Pendant la vacance, souvent, loin de ma pensée, fut ce blog,
j’étais trop absorbé par la contemplation de la nature,
et surtout recevoir cette lumière d’un ciel incroyablement bleu,
comme si les esprits, là-haut, avaient décidé de nous arroser copieusement de toute leur énergie lumineuse,
afin de nous faire comprendre quelque chose d’important,
peut-être du style :
Il est grand temps, les amis, de vous réveiller maintenant,
de vous émerveiller au spectacle de la nature en son incroyable beauté.
Fini le temps de la prédation généralisée,
fini ce combat perdu d’avance pour vous approprier sauvagement les richesses de la terre afin d’honorer le dieu Argent,
finie cette consommation éhontée des objets trop vite obsolètes, que l’on jette en déchets ingérables,
fini, d’un côté toute cette misère, et de l’autre l’arrogance des nantis,
c’est le moment maintenant de changer de point de vue,
inutile de courir, de vous agiter, de préparer la guerre,
il vous est juste demandé la croissance spirituelle
et son corollaire : la décroissance matérielle,
afin de partager entre vous le nécessaire.
Je ne sais pas si le message est passé,
en tout cas ce fut un bien bel été…
Par un paradoxe étrange, le seul devoir d’écriture pour lequel je me suis engagé,
fut de rédiger un article sur « le travail », pour le dossier du magazine Santé Intégrative consacré à ce sujet.
Il s’agissait donc de remplir les quelques moments de disponibilité entre deux promenades,
pour travailler à écrire un article sur le travail,
– avec une contrainte infernale pour moi : pas plus de deux pages.
Comme je n’ai jamais porté le travail au pinacle,
et que je suis plutôt un admirateur de Paul Lafarge et son célèbre « Le droit à la paresse »,
j’ai commencé par appeler mon article « La malédiction du travail »,
puis pris d’un soudain remord ou d’un reste de culpabilité latente,
c’est devenu : « Malédiction du travail ? »
Avec ce point d’interrogation qui est en fait une ouverture à la réflexion collective.
1. Est-ce qu’il y a une malédiction du travail ?
Quand on songe à son étymologie, il y a de quoi être perplexe ; il faut toujours se méfier du pouvoir des mots… Savez-vous que celle-ci fait référence à un instrument de torture venant du bas latin « tripaliare », signifiant « tourmenter, torturer avec le trepalium », et que le tripalium était une sorte de lance utilisée par les romains, munie de trois pieux comme un trident, pour fouiller et triturer les entrailles de leurs victimes…
Sommes-nous débarassés de cette torture ? Le travail ne continue-t-il pas à nous « fouiller cruellement les entrailles », quand partout on entend actuellement parler du « stress au travail » et sa kyrielle de maux, de maladies et de drames ?
2. La malédiction vient de très loin, elle vient du fond des âges :
hormis le paradis originel, l’Eden, où il suffisait juste de cueillir les fruits du verger divin, sans aucun effort, et à satiété, hormis à l’origine de l’histoire humaine, quelques tribus de chasseurs-cueilleurs en osmose avec la nature, jouissant au gré du nomadisme de la générosité de la terre, le travail a frappé dur, très tôt, de son « pieu » implacable. Dès que les sédentaires du néolithique inventèrent l’agriculture et commencèrent à travailler les métaux, il y a environs 10 000 ans, la torture des travaux de la terre et de la mine, fait son apparition, pour épuiser une multitude d’esclaves, souvent des prisonniers de guerre, corvéables à merci, jusqu’à ce que maladies et mort s’ensuivent.
3. De l’antiquité jusqu’au moyen-âge, le mauvais pli est pris,
la malédiction bat son plein, la société est divisée en deux ; d’un côté, l’immense majorité des travailleurs que l’on nomme esclaves puis serfs, soumis à la sempiternelle torture exténuante et misérable, de l’autre, les nantis exemptés du travail, car profitant de celui des autres. Il ya les politiques, rois et empereurs, le plus souvent entourés d’une cour adonnée à l’oisiveté et ses divertissements variés, il y a les prêtres qui légitiment cette situation par leurs discours consolateurs sur l’au-delà, il y a les guerriers, qui mènent à intervalle régulière, la guerre, comme une activité sportive, distrayante. Le travail est donc honni par tout le monde, déshonorant, pire qu’une malédiction, c’est une calamité.
4. Malgré les multiples révoltes des esclaves et des serfs,
malgré la nouvelle vision positive des marchands du 16e siècle, prônant le travail comme une activité intéressante, permettant d’engranger l’argent, malgré la révolution française qui a fait tâche d’huile au 18e siècle, pour réclamer les droits et la dignité de tous les hommes, c’est à dire essentiellement des travailleurs, le 19e siècle, avec l’industrialisation de l’économie et l’entassement des prolétaires dans des banlieues putrides, semble continuer « allégrement » la malédiction. Tout cela, parfaitement décrit dans les romans de Dickens ou de Zola, va servir de ferment aux révolutions prolétariennes , où, curieusement le travail salarié devient valorisé comme un moyen d’émancipation et d’accès au bonheur.
5. Cette valorisation nouvelle du travail propre à la modernité,
va battre en brèche la vieille malédiction : non seulement le travail permet par sa rétribution, une satisfaction de plus en plus grande des besoins essentiels, mais surtout il apporte un sens primordial à la vie, celui de se rendre utile à la société et d’appartenir à un réseau social. La malédiction devient alors de se retrouver sans travail, au chômage, là où on est le plus vulnérable à tous les maux physiques et psychiques. Et la libération de la femme, plus tard, ne s’y trompera pas, qui exigera comme une priorité, l’accès au monde du travail, à égalité avec l’homme.
6. Lentement, très lentement, le 20e siècle, à force de guerres et de luttes sociales,
apporte aménagements et protections au travail : les droits de se réunir, de revendiquer, de manifester, de s’exprimer, l’abaissement et la limite du temps de travail, les assurances maladies, la retraite, les congés payés, sans parler des mouvements de libération coloniales.
Ce sont sans doute les congés payés en 1936, qui entament le plus la malédiction, car ils apportent enfin aux travailleurs, le droit de ne rien faire, le droit de se reposer, de découvrir les joies du divertissement, des loisirs, cette liberté jadis réservée à l’infime minorité des nantis. Tout cela n’est sans doute pas sans rapport avec l’allongement de la durée de vie.
7. On pourrait croire….
…que ce mouvement de libéralisation progressive du travail a continué de manière harmonieuse sa courbe ascendante. Or, curieusement, il n’en est rien, la malédiction semble toujours être là ; pire, depuis les années 80, avec le néo-libéralisme économique, elle semble reprendre de la vigueur, en alimentant un des sujets les plus préoccupants de l’actualité : « le stress au travail » accusé d’être le grand fauteur de troubles, le facteur premier de toutes les maladies importantes de l’époque : cancers et maladies cardio-vasculaires, maladies auto-immunes, dépressions et angoisses, suicides jusqu’à l’immolation par le feu, fatigues et douleurs chroniques, addictions aux drogues, violences et criminalité, etc, etc…
8. Le travail ne peut-il donc s’arracher à sa malédiction ancienne ?
Toutes les hypothèses sont permises, les réflexions sont nombreuses et variées, mais il y a une théorie qui emporte ma faveur, elle est développée par Martine Laval dans son livre « N’écoutez pas votre cerveau, comment rester sain dans un monde malade. » (voir article dans Santé Intégrative n°17). On pourrait la résumer ainsi : l’être humain vit toujours en ce qui concerne le fonctionnement de son cerveau, à l’âge du néolithique ; il n’a pas encore commencé l’histoire évolutive de sa conscience. Aussi, la prédation généralisée, le combat de tous contre tous et de tous contre la nature, avec pour terrain de prédilection le travail, continuent-ils leurs dégâts. L’oligarchie financière actuelle qui domine le monde, ne déroge pas à cette loi maudite, qui consiste à maintenir les deux tiers de l’humanité dans la misère d’un nouvel esclavage, dont on n’a pas fini de mesurer l’inacceptable.
9. Alors, pour une réelle sortie du travail hors de sa malédiction, beaucoup attendent une mutation de la conscience humaine.
Elle est annoncée régulièrement depuis longtemps ; il y a même quelques sages et maîtres spirituels à toutes les époques, qui tentent parfois d’en être le vivant exemple : Bouddha, Jésus, Lao-tseu, etc, etc… mais comme diraient les astrophysiciens, ce sont de minuscules points de lumière, des étoiles perdues dans un immense espace de matière noire, matière dont on ne comprend pas très bien la raison d’être et la présence insistante.
10. Pour ne pas perdre espoir, il est permis de temps en temps de rêver,
rêver d’un travail délivré de sa malédiction.
En exergue, deux belles citations inspirantes : « Toute activité doit culminer dans le repos absolu de la contemplation » Hannah Arendt La condition de l’homme moderne. « Le travail est l’amour rendu visible. » Khalil Gibran Le prophète.
Cela se passe dans un futur indéterminé. Pour tout le monde sans exception, il est demandé une journée par semaine de travail partagé, rémunérée de la même manière pour tous, afin de subvenir aux besoins élémentaires. Ce travail de partage est consacré aux tâches les plus difficiles, autrefois réservés aux esclaves anciens et modernes. Solidarité, coopération, entraide, fraternité sont au rendez-vous, pour laver la malédiction ancienne de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Toutes les autres activités sont libres et non rémunérées, hors du pouvoir de l’argent qui fut pendant si longtemps, le grand poison.
Il y a d’abord les activités de Service aux autres, comme par exemple celles relatives à la santé, elles sont faites bénévolement, par altruisme, amour et compassion, pour la seule motivation de réaliser le Bien dans ce monde.
Il y a ensuite, toutes les activités de Création, surtout celles en relation avec l’Art ; elles sont faites bénévolement, pour la seule motivation de participer à la Beauté du monde.
Enfin, il y a toutes les activités relatives à la Connaissance et à sa transmission éducative, dans tous les domaines, sans exclusive. Toutes ces activités sont faites bénévolement, en accès libre pour tous, pour la seule motivation de participer à la Vérité du monde.
Il n’est plus la peine, dès lors, d’employer ce vieux mot de travail trop chargé de mauvais souvenirs, il faut en inventer un autre, « activité évolutive de la conscience », par exemple, selon la tripartition immémoriale d’origine platonicienne du Bien, du Beau et du Vrai.
