concentration »ed.Almasta
Je l’ai enrichi par des extraits du livre « Tantra, le chant Royal de Saraha » ed. Le voyage Intérieur 1989
L’histoire de Saraha est encore longue, je la terminerai une autre fois, dans un autre article.

 

La rencontre de Diogène et d’Alexandre le Grand : « pousse toi de là, tu me caches le soleil ! »

Diogène, le mystique grec, est l’un des rares joyaux de la conscience humaine.

Lorsqu’ Alexandre le Grand était en route pour l’Inde, il rencontra Diogène sur son chemin.
C’était un matin d’hiver, une brise fraîche soufflait et Diogène était étendu au bord de la rivière, nu sur le sable, prenant un bain de soleil.
C’était un homme magnifique – d’une belle âme émane toujours une beauté qui n’est pas de ce monde…

C’était un homme d’une telle grâce qu’Alexandre ne put en croire ses yeux. Il était émerveillé :
« Sire, » dit-il… – de sa vie, il n’avait jamais parlé ainsi à personne -,
« Sire, je suis extrêmement impressionné par votre présence et je désirerais faire quelque chose pour vous.
Y-a-t-il quelque chose que je puisse faire ? »

Diogène répondit : « Pousse toi de là, tu me caches le soleil !
C’est tout, je n’ai besoin de rien d’autre. »

Alexandre reprit : « Si j’ai une nouvelle chance de revenir sur terre, je demanderai à Dieu qu’au lieu de me recréer Alexandre, il fasse de moi un Diogène. »

Diogène rit : « Qui t’en empêche en cet instant même ? dit-il.
Où vas-tu ? Durant des mois, j’ai vu des armées en marche. Où allez-vous ? Et pourquoi faire ? »

Alexandre répondit : « Je vais en Inde, Je veux conquérir le monde. »

« Et après, que feras-tu ? » demanda Diogène.

« Après, je me reposerai. »

Diogène rit encore et lui dit : « Tu es fou ! Je me repose ici et maintenant et je n’ai pas conquis le monde, je n’en vois pas la nécessité.
Si à la fin, de toute façon, tu voudras te reposer et te détendre, pourquoi ne le ferais-tu pas maintenant ?
Qui t’as dit qu’avant de te reposer, tu devais conquérir le monde ?
Je te le dis, si tu ne te reposes pas maintenant, tu ne le feras jamais. De toute manière, tu ne seras jamais capable de conquérir le monde… tu mourras en cours de route.
Tout le monde meurt au milieu du voyage. »

Alexandre assura qu’il s’en souviendrait et qu’il le remerciait beaucoup, mais que, pour le moment, il ne pouvait s’arrêter.
Et il mourut au milieu du voyage. Il ne retourna jamais chez lui, il mourut en route.

Une étrange histoire s’est transmise au cours des siècles, selon laquelle Diogène mourut aussi le même jour.
Et ils se rencontrèrent sur leur chemin vers Dieu, en traversant la rivière.

Alexandre marchait un peu en avant, lorsqu’il entendit quelqu’un derrière lui…
Il se retourna et aperçut Diogène, toujours aussi beau.
Il fut surpris et honteux. Essayant de cacher son embarras, il dit : « Ainsi, nous nous rencontrons de nouveau, l’empereur et le mendiant. »

Diogène répondit : « C’est vrai. Mais tu te méprends : tu ignores qui est le mendiant et qui est l’empereur.
Je peux affronter Dieu, car j’ai vécu ma vie totalement et m’en suis réjoui.
Mais toi, tu n’en es pas capable je le sais, car tu ne peux même pas m’affronter moi,
tu n’oses pas me regarder dans les yeux. Ta vie entière a été gaspillée. »

Perles de Sagesse histoire 45 « L’ajournement »

 

Maintenant passons aux histoires de Mulla Nasrudin, dont Osho raffolait :
Nasrudin est le personnage fétiche des soufis – une secte musulmane célèbre
, persécutée par l’orthodoxie religieuse.
Les soufis utilisent ce personnage comique pour illustrer en particulier les enseignements relatifs aux fonctionnements mécaniques et souvent absurdes du mental humain.
Depuis le moyen-âge, les histoires de Mulla Nasrudin se sont répandues dans le monde entier.