Inutile alors d’ajouter que la santé de chacun est florissante, nourrie par le bonheur de l’épanouissement personnel et d’être utile aux autres.
Tags : conscience, economie, evolution, rêve, santé, sociologie, stress
Je vous trouve courageux, Alain d’avoir produit cette riche synthèse au retour de vacances.
J’y ajouterai simplement deux correctifs historiques et une question pratique.
Correctifs :
1) Paul Lafargue (pas « Lafarge »).
2) Point 6: l’aménagement du travail n’a pas attendu le XXème siècle. En France ça commence avec le souci de la santé publique minée par le travail des enfants; la loi de 1841 limite celui-ci.
En partie dans le même esprit, la loi de 1892 interdit le travail de nuit des femmes et limite à 10h la journée de travail.
Et puis un certain esprit de philanthropie ouvrière conduit Napoléon trois à donner le droit de grève (1864) et à créer les inspecteurs du travail. Enfin en 1884, le parti « opportuniste » reconnaît le droit syndical dans un esprit de modération des conflits.
Maintenant, question pratique:
concernant votre point dix, la belle utopie de la journée salariée pour tous, ça vient de H. Arendt ou de Gibran?
Et ça renvoie à une question qui pourrait constituer une nouvelle entrée: l’utopie.
L’utopie, est-ce le non réalisé ou le non réalisable?
Les utopies hugoliennes de l’aéroplane et de l’Europe ne sont pas restées que des utopies.
Mais, si l’on admet l’intérêt propulsant des utopies et leur réalisme à long terme,
alors, quelles voies concrètes pour aller patiemment vers le monde utopique dont nous rêvons, changement qui suppose à la fois élévation de la conscience et expérimentations à petite échelle, encouragées ou non par la loi?
Mais tenter de répondre, ce serait déjà élabore l’ajout d’un article 11 à votre propos, ajout sans doute prématuré tant que le propos lui-même n’ a pas été accueilli.
Beau texte…
merci François pour vos judicieux compléments d’indormations. C’est vrai, la libération du travail a commencé au 19e siècle, et même au moyen âge, il peut y avoir des confréries, des compagnonnages, où le travail ne soit pas une malédiction – idem pour certains monastères avec le travail des moines.
On pourrait dire que le travail sans malédiction, c’est l’utopie sous-jacente qui de temps en temps s’actualise.
Car pour moi, vous l’avez deviné, l’utopie est nécessaire pour l’être humain, qu’elle soit réalisable ou pas , là n’est pas la question. L’utopie est du domaine du rêve et le rêve est vital pour l’être humain dans sa dynamique évolutive. Pas de rêve, c’est comme la mort, l’être humain est transformé en une machine ; et c’est un peu ce que certains essaient de faire en ce moment : l’être humain, comme un rouage d’un vaste Système économique comptable, sans rêve possible.
L’utopie en tant qu’une modalité du rêve, demande à s’incarner, à se réaliser ; par contre cette réalisation peut être différente du rêve original dans son adaptation à la réalité.
Les deux ingrédients de base du rêve ou de l’utopie d’un travail libéré de sa malédiction, ce sont le Sens et toutes les modalités de l’Amour dans son expression collective (coopération, altruisme, compassion, etc). En ce sens, pour être christique, peut-être que l’Amour est l’utopie de l’être humain…et c’est dans le travail qu’elle peut se manifester le mieux, de manière collective.
Puisque Catherine B a compris ce que je voulais dire, je peux participer à ce thème.
Pour moi, le travail est d’abord une discipline. Comme les alchimistes médiévaux je cherche et tout m’a servi à me construire. J’ai mis excessivement longtemps à comprendre l’utilité de toutes ces exigences (parentales, scolaires, professionnels, sociétales, etc.) jusqu’à ce que je finisse par comprendre que même l’institution justice(conventions arbitraires) faisait partie de l’éducation de l’être humain. Je ne participe pas à ce monde qui a des apparences de valeurs, par contre je suis reconnaissante d’être née ici et maintenant. Le travail doit nous construire et si les priorités sont bien choisies, alors vous trouverez comme moi, à quoi la vie a voulu vous appeler lorsqu’elle vous a demandé de venir parmi nous. Oui, chaque être humain est indispensable et nécessaire, même si sa façon de s’exprimer vous semble étrange. Il nous appartient de chercher quel projet la Providence souhaitait que nous habitions.
Dans le code du travail précédent, le travail était défini comme « activité rémunérée » Je crois que c’est La bombe qui m’a enfantée.
Je travaillais déjà depuis plus de 15 ans et j’avais dû donner ma démission déjà 3 fois (pour cas de conscience qui n’était absolument pas compris) et voilà que je découvre dans quel mépris l’être humain est tenu. Bien sûr j’ai alerté les syndicalistes, les juristes et les politiciens. Les mères de famille, les bénévoles, les militants….. à la trappe. Ces élus et juristes n’ont jamais non plus essayé de donner une autre définition au travail. Ils ont préféré retirer la définition du code et parler de salariés et d’emploi. Ainsi, c’est clair, il y a bien 2 catégories dans la société « active » au bénéfice de l’argent : les dominants et les dominés.
Je remercie Alain Gourhant de nous offrir la possibilité de réfléchir à cette forme de participation au développement de la société reconnue par les pouvoirs publics.
Le travail vu par les pouvoirs publics sert l’économie.
Or qu’est-ce que l’économie sinon un système d’échanges entre tous les organes, satisfaisant les besoins vitaux de l’organisme tout entier. C’est la caractéristique du vivant d’intégrer, de se développer, de se complexifier toujours plus et d’être capable de se réparer par résilience.
Dans l’économie des pouvoirs publics (donc de l’État), nous assistons non seulement à un pillage (des ressources tant intellectuelle, savoir-faire, connaissance, technique et technologique, tout ce qui faisait notre joie et fierté d’être humain) mais aussi à l’exclusion des humains (grâce aux robots). En effet, ce qui est vivant ne peut être amorti, il faut penser à le rémunérer au lieu de le racheter grâce aux sommes réservées à l’amortissement. Si il était possible de se passer des humains ce serait tout bénéfice pour l’entreprise.
Je me souviens d’une entreprise créée dans les années 90 qui occupait une très grande surface au sol mais n’avait que 2 salariés, le patron et la secrétaire. Tout était complètement robotisé.
Ah! Anne Marie!
Ces histoires d’hommes à remplacer par les robots, si ça se passait seulement dans « l’économie des pouvoirs publics (donc de l’Etat) »!
Il suffirait de faire la Révolution pour changer d’Etat.
Mais on le voit, dans lemonde, les révolutions ça ne marche pas.
Et d’ailleurs votre exemple final, le patron, c’était l’Etat? apparemment pas!
Le patron, c’était bien « le patron » salarié, un être de chair et et d’os, un être humain comme vous et moi, un être qui n’avait pas, ou pas assez compris que le bonheur ce n’est pas l’argent.
Si l’on veut se rebeller contre le réel, je ne vois pas comment éviter de voir la réalité: la politique, l’économie ne sont ce qu’elles sont que parce que chacun des êtres humains, obligés par la vie de vivre ensemble, a fait ses choix, les choix de certains ayant plus d’impact, mais supposant toujours l’appui d’autres.
C’est pourquoi ma façon de me rebeller, c’est plutôt de chercher à vivre, à mettre en place, à mettre à la mode des façons de vivre et de communiquer meilleures que celles qu’il est toujours facile de critiquer, en espérant que ça fera tache d’huile.
Alors questions fric et travail, si nous proposions du concret?
Pour moi, dans la vie, je fais du concret, mais je préfère ne pas en dire plus ici pour cesser d’envahir ce blog riche d’autres esprits que le mien ou le vôtre.
Bonjour,
J’émerge justement d’un assez long travail pédagogique pour mes petites filles. Entre temps, François m’a coupé l’herbe sous le pied pour ce que j’avais à dire sur la partie historique. Tant pis.
Je trouve votre réflexion sur le travail un peu trop pessimiste. Le travail est-il une malédiction? Oui pour beaucoup; non pour d’autres. On retrouve là l’ambivalence, faut-il dire la dualité, de tout ce que fait l’homme.
N’oublions pas d’abord que ce concept de malédiction par le travail est un concept judéo-chrétien qui remonte à la Genèse. Dans les autres civilisations, les hommes ont certes souffert par le travail, mais le ressentaient-ils de la même manière que nous ?
Oui il y a beaucoup d’êtres humains qui sont écrasés par le travail, en particulier les enfants des pays du tiers-monde qui de ce fait, ne peuvent recevoir une éducation qui leur permettrait d’échapper à leur condition de sous-prolétaires.
Mais il y a aussi beaucoup d’hommes qui aiment leur travail, qui peuvent s’y épanouir. J’en connais, des hommes et des femmes bien entendu. Ce ne sont pas forcément ceux ou celles qui ont des postes de direction; mais des gens qui sont passionnés par ce qu’ils font et à qui on offre les moyens de le faire bien. Car il me semble que tout est question de moyens matériels. Un exemple: rien de plus noble que le métier d’infirmière; elles sont en général passionnées par leur travail et pleines de dévouement; mais les conditions dans lesquelles elles exercent leur métier, aussi bien dans les institutions qu’en libéral, rend ent leur travail très pénible à cause de la surcharge.
Sur un autre plan, on peut se demander pourquoi tant de retraités continuent à s’activer. De nombreuses associations ne tiennent que grâce à leur dévouement. Désir d’éviter l’ennui, désir de garder du lien social, désir de se rendre utile ou de pratiquer des activités qu’ils n’ont pu faire lorsqu’ils travaillaient, désir de se valoriser ? Tout cela se mêle bien entendu, à des degrés divers selon les individus. Il est reconnu que les personnes qui continuent, dans les limites de leurs moyens physiques, à exercer des activités, vieillissent moins vite que les autres. N’est-ce pas la preuve que le travail est utile à l’homme et que c’est l’excès qui est nocif ? D’ailleurs, ces activités des retraités, ou des bénévoles plus jeunes, ne sont-elles pas une esquisse de votre rêve final ?