« Le silence cache souvent le singe bavard »

Un procès contre Mulla Nasruddin se déroulait au Tribunal.
La cour ne pouvait pas grand chose. Il était accusé de polygamie, d’avoir plusieurs femmes.
Tout le monde le savait, mais personne ne pouvait le prouver.

L’avocat dit à Nasruddin : « Restez silencieux, c’est tout !
si vous prononcez une seule parole, vous serez pris.
Restez simplement silencieux et je me charge de l’affaire. »

Mulla Nasruddin resta silencieux, mais tout au fond de lui, il était très agité, il bouillonnait.
Bien des fois il eut envie d’intervenir, mais il parvint à se contrôler.
a l’extérieur, il avait l’air d’un bouddha, mais à l’intérieur il était comme fou.

Le Tribunal ne put rien trouver à sa charge.Sans preuves, le magistrat ne put rien faire, même s’il savait que cet homme avait de nombreuses femmes en ville.
Il dut donc le relâcher.

Il dit : « Mulla Nasruddin, vous êtes libre.
A présent vous pouvez rentrer à la maison.

Mulla Nasruddin eut l’air étonné et s’exclama :
« Votre Honneur, laquelle ? »
En ville, il avait de nombreuses maisons, car il avait de nombreuses femmes.

« Le livre du rien, quintessence du Zen » Almasta éditions 2006

 

« N’imite personne ! »

Un jour, Mulla Nasrudin se rendit à la mosquée et s’assit.
Comme sa chemise était un peu courte,
l’homme installé derrière lui la tira pour que le Mulla soit plus décent.

Nasrudin tira immédiatement la chemise de l’homme qui se trouvait devant lui.
« Pourquoi fais-tu cela ? » demandé celui-ci.
« Je n’en sais rien répondit Nasrudin.
Demande au type derrière moi. c’est lui qui a commencé. »

Commentaire d’Osho :
« N’imite personne, ne suis personne,
sinon ta vie sera un succédané, ce qui est pire qu’un suicide.
Sois ce que tu es. »

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11 réponses à “Les drôles d’histoires d’Osho”

  1. didier dit :

    Bonjour Alain,
    Magnifique histoire que celle de Diogène et d’Alexandre.
    Elle me fait penser à cette histoire que raconte souvent Pierre Rabhi lors de ses interventions.
    Un classique. Merci pour ce partage.

    L’histoire du pêcheur et de l’homme d’affaires
    Un jour, un pêcheur se reposait tranquillement sur une plage magnifique avec sa canne à pêche plantée dans le sable et sa ligne solitaire tendue dans une eau bleue magnifique. Il se prélassait dans la chaleur de l’après-midi et attendait d’attraper un poisson.
    A ce moment là, un homme d’affaires vint sur la plage, essayant de décompresser de sa journée de travail stressante. Il remarqua alors le pêcheur assis sur la plage et décida de trouver pourquoi ce dernier pêchait au lieu d’aller travailler pour lui et sa famille.

    « Vous n’allez pas attraper beaucoup de poissons de cette manière » dit l’homme d’affaires au pêcheur « vous devriez travailler au lieu de vous reposer sur la plage ».
    Le pêcheur regarda l’homme d’affaires, sourit et lui répondit: « Et qu’est ce que j’y gagnerai? »
    « Et bien, vous pouvez utiliser de plus grands filets et attrapez plus de poissons! » répliqua l’homme d’affaires.
    « Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répondit le pêcheur, toujours souriant.
    L’homme d’affaires répondit: « Vous feriez beaucoup d’argent et vous seriez en mesure d’acheter un bateau qui résulterait par de plus grosses prises de poissons ».
    « Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répondit le pêcheur à nouveau.

    L’homme d’affaires commença à être de plus en plus irrité par la question du pêcheur.
    « Vous pouvez acheter un bateau encore plus gros, embaucher des gens qui travaillent pour vous » dit-il.
    « Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répéta le pêcheur.
    L’homme d’affaires se mit en colère « Ne comprenez-vous pas? Vous pouvez agrandir votre flotte de bateaux de pêche, parcourir le monde entier et laisser vos employés attraper du poisson pour vous! ».
    Encore une fois, le pêcheur demanda, « Et qu’est ce que j’y gagnerai? »
    L’homme d’affaires devint fou de rage et cria sur le pêcheur: « Ne comprenez vous pas que vous seriez si riche que vous n’auriez plus à travailler de votre vie! Vous pourriez alors passer le reste de votre vie assis sur la plage à regarder le coucher du soleil. Vous n’aurez plus à vous préoccuper du monde! ».
    Le pêcheur, toujours souriant, le fixa, acquiesça et dit « Et à votre avis que suis-je en train de faire maintenant? »
    Il regarda alors le coucher du soleil, avec sa ligne dans l’eau, sans se préoccuper du monde.