Un ami vient de m’envoyer cet article qu’il a trouvé il y a quelques années sur internet et dont il ne se souvient plus de la source exacte. Néanmoins, j’ai envie de le publier comme une illustration du travail malédiction, venant volontiers prendre sa place auprès du « Droit à la paresse » de Paul Lafargue :
« Oisiveté, mère de vertu
L’oisiveté a mauvaise réputation. Elle est communément considérée comme « la mère de tous les vices », alors que le travail qui, au siècle dernier, était tenu pour un devoir – et qui est en passe maintenant de devenir un droit – est, si l’on en croit la Bible, le châtiment du péché originel. Ce qu’on a, même chez les catholiques, un peu tendance à oublier.
L’oisiveté n’est pas la paresse. Je dirais même qu’elle en est le contraire.
L’oisif n’est pas ce roi fainéant auquel le moindre effort, physique ou intellectuel, serait insupportable et dont l’état, à la fois naturel et idéal, est l’indolence.
C’est un homme qui occupe chaque instant de ses jours avec un grand souci de mesure et d’équilibre, passant de la méditation à la lecture et de la lecture au commerce de ses semblables, en sorte que son temps se partage équitablement entre les plaisirs et les exercices intellectuels.
L’obligation de gagner son pain « à la sueur de son front », à laquelle à notre époque les femmes elles-mêmes n’échappent pas toujours, ne laisse pas le loisir de s’enrichir l’esprit, de se pencher sur soi-même et de cultiver ces arts si justement appelés « d’agrément », parce qu’ils contribuent, plus que le labeur, à rendre l’existence agréable.
Mais déjà, sous l’Ancien Régime, celui qui voulait demeurer un être libre, avait besoin de ce courage que les gentilshommes déployaient plus volontiers sur le champ de bataille que dans l’intime de leur conscience.
Le premier moraliste du Grand Siècle lui a, dans ses Caractères, rendu un juste hommage.
La véritable noblesse : ne rien faire…
« Il faut en France, écrit-il, beaucoup de fermeté et une grande étendue
d’esprit pour se passer des charges et des emplois et consentir ainsi à demeurer
chez soi à ne rien faire. »
Et, après cette allusion à la phrase fameuse de Pascal sur la principale cause
du malheur de l’homme, La Bruyère poursuit, non sans humour : « Il ne manque à l’oisiveté du Sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, écrire et être tranquille s’appelât travailler.. Le chevalier de Méré qui enseigna l’esprit de finesse au penseur doté
seulement de l’esprit de géométrie, avait déjà formulé ce commandement :
« A le bien penser, un honnête homme n’a pas de métier » »
En même temps, je souscris volontiers aux remarques de Claudine sur la positivité possible du travail et que celle-ci est proportionnelle au sens qu’une personne peut lui donner.
Le problème intervient quand le sens du travail est accaparé ou dévoyé par un certain nombre d’ hommes qui ont le pouvoir économique et politique. Ainsi, actuellement, le sens de vouloir faire toujours plus d’argent avec le travail des autres, colore le travail d’une sorte d’absurdité, de non-sens, qui lui enlève son sens véritable de se sentir utile aux autres et à soi-même.
Je viens de trouver dans Le Monde Télévisions de cette semaine un autre aspect du travail. Dans le compte rendu d’une émission qui passe actuellement sur France-Culture, « Les Pieds sur terre », qui fait parler le personnel du collège Paul-Verlaine de Lille, il est fait mention de Nadia, la « dame de cantine »; cette pêrsonne a eu une vie difficile et un travail peu gratifiant jusque là. Mais voici ce qu’elle dit à propos de son travail actuel parmi les enfants du collège « qu’elle aime comme s’ils étaient les siens »:
« Moi…. je n’aime pas travailler avec des gens lents, ou qui ont toujours le cafard. Moi aussi j’ai le cafard, et alors ? Heureusement que j’ai mon boulot, sinon… Je pense que je ne serais plus là, tu vois »
Le travail comme soutien psychologique donc, même dans des métiers que l’on pourrait juger peu gratifiants. C’est un aspect positif de la chose. Mais le gros problème pour ces personnes se posera lorsqu’ils perdront ce travail, par le chômage ou la mise à la retraite. Souhaitons à Nadia de trouver un autre dérivatif à son « cafard » quand la retraite se présentera.
On ne peut pas se reposer encore, ce sera pour plus tard le repos. En attendant, il nous faut travailler. Travailler à collaborer aux forces qui veulent s’adjoindre pour construire de l’amour. Un je n’annule pas le nous commun-autaire et un nous commun-autaire qui n’annule pas le je. Y’a du boulot, retroussons-nous les manches… Plein d’ouverture j’espère à ce mouvement vital par excellence à mon sens. Amis, unir ce qui nous unit est plus important que ce qui nous désunit.
Merci Catherine ! Oui, aimer de façon très prosaïque, c’est à dire aider, encourager, offrir son aide, apporter son soutien, ses connaissances, son sourire, sa reconnaissance, il y a tant de façons de se dépasser pour montrer sa confiance, son enthousiasme. C’est à ce moment là que l’on devient non seulement acteur mais sujet, je crois qu’on appelle ça l’individuation. On devient unique et universel. C’est ça le travail de l’être humain
Merci de faire allusion, Catherine et Anne-Marie, à ce qu’on pourrait appeler le travail intérieur, c’est à dire ce long travail évolutif de la Conscience humaine vers toujours plus d’Unité et d’Amour, à partir du point de départ assez catastrophique de la prédation généralisée du primate.
Le travail extérieur, au sens classique, de cette activité collective en principe utile à tous, est certainement le champ privilégié d’expérimentation de ce travail intérieur, entre le primate – la sempiternelle exploitation de l’homme par l’homme – et l’émergence de la Conscience/Amour – toutes les expériences alternatives de coopération, d’entraide et de partage des ressources.
Rassembler, remembrer(se souvenir) relève du travail intérieur :http://www.inrees.com/videos/240/
Merci à toutes et tous d’avoir partagé votre réflexion sur les questions suivantes:
1) l’évolution possible du travail, à partir du triste monde actuel (Anne-Marie 13 sept.) par ex. par « l’utopie », et les « expériences alternatives »: (Alain 11 et 20 sept.),
2) les aspects humanisants du travail (Claudine 16 sept.),
3) la mise en valeur du travail librement choisi (Claudine 14 sept.),
4) en particulier, la mise en valeur du « travail intérieur » « vers toujours plus d’Unité et d’amour » (Alain, Anne-Marie et Catherine 18 au 20 sept.).
Une cinquième question me semble à poser clairement: celle de l’équilibre à trouver dans son temps libre entre repos et travail librement choisi.
Cette problématique est suggérée par Alain dans sa définition valorisante de l’oisif (16 sept.): « C’est un homme qui occupe chaque instant de ses jours avec un grand souci de mesure et d’équilibre, passant de la méditation à la lecture et de la lecture au commerce de ses semblables, en sorte que son temps se partage équitablement entre les plaisirs et les exercices intellectuels. »
Voilà une définition qui m’évoque les mots « sagesse », « humanisme », « honnête homme », voire « épicurisme » au sens noble du mot. Exemple, Montaigne.
Mais à cette forme d’idéal semble s’opposer celui défini par Catherine le 18 septembre :
« On ne peut pas se reposer encore, ce sera pour plus tard le repos. En attendant, il nous faut travailler. Travailler à collaborer aux forces qui veulent s’adjoindre pour construire de l’amour (…) Y’a du boulot, retroussons-nous les manches… ».
Alors ? renoncer au repos?
Faut-il dans ce cas parler d' »activisme »? non, car ce mot évoque une perte d’intériorité sans rapport avec l’idée de Catherine, centrée au contraire sur cette intériorité.
Faut-il parler d' »héroïsme », le héros se sacrifiant à sa cause? Dans les propos de Catherine, se manifeste bien un sacrifice du repos personnel.
Cette problématique entre sagesse et héroïsme me travaille beaucoup.
D’un côté, par nature, je suis plutôt un sage. Mais d’un autre côté, avec l’âge, je prends conscience d’une certaine urgence dans le « travail » libre qui m’attend, parce que je vieillis, parce qu’avec l’âge j’ai pris conscience que le monde va mal, et parce que je sens bien que la vie heureuse, sans « ennui » (Claudine 16 septembre) suppose le bien-être spirituel de la tâche accomplie.
Inversement, à trop se priver de repos, on craque, devient irascible, hautain, et aussi, pour moi, inefficace et néfaste en multipliant lapsus, oublis et maladresses.
Se reposer, je vous le dis, Catherine, m’apparaît donc comme un devoir.
Mon juste milieu, c’est plutôt de ne jamais oublier cette urgence de la tâche (Catherine), mais en même temps en m’accordant sans regret tout le temps que mon fragile organisme me demande pour son repos, voire un minimum de « loisir » permettant de garder l’équilibre.
Ma sagesse n’oublie pas que le héros a aussi la sienne, même si, pour ma part, je ne me sens pas la santé pour le suivre sans réserve.
Bonne synthèse François, et vous avez raison de souligner la question du loisir, du temps libre, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, où le fait de se reposer, de ne rien faire, ou de s’adonner à des activités à première vue absolument inutiles, comme par exemple une activité artistique, apporte un ressourcement nécessaire, au sens profond de ce terme – retrouver la Source.
Et ce n’est pas seulement dans le travail, en tant qu’activité collective, que l’on construit l’amour, dans une sorte d’abnégation ou de sacrifice de soi-même, comme Catherine semble vouloir nous le dire ;
il me semble que la sagesse, dont l’amour est une composante, se construit aussi dans la solitude des retraites répétées, et dans toutes les activités que l’on nomme actuellement improprement « développement personnel », comme la méditation, le qi gong, le yoga, etc…
Le seul problème des loisirs, c’est que cela est devenu un temps dévoyé, récupéré par la société marchande de consommation, où il s’agir seulement de se distraire, c’est à dire de s’échapper, de fuir, de s’oublier, ainsi que l’autre, ainsi que l’état de ce monde. Cette fausse idée des loisirs doit être dénoncée et combattue, il me semble.
Salut Alain,
Saint Chronicité, priez pour nous !… Dans Le Journal Intégral, je viens de publier en Août, dans une série intitulée L’esprit de vacance, trois billets sur « La sortie de l’économie » qui évoque la centralité du travail dans notre société : L’art de ne rien faire. Se libérer de l’horreur économique. La Cigale et la Fourmi.
Dans le cadre de cette réflexion sur le travail, je te conseille le petit livre passionnant de Vincent Liegey and co intitulé Manifeste pour une dotation inconditionnelle d’Autonomie. Un projet de décroissance paru aux éditions Utopia… Il donne plusieurs conférences à Paris ces jours-ci dont tu trouveras le programme ici : http://www.projet-decroissance.net/
Bonne rentrée paresseuse !…
Merci Olivier pour ces infos et allons tous voir ton Journal Intégral pour l’Esprit de Vacance, qu’il s’agit de garder tout le temps, car tu as raison : la Décroissance nécessaire à laquelle je crois moi aussi, implique entre autre de travailler moins ou de travailler autrement, en dehors des diktats de la société de consommation – exploitation de l’homme par l’homme qui continue sa vertigineuse course en avant vers ce qui apparait de plus en plus comme une impasse, voire une abyme collective et planétaire.
Travailler moins, produire moins, consommer moins, cela veut s’adonner à des activités de croissance intérieure, personnelle et transpersonnelle qui ont à voir avec cette vertueuse oisiveté, dont parle le texte précédent, qu’un ami m’a envoyé (16 sept 19h 40).
Je réponds un peu à chaud et sans avoir bien lu. Le travail à faire, c’est aussi de rester en bonne santé et donc le repos et le « rien » faire fait bien sûr partie du programme car il permet l’ardeur pour le reste. Un juste dosage en somme, ni trop, ni trop peu comme d’habitude, non?
D’ailleurs, travailler n’est pas un gros mot. Il n’est un gros mot que lorsqu’il nous fait perdre le sens de notre destinée d’homme. La pâte qui monte pour faire le pain, ne dit-on pas qu’on la laisse travailler, c’est à dire qu’on la laisse monter tranquillement dans les conditions qui offrent les meilleures chances pour que le levain fasse son travail!
Le travail c’est de travailler à faire de l’espace pour que l’invisible, l’indicible, le non-audible, le non-contactable soit soudainement un tout petit plus visible, un tout petit peu plus audible, un tout petit peu plus contactable et alors il y a comme une vibration parce qu’il y a de l’espace comme on construit une caisse de résonance, le coeur se met à battre et alors nous nous sentons, je me sens, plus vivante, plus vibrante, plus vulnérable, ne trouvez-vous pas que les phénomènes n’apparaissent que là, dans cet espace-là, cet espace sacré par excellence. Sinon, ils n’existent pas ces phénomènes vibratoires, car il n’y a pas d’espace pour eux. Comme si nous avions à construire une maison pour recevoir et accueillir la pulsation du vivant!
Ce dernier texte m’est inspirant, Catherine. Il me semble que vous décrivez bien, ce travail intérieur qui permet de « construire une maison », je dirai plutôt de retrouver une maison – certaines traditions l’appellent « la Demeure », qui est est en même temps « notre Demeure » à tous et où tout est réconcilié, unifié, un espace infini de Conscience-Amour. Pour l’espèce humaine, il y a un travail intérieur à accomplir, ce qui peut expliquer le verbe « construire ». Il s’agirait de construire pour retrouver ce qui existe déjà, ce qui existe de toute éternité, au plus profond de soi-même, une fois que l’on a nettoyé les couches superficielles qui voilent, qui cachent la Demeure – travail psychothérapeutique nécessaire.
Par contre quand vous dites : « travailler n’est pas un gros mot », je ne suis pas d’accord. Pour certains travaux misérables, où l’exploitation de l’homme par l’homme bat son plein, le travail peut être un gros mot, que je ne souhaite à personne. C’est comme si souvent l’homme maniait la pâte du pain avec plus d’égard, que la pâte humaine de son prochain.
A propos des gros mots Alain, lisez la deuxième phrase qui suit mon propos. La première est, travailler n’est pas un gros mot. la deuxième, travailler n’est un gros mot que lorsqu’il nous fait perdre le sens de notre destinée d’homme, et c’est malheureusement le cas pour la plupart des travaux aujourd’hui où tout est fait pour perdre sens, honneur et noblesse. C’est un constat amer que tout le monde peut faire. Mais le travail en soi n’a rien d’ingrat, ni de malfaisant, il n’est malfaisant que s’il se dénature par atomisation, parcellisation et non-sens total, j’en connais un rayon à l’hôpital je peux vous le dire!
oui, je suis d’accord avec vous, Catherine, et l’hôpital est devenu, sauf exception, un des plus grands de malédiction de notre société, et où le travail est devenu pour la plupart carrément insupportable, surtout que c’est un travail dans l’idéal, un des plus beaux, consistant à se mettre au service de ceux qui souffrent.
Je crois que ce désastre vient d’une triple conjonction : 1. l’arrogance du pouvoir médical qui sait tout en une sorte d’omnipotence scientificotechnique de plus en plus insupportable, alors que soigner est d’abord un art et une histoire de coeur ; 2. Les intérêts mercantiles des labos pharmaceutiques, – il s’agit d’abord de faire du chiffre, plutôt que soigner ; 3. enfin un pouvoir technocratique de contrôleurs de gestionnaires – souvent d’Etat – qui voudraient faire de l’hôpital une affaire rentable, tellement leur cerveau a été contaminé par l’idéologie de la marchandisation du monde.
Les victimes : les infirmières dans leur travail préssuré par ces trois instances, et les malades : l’hôpital pour ces derniers est devenu un lieu du plus haut risque ; on ne sait jamais dans quel état on va en sortir !
Oui, c’est assez énervant de constater cela mais de continuer quand même à y aller et donc de participer a minima, mais a minima quand même à cette loi de l’omerta. Je dis omerta car il s’agit bien de la loi vampirique du silence de la maffia, maffia à des degrés divers et variés mais maffia quand même, qui se nourrit de l’argent qui devrait servir les patients mais qui sert en définitive les intérêts de tous, sauf de ceux des patients. Ce serait trop long pour exposer cet état des lieux sinistre. Je continue à y aller car d’abord il faut que je paye mes factures car je n’ai pas le courage de vivre dans la rue et deuxio car j’ai réussi à mettre un peu de sens à travers ma pratique sophro mais j’avoue que des cas de conscience pleuvent sur moi et ne finissent pas de m’interroger sur ce qu’il y aurait de plus juste à faire pour que ce processus se tarisse… J’y vais à l’hôpital, à plus tard donc!
comme je vous comprends, Catherine, mais le mieux c’est de tenir, en donnant le maximum de sens à votre pratique sophrologique, et en maniant alternativement l’acceptation de cette situation inacceptable, avec l’esprit de résistance qui, en devenant collectif, mettra un jour à bas ce système inique.
Le pire, c’est effectivement d’être à la rue, c’est à dire d’être marginalisé, les leviers d’action deviennent alors, encore plus difficile.
A propos du dialogue fourni et intéressant d’Alain et Caherine ces derniers jours, je voudrais ajouter deux choses.
1) D’abord je crois qu’il faut s’entendre sur le sens des mots. Le « travail sur soi » par exemple la méditation, on peut appeler ça « travail » ou « loisir ». Je crois que Catherine dirait « travail » et Alain peut-être « loisir », si j’ai bien compris son insistance sur le thème du loisir (21 sept à 13h44).
Pour ma part je préfère appeler « travail » toute activité que je juge utile à me procurer un équilibre.
J’appelle travail toute activité qui me paraît une mise en application de mon idéal: aimer l’autre comme soi-même en s’aimant assez soi-même pour pouvoir aimer l’autre, dans un équilibre à chercher. Donc chaque fois que je pratique une activité ayant un SENS, lié à la Vie, à la santé, au partage, j’appelle cela travail.
Par exemple je considère que faire le minimum d’exercice pour s’entretenir, que faire profiter les autres de mon goût et de mes capacités pour l’organisation de randonnées pédestres, c’est du « travail ».
En revanche, je constate que je suis affectivement attiré (comme le fumeur par son tabac) par au moins une activité à laquelle je passe un peu de temps et dont le « sens » me semble limité à une détente, sans lien avec mon idéal. Cette activité, c’est le sudoku, qui comme mots croisés et autres jeux isole celui les pratique.
Ca, je ne peux pas l’appeler « travail » et je l’appelle « loisir », mais cette séparation gêne mon besoin profond d’unité, car j’aspire à une vie où chaque instant soit à la fois joie du sens et équilibre des affects, et ça ne me semble pas hors d’atteinte.
2) Je compatis, Catherine, à votre dure vie d’infirmière.
Outre le stress propre à ce métier, il y a la souffrance, que j’ai connue comme enseignant du public, à n’être qu’un rouage à la liberté limitée dans une immense machine dont les buts vous échappent, et qui est polluée par toutes sortes de médiocrités à tous les niveaux.
J’ai été syndicaliste, j’ai dénoncé, revendiqué, réfléchi… mais les années m’ont conduit vers deux pistes:
– D’abord sortir de notre Etat trop centralisé, trop loin des réalités, et accorder plus de liberté et de confiance à la proximité. J’ai apprécié la Suisse, où les dépenses de l’enseignement sont votées et gérées à la petite échelle d’un canton (150 000 habitants). Cette gestion de l’enseignement et de la santé est beaucoup plus efficace.
– Ensuite plutôt que de dénoncer et revendiquer plus ou moins égoïstement, faire ce que disait Gndhi, être soi-même le changement que l’on souhaite, donc rayonner, attirer par son exemple vers ce que l’on considère les vraies valeurs, mettre ces valeurs à la mode avec confiance et persévérance pour petit à petit ridiculiser guerres, ambition, vengeance, rivalités, égoïsme, goût du lucre etc.
C’est très difficile quand on est fonctionnaire de l’Etat, mais je vous sais gré, Catherine, de ce que vous dites et faites.
L e travail pour moi, c’est tout ce qui nous met en chemin vers ce qui est bon pour nous et pour les autres. Aussi se sentir bien en faisant des sudokus, ma foi, ça fait partie du travail à mon sens, à condition que ça ne vienne pas vampiriser tout le temps que l’on a de disponible. Toujours une question d’équilibre, ni trop , ni trop peu.
L e travail pour moi est la plus belle des choses et ne devrait jamais être connoté négativement. Que serions-nous si nous n’avions RIEN à faire, même et surtout si ne rien faire c’est encore faire quelque chose.