    • Excellent, Didier !
      avec cette foutue mondialisation, le monde est plein d’Alexandre le Grand !
      Heureusement, il y a « la Décroissance », il y a Pierre Rabhi, il y a tous les Diogène des temps actuels qui cherchent à vivre autrement…

  2. anny dit :

    Cette paix et sagesse intérieures que tout le monde recherche, au fond de nous : en parler avec humour , c’est le top.
    Notre civilisation qui cherche l’argent et la réussite à tout prix est si dure à vivre parfois, alors de tels articles nous aident. L’humour des taoïstes, de certains bouddhistes, d’autres sages est si nécessaire. On a fait une telle mode de la quête intérieure tous horizons, se retrouver soi comme il est dit plus haut et un défi de nos jours.
    Loin des cultures préformatées, de la pensée toute faite, près de la vraie sagesse naturelle qui est déposée en nous…
    Merci pour ces histoires.

    • oui anny, ces histoires donnent à la spiritualité un parfum de légèreté, d’humour, de rire voire de sourire.
      En fait, cela manque souvent à cette dimension de l’être humain, surtout quand la spiritualité devient religion, alors l’esprit de sérieux prend le dessus pour défendre ses croyances, ses rituels, ses techniques, ses protocoles, etc, etc, – et la pleine conscience, le mouvement actuel de spiritualité laïque à la mode, ne déroge pas souvent à cette funeste tendance : que de bouquins indigestes, que de protocoles ennuyeux désignés par des acronymes encore plus ennuyeux pour faire sérieux (MBCT, MBSR, etc..) et toutes ces validations scientifiques qui font bailler d’ennui…
      Au contraire, bien sûr, la spiritualité authentique ne se prend pas au sérieux, elle est désidentifiée, distanciée à ses croyances et ses expériences,
      le rire en ce domaine est la qualité suprême,
      mais là encore, pas n’importe quel rire, pas n’importe quelle joie : cela ressemble à de l’eau fraîche ou un parfum spontané qui vient du coeur et non la joie permanente à l’eau de rose de certains chantres actuels de la méditation, dont l’image standartisée ressemble à celle des présentatrices télé…
      Oui, le rire, la joie (ananda en sanscrit), mais pas n’importe quel rire, pas n’importe quelle joie.

  3. marko dit :

    Excellent :) J’aime beaucoup aussi l’histoire du pecheur et de l’homme d’affaire en echo a celle de Diogene… histoires eternelles des hommes qui se detournent dans l’agitation…
    Sur un autre theme, une histoire que j’aime beaucoup raconter est celle de Krishnamurti mettant en garde sur les dangers d’une spiritualite ‘organisee’…

    Le diable et un ami marchaient dans la rue quand ils virent devant eux un homme se baisser pour ramasser quelque chose et le mettre dans sa poche. L’ami dit au diable : ’ Qu’est ce que cet homme vient de ramasser ? ’ ’ « Un petit bout de Vérité » répondit le diable. ’ Mauvaise affaire pour vous, alors !’ remarqua l’ami. ’Oh, pas du tout’, répliqua le diable, ’ je vais l’aider à l’organiser ! ’.

    :)

    • oui marko, je connaissais cette histoire que répète souvent Krishnamurti et elle me fait penser irrésistiblement aux protocoles en 8 semaines très organisés, très structurés des stages de la pleine conscience, à la mode.
      L’éveil de la Conscience que défend Krishnamurti et Osho est spontané, imprévisible, soudain, mystérieux et joyeux,
      mais…, mais cela ne veut pas dire que comme 1ère marche d’accès à la spirituelité, comme introduction à ce monde nouveau dans une société depuis si longtemps athée ou enfermée dans des croyances religieuses, il ne faut pas quelques pratiques basées sur la discipline et la régularité.
      C’est une voie d’accès ; certes c’est le diable qui la domine, mais pourquoi pas ne pas se servir aussi du diable, quitte à le démasquer au bon moment ?

  4. François Degoul dit :

    Bonsoir Alain,
    Au message d’Anny (14 avril 2015 à 2030) vous répondez:

    « oui Anny, ces histoires donnent à la spiritualité un parfum de légèreté, d’humour, de rire voire de sourire.
    En fait, cela manque souvent à cette dimension de l’être humain, surtout quand la spiritualité devient religion, alors l’esprit de sérieux prend le dessus pour défendre ses croyances, ses rituels, ses techniques, ses protocoles, etc, etc, – »

    J’ignore, Alain, dans quelle mesure je peux poursuivre sur ce blog le débat personnel que j’ai entrouvert avec vous sur cet « esprit de sérieux » qui exclut « humour, rire, voire sourire » « pour défendre ses croyances, ses rituels, ses techniques, ses protocoles ».

    Je souhaiterais réfléchir sur les domaines de ce sérieux, ses sources, son utilité et son acceptabilité.
    Je crois, comme je vous l’ai suggéré, que cette attitude spécifique des religions a déteint dans bien d’autres domaines. L’affaire Charlie hebdo a montré que l’Etat laïc avait autant de mal à accepter humour et désacralisation que les musulmans chatouilleux. Et tous les métiers d’autorité me semblent affrontés au même défi: la police, la justice, l’enseignement, et les professions médicales auxquelles la psychothérapie est liée.

    Attention! je ne prétends pas qu’il faille rire de tout, et voudrais autant que possible ne pratiquer l’humour qu’avec amour. Je ne prétends pas non plus que tout « protocole » puisse être dénoncé sans scandale ni sans risque : Jésus et le sabbat, difficulté de pratiquer l’humour si vous êtes verbalisé…

    Par ailleurs, le bon sens peut conduire au respect sérieux et sans discussion des protocoles lorsque sont en jeu des problèmes de sécurité, ou même des risques paralysants de cafouillage et de désordre.

    Toutefois, dans notre pays de liberté d’opinion, chacun peut en théorie réfléchir sur le sens et l’utilité des différents « protocoles » qu’il observe, se comporter (en dehors des murs du temple) en libre penseur sur les protocoles religieux, être, non sans risques, un Coluche sur les « protocoles » politiques, refuser un protocole médical qui lui est proposé…

    Il me semble donc qu’un enseignant (vous l’avez été) un psy (vous l’êtes) ne perd pas son temps à s’interroger sur le degré d’adhésion que mérite son autorité et sur le degré d’humour acceptable. Un enseignant, les réactions de sa classe l’obligent à y réfléchir. Dans quelle mesure mes questions vous semblent-elles concerner également la psychothérapie?

    Si naturellement vous jugez ces propos inopportuns ici, ne les publiez pas.

    Amitiés

    François

    • Merci François de cette réflexion. J’espère qu’elle est pleine d’humour.
      Ma réponse est claire : l’humour, le rire et surtout le rire sur soi-même devrait être présent en toute circonstance et dans toutes les activités de la vie, y compris l’exercice de la psychothérapie.
      Et cela, parce que ces qualités viennent de la Conscience avec un grand C, dont la nature est la désidentification avec l’ego, ce moi, toujours sérieux car en position de survie inconsciente permanente : « l’autre en sa différence est une menace à mon système de survie, dont la dimension supérieure est le système de croyances ».
      Le paradoxe, c’est que : plus ce système de croyances est spirituel, religieux, sacré, plus l’esprit de sérieux de l’ego est fort – il n’y a pas plus sérieux que les prêtres de quelque religion soit-il.
      En psychothérapie, c’est exactement la même chose, l’ego du psychothérapeute est le plus souvent surdimensionné comme s’il appartenait à une nouvelle prêtrise de l’époque actuelle, surtout quand il se donne des cautions scientifiques – la science étant la religion dominante de l’époque.
      Deux nuances à apporter à cela :
      1 chacun est faillible, l’ego est toujours là qui guette pour s’immiscer partout, à tout moment, il suffit juste de le reconnaître en toute conscience et en toute humilité, sans culpabilité – l’autre poison de la plupart des religions.
      2 en psychothérapie, dans la palette des interventions du thérapeute pour faire prendre conscience de l’inconscience, il peut y avoir certaines pratiques prêtant à confusion : ainsi quand Diogène dit à Alexandre à des fins thérapeutiques « Pousse toi de là, tu me caches le soleil ! » est-il sérieux ou fait-il de l’humour ?
      J’ai trouvé ce matin un petit poème de R.C. Zaehner dans un écrit où il essaie de comprendre Krishnamurti et le zen.
      A la fin, n’y étant parvenu, il écrit ce petit poème pour les ridiculiser, mais aussi Krishna, Jésus et toutes les religions. et aussi lui-même.
      C’est alors qu’il parvient à l’authentique folie du zen :