Comment pourrions-nous goûter le rien, si tout notre espace était toujours plein?
Question?
Je crois de plus en plus que notre travail, c’est d’aller vers le rite, càd le quotidien vécu hyperconsciemment comme rite qui vient entrer en relation avec le symbole, c’est à dire la relation du fini avec l’infini pour produire le rythme, notre rythme et le rythme du monde, c’est à cela dont nous devons être attentifs. La présence à tout ce qui s’offre à nous, à tout ce qui libère des messages et qui ouvre dès lors des espaces jusqu’alors inconnus, inédits, etc, etc…
Construire peu à peu la vastitude de notre tente, de notre maison, donc de notre corps sur le réduit de notre espace trop souvent perçu, et l’expanser, le dilater pour que le souffle vienne souffler la braise qui brûlera les encombrants pour agrandir l’espace de réception!
Autant, je comprenais votre message précédent sur l’hôpital, Catherine, autant celui-ci m’est incompréhensible :
« L e travail pour moi, c’est tout ce qui nous met en chemin vers ce qui est bon pour nous et pour les autres » cela me semble une définition beaucoup trop large : que vont dire la plus grande majorité des gens qui s’échinent, s’éreintent, s’épuisent au travail pour des salaires insuffisants, voire de misère ? C’est vraiment une définition très subjective, à moins que ce soit un idéal lointain, une sorte de rêve, comme j’ai essayé de l’exprimer dans mon article.
« …en faisant des sudokus, ma foi, ça fait partie du travail à mon sens » ????? là je ne comprends vraiment pas, je préfère la distinction de bon sens de François, entre travail et loisirs (temps libre).
« Que serions-nous si nous n’avions RIEN à faire, même et surtout si ne rien faire c’est encore faire quelque chose. » je pense exactement le contraire, Catherine : pour moi, les moments privilégiés, c’est de ne rien faire, comme par exemple quand je m’installe en méditation. Ne rien faire me permet de rejoindre parfois un état de grâce que certains appellent la dimension de « l’Etre », en référence à la tripartition : avoir – faire – être. Le Rien débouche sur la Vide, la Vacuité de la Conscience et c’est un pur délice.
Quant au dernier chapitre, il est poétique et bien écrit, mais il me semble qu’il s’applique seulement à ce que j’appelle le « travail intérieur » ou « le travail sur soi-même », qui une une forme particulière de travail qui effectivement peut faire penser à un rite – personnellement je préfère le terme « initiation » – et qui est le sens profond du travail psychothérapeutique que je pratique. Il s’agit effectivement, comme vous le dites de rejoindre « la vastitude de notre tente, de notre maison, donc de notre corps sur le réduit de notre espace trop souvent perçu, et l’expanser, le dilater… ». Mais si vous dites cela à l’ouvrier qui est en train de travailler dans la rue près de chez moi avec son marteau piqueur, il va ouvrir des yeux ronds…
Si vous coupez les phrases, sans voir ce qu’il y a avant et après pour sûr que ça devient inintelligible. Vous coupez Alain alors qu’il vous faut lier. Inutile de se mortifier, la vie cherche à se dire et à s’exprimer, n’allons pas la bâillonner, elle l’est déjà bien assez. L’étoile qui me sert de guide vous la connaissez et dans le respect de celle-ci, il est bon de se fortifier parfois même et surtout à travers des légèretés sudoku-mesques, car si nous-mêmes sommes tristes et sans vie alors comment allons-nous être témoins et peut-être porteurs du souffle qui nous porte. Se faire plaisir sans que ça nuise à quiconque, c’est comme se garder en bonne santé, c’est un vrai travail. Car atone et sans vigueur, je ne vois pas de quel message nous pourrions être porteurs. Je déteste les exemples d’âpreté dévitalisée. L’ouvrier qui est entrain de travailler avec son marteau piqueur s’il sait pourquoi il le fait, alors il est béni. En revanche, s’il ne sait pas pourquoi il le fait, c’est là, alors que la maladie s’immisce et c’est le cas aujourd’hui, mais c’est vrai aussi pour l’infirmier qui se perd dans les méandres des protocoles qui se veulent de qualité mais qui en réalité disqualifient les soins, au même titre que les enseignants etc, etc, si le travail perd son sens alors nous sommes malades du travail. Si le travail prend sens, alors le travail vivifie!
« L’ouvrier qui est entrain de travailler avec son marteau piqueur s’il sait pourquoi il le fait, alors il est béni. » Je ne suis pas d’accord, Catherine, j’appelle cela du pur idéalisme totalement déconnecté avec la réalité. Je pense que ces travaux super ingrats, comme les travaux les plus durs sur les chantiers, – le jour où l’exploitation de l’homme par l’homme aura disparu, ce qui est peut-être un voeux pieux de ma part -, ces travaux devront être partagés au maximum, ou bien remplacés par des robots – voilà une bonne utilisation de la technologie.
Sinon, je ne vois vraiment pas, quel est le sens qui pourrait rendre ces tâches supportables, si ce n’est comme maintenant l’attrait d’un salaire de misère permettant néanmoins la survie, ou peut-être la notion religieuse de Sacrifice, qui a été malheureusement utilisée déjà pour justifier l’inacceptable et odieuse exploitation.
Alain, excusez-moi, mais je pense que vous êtes de mauvaise foi pour oser me prêter d’aussi méchantes intentions. Aussi, plutôt que d’en remettre une couche, je vous invite à relire ce que j’ai écrit sur ce thème mais aussi sur vos autres billets. L’aliénation par le travail est un sujet qui m’occupe très sérieusement et je vous vois faire le borgne à ne lire que la moitié de mon message et à laisser l’autre partie dans l’ombre justement. Sachez que je récuse la terminologie d’idéaliste, et me sens davantage incarnée qu’une ombre évanescente, merci.
http://www.youtube.com/watch?v=kwSR_wJAh0A&feature=player_embedded
Cela vous sied-il davantage Alain?
J’ai l’un de mes enfants qui se fait maltraiter dans la restauration, l’autre dans l’enseignement et moi dans la fonction publique hospitalière. Nous avons des marteau-piqueurs dans les mains!
Cela me sied, Catherine, et rien d’étonnant pour moi à ce que les avis divergent sur une question aussi délicate que le travail, où il y a une multitude d’interprétations possibles de son sens et surtout une ambivalence fondamentale : en potentialité le travail est une activité nécessaire et enrichissante pour l’être humain, en acte, c’est la plupart du temps une vraie « chierie » et encore cela dépend de la manière dont on le voit – je connais comme Anne-Marie des esclaves qui sont fiers et heureux de l’être, de plus ce qui a toujours fait le succès de l’esclavage jusqu’à maintenant, c’est le fait qu’il permet la survie et qu’il ouvre sur le collectif, le relationnel, si bien que vous avez raison d’une certaine manière : il n’y a que des ouvriers au marteau piqueur qui sont dignes, car cela fait sens pour eux.
Néanmoins une fois que l’on a dit cela, non seulement on peut rêver d’autre chose – un surplus de sens -, mais encore on voit bien que le travail est le lieu par excellence de la crise de conscience que nous traversons tous. Son absurdité actuelle dans tous les domaines devient de plus en plus lourde avec le chômage son complice, de plus en plus important, et le travail nous demande à tous une énorme effort d’imagination pour inventer autre chose, une autre manière de travailler avec un autre sens.
Voilà, je pense que nous d’accord sur ces fondamentaux et qu’il n’est pas la peine de dramatiser et de nous énerver. Je ne pense pas être de mauvaise foi, mais plutôt, en bon Bélier, j’aime bien la contradiction, au sens où elle mobilise l’intelligence afin de la transcender.
« L e travail pour moi, c’est tout ce qui nous met en chemin vers ce qui est bon pour nous et pour les autres. Le travail pour moi est la plus belle des choses et ne devrait jamais être connoté négativement. » Je suis d’accord avec Catherine B. Mais ce que j’ai cru comprendre, c’est que notre activisme ne sert à rien s’il n’est en accord avec quelque chose ou quelqu’un dont dépend l’activité du monde.
Le vivant est fractal, il nous faut être à l’écoute et mettre nos pas là où cela nous est proposé, suggéré, demandé.
Dans l’esprit de ce billet et pour enrichir le débat, ce soir à 20h45 une soirée consacrée à la décroissance… avec un documentaire intitulé : Moins c’est Mieux
http://future.arte.tv/fr/sujet/decroissance
merci Olivier, c’est un rendez-vous que j’ai noté depuis longtemps et il ne faut pas le rater. Cela change tout bien-sûr « la décroissance », au niveau de la conception du travail ; il faut faire décroître le travail salarié et sa spirale folle production / consommation, – le Collectif Roosevelt demande par exemple la semaine de 4 jours -, afin de s’acheminer vers une vie plus sage, où l’activité est tournée vers la croissance personnelle et transpersonnelle (voir les articles que j’ai déjà écrit sur le sujet).
Décroissance, diminution du temps de travail salarié, oui bien sûr, mais comment?
Dans les années 1980 à 2004, syndicaliste (enseignant et aussi interprofessionnel), j’ai milité pour la réduction du temps de travail salarié, à la fois par la revendication et par l’exemple.
Bilan:
1) Bilan personnel: j’ai commencé trop tard à réduire mon temps de travail; je me suis trop laissé toucher par le climat ambiant du toujours plus et de la peur de l’avenir, la peur de manquer d’argent à la retraite. Et maintenant c’est l’inverse: j’ai plus de sous qu’il n’en faut pour couvrir mes besoins, et il me faut gérer au mieux le surplus. Ca prend du temps.
2) Bilan politique: le problème a été de réduire le temps de travail en évitant que les salariés ne se révoltent contre la baisse des salaires.
Le ministre centriste de Robien avait compris que du coup il fallait encourager les entreprises à négocier ces réductions du temps de travail, mais sans brusquer, et il y a eu quelques résultats.
Puis est arrivée Martine Aubry, qui a voulu accélérer le mouvement, et pour ne pas déplaire, renoncer à toute baisse de salaire: passage de 39 à 35 h salaire maintenu.
L’économie s’est adaptée comme elle a pu: cadences accélérées, perte de qualité, perte de compétitivité. Malgré tout, le loisir est si précieux qu’y ayant goûté, les salariés ont préféré ne pas revenir en arrière.