      « Tralala
      toi et moi,
      moi suis toi,
      toi es moi.
      La vie est mort,
      la mort est vie,
      je suis mon mari,
      tu es ta femme.
      Nous ne sommes pas des enfants-Dieu,
      ils ne sont pas Dieu-nous,
      nous sommes heureux,
      alors pourquoi tous ces chichis ?
      Sapristi, sapristi, sapristi,
      chichis, chichis, chichis,
      Oui, c’est nous ici.

  5. François Degoul dit :

    Merci, Alain, de cette réponse bien fouillée.

    Je me retrouve souvent bien d’accord avec vous, et pas pour des broutilles.
    D’accord sur l’utilité de l’humour « dans toutes les activités de la vie, sur le risque d’enfermement dans un « système de croyances », et sur celui, pour un psy, d’un « ego surdimensionné comme s’il appartenait à une nouvelle prêtrise de l’époque actuelle ». D’accord enfin sur les deux nuances que vous apportez sur le fait que « chacune st faillible » et qu’en psychothérapie « il peut y avoir certaines pratiques prêtant à confusion ».

    Mais… ca me rappelle le « oui mais » de Giscard d’Estaing … et ce qui me semble le B-A BA d’une bonne discussion: établir les constats d’accord pour explorer plus loin.

    A propos de ma réflexion précédente, vous écrivez « j’espère qu’elle est pleine d’humour ».
    Quel était son degré d’humour? pas bien élevé, je crois. Davantage dans cet « esprit de sérieux ».

    Alors voilà.

    Je n’en veux pas à « l’esprit de sérieux », mais seulement à son mauvais usage, pas plus inversement qu’au rire, mais seulement à son mauvais usage, et dire que l’humour « devrait être présent en toute circonstance », ça me gêne un peu.

    C’est une question de cohérence avec la vie, qui se nourrit en équilibre (tao?) de pluie et de soleil.
    Le sérieux est indispensable comme le soleil. « Si pas sérieux s’abstenir », dirais-je avec humour, et devant quelqu’un qui se moque de moi, me fait miroiter monts et merveilles et m’arnaque, si je
    dis « c’est pas sérieux » et le déplore, j’assumerai parfaitement mon attitude. Le sérieux est en maintes circonstances fort appréciable, et s’il disparaît totalement sous un rire inondant tous azimuths, alors, plus de soleil, et c’est le déluge qui noie tout.

    Inversement un sérieux refusant toute remise en cause, notamment dans ce qui peut être sujet à controverse, c’est stérile comme le désert, qui a besoin d’eau comme l’humanité d’humour.

    Question: comment trouver l’équilibre? Comment choisir en chaque circonstance le niveau adapté d’humour?

    En fait, l’humour correspond déjà à un certain niveau du rire détrônant le sérieux. Moins vif que l’humour, il y a cette « légèreté » que vous appréciez chez Osho, et que, grâce à vous, je découvre dans les livres aussi sérieux que Bible et Coran. Plus vif que l’humour il y a la moquerie, l’ironie, le sarcasme, qui peut être aussi blessant que l’injure. Et à l’extrême, quand on veut porter un coup fatal au sérieux de l’autre, c’est la guerre.

    Jusqu’où aller? Où s’arrêter?
    Très instructif me semble le conflit de la famille Le Pen. J’approuve la fille d’avoir reproché à son père un humour excessif à l’égard des chambres à gaz. Cet humour dénote un manque de respect flagrant à l’égard d’une souffrance pour laquelle il n’y a pas de mots.