Mais au vu des résultats, j’ai compris qu’avant un pareil changement législatif, il aurait fallu un changement culturel valorisant le renoncement à l’argent et la négociation.
C’est pourquoi j’ai pris mes distances avec le politique, qui flatte le peuple, et même avec un homme sincère et intelligent comme Larrouturou, le meilleur théoricien de la RTT (réduction du temps de travail).
Il a cru se rendre plus efficace en entrant au parti socialiste, mais il a été laminé par la machine infernale de la politique politicienne où règne surtout la concurrence sans pitié des ambitions personnelles.
Je n’attends plus grand chose du politique.
Alors la « Révolution culturelle »? La violence du maoïsme (politicien lui aussi) a complètement déconsidéré ce terme.
Disons donc la Révolution des coeurs:
mettre à la mode avec fierté le bonheur simple d’une vie modeste habitée par l’amour et le pardon, l’intelligence spirituelle, la liberté sans complexe,
et du coup ridiculiser implicitement le caractère ringard de notre vieux monde drogué à l’argent, à la consommation, au plaisir de l’instant, à l’ôte-toi de là que je m’y mette, à la violence, aux chocs des ambitions et vengeances y compris par la guerre.
Oui, ce chemin, je le vois devant moi, mais encore faut-il le montrer, l’annoncer, être audible.
Etre audible par son exemple en se changeant, par sa parole en osant dire, voilà le chantier auquel « travailler » librement.
Je suis d’accord avec vous François : il n’y a rien à atteindre de nos politiques de quelque bord qu’ils soient. Normal, ils jouent double jeu : ils voudraient réformer le Système (surtout économique), tout en défendant le Système – mission impossible.
Je pense qu’un changement réel ne viendra que d’une minorité éclairée qui pour le moment, chacun à son niveau, expérimente de nouvelles formes de vie dans des sortes de laboratoire du futur. En ce sens, si vous avez regardé l’émission d’Arte sur « la Décroissance », le plus intéressant m’a paru l’expérience de cette communauté alternative en Espagne, autour du retour à la nature et l’autonomie énergétique. En France, quelques expériences du mouvement des « Colibris » de Pierre Rabhi avzc leur magazine « Kaizen ».
Mais ces expériences ultra minoritaires ne pourront faire tâche d’huile, que le jour où ça tournera vraiment mal pour ce monde absurde de la production / consommation à outrance pour le plus grand profit de quelques uns. Actuellement les conditions ne sont pas mûres, les masses sont anesthésiées par le Système, et les dirigeants fascinés.
Patience est mère de sagesse…
Cette partie de ping-pong entre Alain et Catherine me fait réfléchir. Je cherche un juste milieu entre l' »idéalisme » de Catherine et votre point de vue, Alain.
Votre évocation du travail sur les chantiers me donne comme une impression de romantisme suranné: « Salaire de misère »? L’expression me semblerait beaucoup plus appropriée pour des ouvriers du Tiers-monde que pour ceux de chez nous.
Le SMIC, la couverture sociale, c’est tout de même une heureuse exception française.
Quant à la pénibilité du travail, là aussi les règlements d’hygiène et de sécurité (pas toujours respectés) rendent le travail plus supportable qu’il n’y paraît.
Mais là, nous sommes moins bons que les Suédois.
D’un autre côté, parler de travail pour le sudoku, même si je comprends, Catherine, votre raisonnement selon lequel il faut se faire plaisir (dans l’équilibre) pour être de bonne humeur et aimer les autres, c’est vrai qu’il y peut y avoir quelque chose d’insultant pour l’homme au marteau-piqueur à mettre à égalité sous l’étiquette « travail » sa pénible tâche de salarié et la détente que je m’accorde avec bonne conscience.
oui, certes, François, mais ce n’est pas cela qui me révolte, c’est ce nouveau trafic des êtres humains autour de toutes les tâches pénibles de notre société. Beaucoup sont en situation illégale, corvéables à merci, sans aucun droit, dans la misère physique et morale. Pour moi, c’est une nouvelle d’esclavage, que se permet le néolibéralisme sauvage. Pas besoin d’aller dans le Tiers Monde pour voir cela, même si c’est pire encore là-bas. L’esclavage et la
… misère sont à notre porte. Inutile de se donner bonne conscience. Le Système économique dans lequel nous sommes plongés est totalement injuste. Le problème, c’est qu’on finit par s’y accommoder, en perdant l’indignation nécessaire.
J’ai dû partir à l’étranger pour travailler et je me souviens de conditions si difficiles que je m’imaginais Dante : » Toi qui entre ici, abandonne toute espérance », mais et c’est ce qui se passe pour les travailleurs immigrés, j’étais là pour rapporter de l’argent à la maison et permettre d’assurer le toit et la paye des factures. Donc, il y avait bien sens.
Là, j’ai rencontré une norvégienne qui travaillait « pour le plaisir ». J’ai eu du mal à le croire, mais elle aimait ces conditions extrêmes: chaleur, bruits, odeurs tellement nauséabondes, obligation de vitesse…. Et depuis ce temps là, je sais que le vivant est toujours plus grand que mes conceptions. Ce qui me semble important, c’est la relation aux autres, ou à l’autre.
Le travail possède une qualité relationnelle. C’est par le travail que nous entrons facilement en relation avec les autres. Sinon, il faut toujours justifier à quel titre.
Bonjour,
Suite à cet intéressant échange j’aimerais juste répondre à François au sujet du SMIC et de la pénibilité du travail.
Le SMIC, qui a sûrement représenté une avancée dans la reconnaissance du travail, à une époque où l’on travaillait toute la journée et toute l’année, tend maintenant, à se disqualifier lui-même.
Je vous donne juste un exemple. J’ai travaillé sur la base d’un contrat saisonnier de 35heures par semaine. J’en ai effectué 105, oui c’est possible et même mieux, j’étais obligée de dormir sur place donc heures de présence de nuit.
J’ai juste été payée sur la base de 35 h au smic plus les congés payés sur 35h, soit quelque chose comme 2 euros de l’heure. L’état du logement ? Indécent ! Pas même un lit ! Oui c’est possible. Dans un secteur public. Qu’en pensez-vous ?
Je crois qu’il ne s’agit plus de s’indigner, enfin l’indignation bien sûr peut être légitime et pourquoi pas nécessaire mais allez-vous indigner à Pôle Emploi d’avoir trouvé un travail ! On ne vous demande plus maintenant d’être un esclave, mais le Roi des esclaves. Ca change tout !
Bien cordialement.
Domila
Voilà le couronnement royal du concret qui dit tout à travers une expérience vécue.
Que fait-on quand on a besoin de bosser et que bosser ça amène à penser qu’on est le roi des esclaves.
Qu’est-ce qu’on fait quand il n’y a plus RIEN que l’absurde d’une situation qui renvoie l’absurde d’une vie qui n’est pas une vie tant elle est absurde PAR MANQUE DE SENS.
Qu’est-ce qu’on fait quand il n’y a plus rien, plus rien à quoi se rattacher, à se fixer comme dirait Satprem?
Là est la question, qu’est-ce qui se passe après ce constat…
Bonjour Catherine,
Votre question, voyez-vous, est essentielle et votre commentaire montre que vous avez « saisi l’esprit » de mon propre commentaire. Qu’est-ce qu’on fait quand il n’y a plus rien, plus rien à quoi se rattacher, à se fixer ?
Quand il n’y a plus rien en fait, C’EST qu’il n’y a plus rien à se rattacher autrement dit quand il n’y a plus rien à se rattacher, à se fixer, tout advient, la Réalité montre le bout de son nez et l’on voit que ce « rien » que l’on prenait pour du « rien » n’est pas rien justement mais EST l’essence de toute chose.
Bon, ceci peut paraitre un concept mais il faut laisser tomber le concept et le réaliser en soi. Pour le réaliser en soi, il faut voir ses propres attachements, ses propres souffrances, ses propres peines, il n’y a pas d’autres solutions pour voir ce qui se passe après…
Merci Catherine.
Quelle belle réponse, Domila,
la chanson de Léo Ferré que je préfère, c’est « Il n’y a plus rien » … :
http://www.dailymotion.com/video/xrqs73_leo-ferre-il-n-y-a-plus-rien-en-public_music
Merci Alain pour le partage de cette chanson que je ne connaissais pas. C’est parlant ! et ça vaut le meilleur de tous les slams…
Hou là là!
Merci Domila de ce témoignage précis.
Ca réveille ma tripe du syndicaliste que j’ai longtemps été.
J’ai accueilli beaucoup de gens en permanence syndicale, pour aider à faire respecter ses droits.
Visiblement, votre employeur était hors la loi, mais vous aviez besoin de gagner votre vie, pas sûre de trouver autre chose illico, dans cette place pour peu de temps, et donc vous avez été amenée à subir plutôt qu’à dénoncer en prenant le risque d’être virée.
Toutefois, même après coup, il peut être utile à d’autres que soit contré un pareil employeur, soit par signalement à l’Inspection du Travail (assez surchargée) soit par
procès en prudhommes en demandant au minimum le paiement au SMIC de toutes les heures effectuées.
En prudhommes, avec des preuves (mais y en a-t-il?) vous seriez gagnante. Après, à vous de voir les sommes en jeu, le temps dont vous disposez, votre motivation…
Mais dans un cas comme ça, pourquoi ne pas vous adresser à une permanence syndicale (union locale ou départementale), ou éventuellement à une permanence juridique de votre mairie s’il en existe.
Votre précieux témoignage, Domila, illustre ce que dit Alain sur « l’esclavage à notre porte ».
Vous dites aussi « la misère à notre porte », Alain.
Mais là, je crois qu’il ne faut pas oublier, tout de même l’énorme différence entre les zones de la planète encore sous-alimentées avec famines occasionnelles, et nos pays « développés » où personne ne meurt de faim, même si manger n’est pas toujours facile et suppose parfois de faire les poubelles. Je les faisais ado, ça ne me révolte pas. Ce qui me révolte, c’est le gaspillage.
Mais revenons à l’esclavage du travail.
Que faire?