    Je n’approuve pas Charlie Hebdo d’avoir voulu ignorer la souffrance de certains musulmans devant la caricature de leur prophète, ça me semble un excès d’humour. Je n’approuve pas non plus la République française de manquer d’humour quand elle brandit des valeurs … qu’elle ne respecte
    pas toujours.

    Le sérieux, là je vous suis bien, correspond à une « position de survie ».
    Mais la vie est ainsi faite.
    On se sent bien souvent « en position de survie », et plus c’est dur et moins on est prêt à accepter l’humour. Je ne veux pas me situer dans le déni de cette réalité, mais dans la recherche tâtonnante et risquée du meilleur équilibre en toute circonstance entre respect compatissant de la souffrance et remise en cause d’un sérieux excessif et ou ridicule.

    Bon, je rigole un peu de mon côté donneur de leçons, et j’arrête.
    A +

    François

    François

    • Bon jour François,
      ce que vous dites là me semble teinté du sceau du bon sens et je ne peux qu’y adhérer. C’est la voie du juste milieu, de la mesure et du discernement – des qualités importantes de la Conscience – : pas trop de sérieux, pas trop de rire et d’humour, pas de démesure ni d’hubris, la justesse.
      J’ai juste envie d’ajouter une certaine distanciation, une non-identification aux propos, aux pensées et aux actes, ce qui pourrait plutôt se traduire par une sorte de sourire intérieur, une détente profonde par rapport à toutes les manifestations de la vie.
      Pour illustrer cela, j’aime bien cette histoire que rapporte encore Osho :
      « Quelqu’un demanda un jour au maître zen Lin Chi :
      – Racontez-nous comment ça s’est passé après que vous ayez atteint l’éveil.
      Lin Chi répondit en souriant :
      – Avant l’éveil j’étais malheureux. Depuis que l’éveil m’est advenu, je suis toujours malheureux. »
      Vous n’auriez pas une drôle d’histoire à nous raconter François ?

  6. François Degoul dit :

    Bon, allez, je ressors une anecdote biblique où l’humour d’une femme résout un conflit de famille en dégonflant un esprit de sérieux et un système de croyances redoutables.

    L’histoire de Jacob fourmille de rivalités familiales assaisonnées de mensonges plus ou moins subtils.
    Jacob part chez son oncle, Laban, frère de Rébecca, sa mère.

    Il s’y éprend de Rachel, fille de Laban, et donc sa cousine. Laban finit par la lui laisser en mariage, mais après avoir exploité sa passion pour en tirer tout le profit possible par quelques crasses, la première étant, au soir des noces, d’avoir à la nuit tombée placé dans le lit conjugal l’aînée, Léa, pas bien jolie, au lieu de Rachel. Pour Rachel, ça attendra.

    Bien sûr Jacob n’est pas né de la dernière pluie. Il est chargé des troupeaux de Laban et ses connaissances sur la sexualité des bêtes lui permettent de passer avec son oncle, moins expert, un contrat de partage qui en quelques années lui laissera en toute propriété un bétail considérable. Voilà un capital!

    Léa, Rachel, Jacob, tous se disent que désormais on n’a plus besoin de ce casse-pied de vieux Laban pour entretenir la petite descendance, et ils s’en vont sans prévenir, Rachel emportant en secret les dieux du foyer, de petites statuettes.

    Colère de Laban au réveil. Il poursuit les fuyards et les rejoint. Il accuse, et Jacob répond, outré: « Celui chez qui tu trouveras tes dieux perdra la vie ».

    Laban fait fouiller de fond en comble la tente de Jacob. Rien.
    Idem la tente de Léa, rien.
    Il arrive chez Rachel. D’emblée celle-ci, encore assise sur le bât de son chameau, s’excuse de ne pas descendre saluer son père: « Que mon seigneur ne m’en veuille pas si je ne puis me lever devant toi, car j’ai ce qui arrive aux femmes ».

    Laban procède aux fouilles de la tente. Rien.
    Jacob a beau jeu, alors, de l’inviter, plutôt que de chercher de vaines querelles, à conclure une alliance, et tout le monde repart en paix chacun dans sa direction.

    Où étaient les statuettes? vous l’avez deviné sans doute, sinon la réponse est dans la Bible au livre de Genèse, chapitre 31 verset 34.

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