Sur le court terme, oui, ne pas rester esclave, sortir de son isolement, se soutenir entre collègues, et si l’on est isolé, se syndiquer, se défendre aux prudhommes…
Mais un certain syndicalisme de « lutte de classes » n’a fait qu’aviver la méfiance patronale et durcir cette « lutte de classes », et puis il y a aussi le délégué syndical qui fait ça pour se protéger lui-même et profite de sa situation… Tout cela donne une mauvaise image du syndicalisme.
Résultat, en France syndicats très faibles, voire inexistants en dehors des grosses boîtes, et exploitation facile malgré une législation forte.
Le syndicalisme, j’ai donné. C’est de la défense à court terme.
Pour l’avenir, les relations dans le travail, c’est un problème de conscience, de changement culturel. Osons au moins montrer le chemin. Le salarié a besoin de l’employeur et réciproquement. L’exploitation sème la haine, la haine la lutte de classes, et la lutte de classes aveugle peut casser l’économie (port de Marseille marginalisé en quelques décennies), et donc nuire à tous, salariés les premiers.
Osons dire, et nous ne sommes pas les seuls, que tout le monde a intérêt à une coopération intelligente, respectueuse, avec partage des résultats et, dans la mesure du possible de la gestion. De Gaulle l’avait compris, mais peu de ses partisans.
Derrière tout ça, osons dire que l’être humain vaut plus que l’argent, est bien plus qu’une « ressource »: « Directeur des ressources humaines », quel terme affreux.
Ca demande une révolution culturelle, non pas violente comme celle de Mao, une mutation des coeurs, déjà observable à petite échelle dans le monde de l’économie, mais bien trop faible encore.
Après, Alain, que faire concrètement dans ce monde qui souffre exploitation de la planète mais aussi exploitation de l’autre?
Comment mener cette Révolution des coeurs? Je ne vais pas répéter ici ce que je relis ci-dessus à la fin de mon intervention du premier octobre.
je vous suis complétement, François dans ce message et son appel au combat, à la lutte individuelle puis collective pour faire reconnaître ses droits. Ce n’est pas trop au goût du jour, mais cela va revenir obligatoirement, ce combat social si nécessaire, contre tous les profiteurs, les prédateurs actuels qui semblent dépasser de plus en plus les limites du supportable, grisés par l’argent facile d’une époque qui j’espère touche à sa fin.
Tout cela n’est pas absurde, Catherine, tout cela a un sens, un archaïque et immémorial sens, celui de l’exploitation de l’homme par l’homme, le cerveau archaïque reptilien-limbique au poste de commande, sans aucune conscience et qui ne connait que la prédation, à désespérer bien sûr de l’être humain, mais ce désespoir est à dépasser pour apporter sa contribution au combat de la conscience et du coeur.
Ce que je propose ? me demande François. Le combat, le combat, le combat, de préférence un combat intelligent en toute conscience capable d’inventer de nouvelles relations altruistes et harmonieuses entre les êtres humains, avec la violence comme dernière carte, quand tous les autres moyens ont été épuisés.
Pour tout cela le travail intérieur est tout aussi nécessaire que le combat extérieur, sinon, on retombe dans les mêmes errements, comme l’histoire du 20e siècle l’a bien montré avec les communismes et socialismes. Cela va prendre beaucoup de temps, mais la création ne compte pas le temps, elle a l’éternité comme horizon…
En attendant carpe diem pour ce WE, c’est à dire l’accueil du moment présent.
Décidément, vous n’arrêtez pas de déformer ce que je dis Alain, ou serait-ce moi qui ne me fait pas bien comprendre? Peut-être y-a-t-il un peu des deux.
Bon, question absurdité, quand j’en parle c’est du point de vue de celui qui subit cette spoliation d’humanité à travers son boulot d’esclave, c’est de ce point de vue là dont je parle.
Quant à l’autre point de vue celui des spoliateurs, pour sûr que ça en a du sens pour eux, il s’agit d’une stratégie qui anéantit l’humain en en tirant tout ce qu’il y en a à tirer.
Seulement, les choses ne sont pas aussi simples que cela et il y a un tissage social complexe qui vient fixer ce modèle dépravé et quel est-il ce modèle pathologique?
De mon point de vue à moi, simple citoyenne de base sans titre et sans j’sais pas quoi, ce qui tient le bidule social malade de la peste, c’est que des gros intérêts viennent s’infiltrer dans des intérêts moyens qui eux-mêmes en nourrissent des plus petits, mais quelque soit la taille des intérêts, ce qui les relient c’est un intérêt et c’est cet intérêt qui sert de glu au système et empêche toute possibilité de le voir se casser la figure. Si un petit trouve un intérêt fusse-t-il minime à voir ce système se maintenir, alors la pérennité du système est assurée. Un exemple pour éclairer mon propos. François, ce n’est pas vous que je mets en cause à travers mon exemple. Je ne vous connais pas et sans doute-y-a-t-il des syndicalistes dignes de ce nom, j’en ai au moins rencontré un dans mon boulot. N’empêche, il faut quand même que j’illustre ce que je dis. Dans mon hôpital, les syndicalistes sont sensés défendre les travailleurs de la fonction publique hospitalière. D’abord, la plupart ne sont plus dans les services actifs et ont une mission syndicale à plein temps ce qui me semble être une aberration sans nom de mon point de vue qui n’est pas une aberration pour sûr pour ceux qui sont de l’autre côté. Une aberration, pourquoi?
Parce qu’un syndicaliste qui a pour fond de commerce la défense du soi-disant travailleurs, son intérêt à lui, c’est d’abord de préserver son statut à lui, celui de « permanent »et là, ça coince sérieux. Deuxio, ils servent, ces gens, à permettre aux agents d’avoir des avancées d’échelon ou d’échapper à trucs, des missions, des postes auxquels ils ne veulent pas répondre. Tout cela reste individuel, il n’y a plus d’esprit de corps et ainsi la casse d’une personne est plus facile pour ceux qui tiennent les rennes. En acceptant cet état de fait, les syndicats participent implicitement à la casse tout en disant le contraire. C’est un travail de sape implicite, c’est ça qui est pervers, ce n’est jamais franc, direct, c’est toujours sous couvert de mots qui permettent surtout aux bonnes consciences de dormir, parce qu’alors ils se disent, ce n’est pas moi qui suis responsable, c’est le système.
Mais le système ma foi, il ne tombe pas du ciel que je sache.
C’est quoi le système?
Le système, c’est la somme de tous nos assentiments passifs et de tous nos renoncements et ça mis bout à bout ça donne le canevas que l’on a sous les yeux.
Donc, ça suffit de dire qu’il a des gentils et des méchants car nous sommes tous tous responsables du monde dans lequel nous vivons, et nous avons tous les mains sales, à des degrés divers et variés, mais tous les mains sales, personne ne s’en sort dans cette histoire puante même si l’on jongle avec des mots propres, tout cela est bien sale et nous participons tous à cette saleté ambiante.
Ne rien dire et ne rien faire, c’est participer de cette merdouille. S’indigner ne sert à rien. Nous sommes dans un système qui veut bien que l’on cause, cause cause toujours, le principal, c’est que rien ne change et pour l’instant, rien ne change.
Ne venez pas me dire maintenant que je suis trop noire.
Quand il pleut il pleut, pas la peine de dire qu’il fait soleil.
N’empêche le soleil, on peut le désirer et s’orienter vers lui, c’est ma posture et elle n’a rien d’idéaliste.
Certes il faut scanner la réalité et si vous voulez des exemples crus je peux vous en offrir à la pelle mais on est bien obligé d’orienter notre énergie vers qq chose de plus lumineux, histoire de relever la tête et de ne pas sombrer dans l’accablement.
Prends ton grabat est-il dit dans un texte et lève-toi.
Je ne relis pas, tant pis s’il y a des fautes. Je suis énervée, il va falloir que je me soigne!!!
Merci François pour cette réponse. Vous dîtes que l’employeur est hors-la-loi, ça semble en effet évident sauf que l’employeur est une mairie et qu’elle est censée veiller à la bonne application des lois justement. En plus, il est probable que le maire lui-même, dans son activité salariée dans une grosse entreprise publique, soit amené à aider des employés pour faire respecter leurs droits….
Mon « affaire » est en cours car j’ai quand même fait des courriers après avoir essayé vainement de faire reconnaître mes droits auprès des personnes concernées. Nous verrons bien ce qu’il en ressort.
C’est vrai qu’il y a une différence entre une personne qui n’a pas les moyens de sa subsistance et une autre qui « mange à sa faim » malgré tous les autres aléas de la vie. D’ailleurs, si nous pouvons, ici-même sur ce blog, nous questionner, essayer de comprendre et si nous pouvons inventer une autre vision du monde, c’est bien que ces moyens de subsistance sont satisfaits.
Cependant, « quelque chose » en nous n’est toujours pas satisfait. Et c’est le noeud du problème peut-être.
Vous parlez de Révolution des coeurs. Cette Révolution n’est possible que dans l’ouverture de son propre coeur et l’ouverture de son propre coeur n’est possible que dans la reconnaissance de sa propre insatisfaction (qui peut être multiple bien-sûr). Il faut aller à la racine des choses. Et cette racine ne se trouve pas en dehors de soi. Elle est en soi. Vous ne la trouverez pas (nous ne la trouverons pas) en faisant quelque chose de plus, quelque chose qui n’aurait pas encore été fait. Chercher comment faire est juste masquer sa propre insatisfaction. Le chemin est beaucoup plus ardu qu’on ne croit. Mais il vaut la peine.
Bien à vous.
Domila
http://www.dailymotion.com/video/x9kf5m_satprem_webcam
http://www.dailymotion.com/video/xp0273_satprem-le-courage-de-dire-non_webcam
oui, je crois qu’il faut vous reposer, Catherine, vos propos sont tellement outrés, que je n’ai pas envie d’y répondre.
Pour la video de Satprem, elle est très belle et très intéressante, mais cela aurait été mieux de la présenter dans sa relation avec le sujet que nous débattons.
Merci Catherine de m’avoir fait connaitre Satprem.
Nous chantons car nous trouvons la vie belle
Nous savons qu’il nous la fit éternelle.
A chacun selon ses conceptions, afin que personne ne puisse « le » lui reprocher. « le » = Le Vivant
MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
Les propos de Catherine ne me paraissent pas vraiment outrés; ils le sont, c’est vrai, dans la forme parfois, à cause sans doute de l’énervement ou de la fatigue.
Mais sur le fond, il me semble qu’elle fait un tableau de la situation qui, sans être universel, est souvent juste. Je partage son analyse dans les grandes lignes, en particulier sur le fait que nous sommes tous responsables de la situation, à des degrés divers bien entendu. Voilà pourquoi il est si difficile de changer le système; voyez n’importe quel exemple de petite réforme projetée: immédiatement elle se heurte à une levée de boucliers de la part de ceux dont elle lèserait un tant soit peu les intérêts? La somme des égoïsmes catégoriels bloque toute évolution vers une amélioration possible.
En réaction à Catherine, 5 oct. à 21h33.
C’est vrai que votre ton impulsif, Catherine, a un côté provoquant, et donc je comprends les réactions d’Alain, mais sur le fond je suis d’accord avec Claudine.
1) Du syndicalisme, vous ne faites que souligner, Catherine, une faiblesse que j’avais moi-même évoquée, l’utilisation égoïste des fonctions syndicales.
J’ai toujours pour ma part pratiqué le syndicalisme uniquement en bénévole, et je sais que défendre les gens ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Il n’est donc pas injuste que ce travail soit rétribué, et il peut être utile qu’il soit effectué provisoirement à plein temps, mais pas à vie!
Le « permanent » planqué délégué syndical à vie, j’ai connu moi aussi, et ce n’est pas beau.
2) Sur les liens d’intérêt qui dans notre société rendent subtilement tout le monde complice de tout le monde, je vous suis aussi pour l’essentiel, Catherine, avec ce « tissage social complexe » qui « sert de glu au système ». Mais comme vous dites vous-même, « s’indigner ne sert à rien ».
Reste donc, comme dit Alain « le combat, le combat, le combat »?
Cette formule de votre part, Alain, m’a amusé, parce que sur ce blog il y a quelque temps, vous me disiez que j’adoptais « une posture de combat », à laquelle vous sembliez préférer une posture plus …méditative dirais-je.
Et par ailleurs, de tempérament pacifique, ce n’est que très récemment que j’accepte le mot « combat » pour désigner notre effort vers le bien et vers un monde meilleur.
Cet effort a bien sûr les deux dimensions de l’action et celle de l’intériorité, complémentaires.
Je reviens maintenant sur Satprem proposé par Catherine et sur les propos de Domila, 6 oct. à 17h56 et 18h19.
Ca élargit la problématique « travail d’esclave » jusqu’à une question beaucoup plus profonde: lorsqu’on se sent écrasé, anéanti, quelle issue?
Mais, Domila, vous m’obligez à voir le lien entre ces deux questions : « comment supprimer le travail d’esclave? » et « que faire quand on est anéanti »?
Pour supprimer le travail d’esclave, Je parlais de « révolution des coeurs » et vous me répondez:
« Cette Révolution n’est possible que dans l’ouverture de son propre coeur et l’ouverture de son propre coeur n’est possible que dans la reconnaissance de sa propre insatisfaction. »
Et là, vous attirez mon attention, Domila, sur une chose que je sais, mais qui n’est pas assez présente à mon esprit:
tout le monde n’est pas prêt à cette mutation ou révolution des coeurs, qui suppose cette reconnaissance de l’insatisfaction que vous développez ainsi à 18h19: « Qu’est-ce qu’on fait quand il n’y a plus rien, plus rien à quoi se rattacher, à se fixer ? ».
Et vous proposez cette expérience du vide intérieur, que je connais aussi, et qui me rappelle celle des mystiques:
« Quand il n’y a plus rien en fait, C’EST qu’il n’y a plus rien à se rattacher autrement dit quand il n’y a plus rien à se rattacher, à se fixer, tout advient, la Réalité montre le bout de son nez et l’on voit que ce “rien” que l’on prenait pour du “rien” n’est pas rien justement mais EST l’essence de toute chose. »
Jusque là, je vous suis.
En revanche, je ne comprends pas bien quand vous dites « chercher comment faire est juste masquer sa propre insatisfaction ».
Vous même par exemple écrivez « j’ai quand même fait des courriers après avoir essayé vainement de faire reconnaître mes droits auprès des personnes concernées. »
Vous avez donc « cherché comment faire ». Etait-ce simplement « masquer (votre) propre indignation? Autrement dit l’action serait-elle vaine? Seule compterait la mystique en recherche de l’Etre en soi?
Oui, votre idéal se limite-t-il à trouver l’Etre en soi dans le rien (idéal mystique)?
Merci de m’éclairer.
Bonjour François,
La phrase « chercher comment faire est juste masquer sa propre insatisfaction » pourrait aussi être énoncée ainsi « chercher comment faire pour sortir « hors de soi », autrement dit pour trouver des solutions extérieures à soi, est juste masquer, c’est-à-dire oublier, ignorer ce que nous sommes réellement ». Mais, dans la mesure où celui qui cherche une solution à un problème personnel n’a pas forcément la conscience de tout ce qui se « trame derrière sa recherche » puisqu’il est identifié à sa personne, tout cela, bien sûr n’est pas compréhensible.
Tout vient du fait que ce que nous prenons pour le « soi » est en fait notre personne identifiée à son histoire, ses croyances, ses peurs et ses peines. Ce que nous prenons pour « soi » est une identification à un amalgame de croyances, de pensées, de vieilles peines enfouies et de peurs qui viennent se superposer pour former une protection qui, à un moment donné, était nécessaire à notre survie. C’est cette identification qu’il faut démasquer.
Pour celui qui veut vraiment comprendre les choses, alors il faut, comme je le disais, revenir à la racine de ces choses, c’est-à-dire, dans un premier temps se poser la question QUI veut « changer les choses ». Si la réponse est « c’est moi » alors il faut voir qui est ce « moi ». Il faut voir que ce « moi » est l’identification à sa personne mais n’a rien de réel. Il n’existe pas en tant que tel.
Quand cela est vu, alors toute action n’est ni bonne ni mauvaise, ni nécessaire ni inutile. Il n’y a plus contradiction entre faire ou ne pas faire. En ce qui me concerne, j’ai fait des courriers pour faire reconnaitre mes droits, disons que « c’était la moindre des choses » dans un tel contexte mais cela n’atteint en aucune façon ce que je suis réellement. L’action n’est pas vaine mais l’action n’a aucune action sur ce que je suis (nous sommes) réellement.
Quand l’Etre en soi, comme vous dîtes, est trouvé, plus aucun idéal n’a sa place. Tout est bien. Tout est possible. Tout est en soi. C’est une libération. Mais cela ne veut pas dire que plus rien n’a d’importance et qu’il ne faut plus rien faire. Je pense qu’il faut, au contraire, aller dans le monde, discuter (ce que l’on fait n’est-ce-pas ?), participer à des mouvements, vivre quoi !
A bientôt.
Domila
Superbe message, Domila, c’est exactement, ce que je voulais répondre à François dans un autre langage, quand il me demande comment concilier la combat nécessaire et l’aspect méditatif des choses.
Les deux se complètent et se nourrissent mutuellement en une belle intégration : il s’agit d’un combat / sans combat, un combat de conscience et d’amour, où l’autre que je combats est dans une unité supérieure avec moi-même, de sorte que nos moi s’effacent, s’évaporent au feu de la conscience méditative ;
c’est un combat qui s’assume mais n’attend aucun résultat pour l’ego, un combat qui intègre le combattant et le combattu dans une Unité qui les transcende tous les deux et qui ne leur appartient pas ;
et finalement, c’est une sorte de combat joyeux même si l’on perd en apparence, car dans le Soi, jamais rien n’est gagné ni perdu, et dans le monde de l’incarnation, tout se transforme éternellement en son contraire, dans un temps sous le sceau de l’infini.
Le prochain article que je vais poster toute à l’heure parle aussi de cela, d’une autre manière encore et enfonce le clou de l’intégration entre la culture occidentale et la culture orientale.
Le travail ? c’est notre poésie. L’endroit autorisé pour rencontrer, proposer, agir. J’ai reçu une explication hier et j’ai cru comprendre que « dans le monde institutionnalisé » le travail est malédiction. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la majorité de ceux qui sont du genre masculin, tiennent à y travailler. Il y a longtemps que j’ai découvert que le masculin n’arrive pas à admettre autre chose que « tu travailleras à la sueur de ton front » alors que le féminin a depuis longtemps accepté de ne plus accoucher dans la douleur !
Serait-ce une question de genre?
Merci, Anne-Marie de cette contribution.
D’après mon expérience, subjective mais que je sais partagée par d’autres, il me semble que si la « majorité » de hommes aime le travail, ce peut être par ambition, ou pour gagner sa vie, mais souvent aussi parce que la « majorité » des femmes aime les hommes qui ont un travail stable. On dit en effet que les femmes ont besoin de sécurité pour assumer leur maternité, et je crois volontiers que c’est vrai le plus souvent.
Jeune, j’aurais volontiers fait profession de mendicité, comme Diogène et d’autres, mais, voulant former un couple, j’ai senti que je ne réussirais pas auprè des femmes sans trouver ma place dans le monde du travail.
Auriez-vous aimé, Anne-Marie, épouser un mendiant?
En tout cas j’ai apprécié dans votre texte l’expression « la majorité des hommes », au lieu de « les hommes » ou autre expresion mettant toute une catégorie de gens dansle même sac, ce qui me semble marquer un tournant très appréciable dans votre façon de communiquer.
Quant à moi, je ne suis pas d’accord, Anne-Marie, avec cette analyse qui me semble inspirée par un féminisme dépassé, renforçant l’antagonisme homme / femme.
Depuis déjà pas mal de temps, les femmes sont sur le marché du travail, et elles n’ont pas réussi mieux que les hommes à proposer autre chose, à être une force transformatrice de la malédiction. Pire certaines ont participé activement à renforcer la malédiction – je pense à la patronne d’Areva, dont j’ai oublié le nom.
Je crois plutôt que les hommes et les femmes doivent s’unir pour mettre fin au règne de l’exploitation de l’homme par l’homme, orchestrée par la part la plus archaïque de leur cerveau, malheureusement identique sur ce point.
Je pense à Leibniz qui dés 17 ans prenait soin d’écrire son traité de métaphysique et parlait d’individuation. Je crois que nous avons oublié que nous nous devons en priorité à nous-mêmes