Les métaphores de la flamme et du feu sont plus rares dans les pratiques de méditation. Et pour cause, le feu, en son ambivalence, reste l’élément le plus redoutable, mais aussi le plus fascinant.
Il y a d’abord la flamme, comme support extérieur de concentration, que l’on trouve dans tous les bons manuels de yoga – on l’appelle tratak – , la concentration étant la première phase préparatoire de toute méditation, afin de discipliner peu à peu la qualité de l’attention. Etrange sensation visuelle, hypnotisante, qui danse sa magique sarabande et s’intériorise peu à peu facilement, quand on prolonge l’exercice. Alors la flamme se met à danser à l’intérieur de soi-même, soit entre les yeux, soit dans tout le corps, et cela donne une impression de légèreté, de transparence, de chaleur et de luminosité intérieure.
C’est sûrement pour cette raison que les danses chamaniques se pratiquent la nuit autour d’un feu, autour des flammes, en une sorte de méditation dynamique, capable de transcender la prison matérielle du corps. Mais attention, ce genre de méditation prolongée sur la flamme, n’est pas à pratiquer n’importe comment, il vaut mieux être guidée par un bon instructeur et cela ne convient souvent pas aux personnes fragiles psychiquement.
On retrouve aussi la flamme comme métaphore privilégiée des méditations sur l’énergie intérieure, en particulier pour activer le canal d’énergie principal qui se trouve le long de la colonne vertébrale. Il s’agit d’éveiller cette flamme qui se trouve le plus souvent cachée dans la région du sacrum, comme un serpent endormi, lové sur lui-même. Par la respiration accompagnée de l’image de la flamme qui s’élève peu à peu, en traversant les sept centres d’énergie (les chakras) situés le long de la colonne, on réveille l’énergie vitale et les fonctions correspondant à chaque chakra. C’est une méditation classique venant du yoga de l’énergie et qu’il faut savoir aussi utiliser à bon escient, de préférence bien guidée par un instructeur expérimenté.
Il y a encore d’autres méditations plus secrètes autour de l’aspect destructeur de l’élément feu. C’est une étape de purification par le feu, difficile mais nécessaire, avant l’étape de la renaissance et des possibles transcendances . En Inde, ces méditations sont inspirées par l’aspect terrible de Shiva, les fureurs de Durga ; en Occident, c’est la fonction de la foudre associée aux colères de Zeus ou le feu des bûchers dévoyé par le christianisme pour brûler sorciers et sorcières – ces déviants du moyen-âge.
Dans une pratique individuelle, cette fonction du feu intérieur, destructeur, peut être utilisée pour brûler toutes les scories physiques, émotionnelles et mentales accumulées, par exemple en visualisant le feu d’une forge située dans la cavité abdominale et activé par le soufflet du diaphragme. Mais là encore, il faut s’entourer de précaution et si des sensations trop désagréables, de l’angoisse, un certain mal-être s’ensuivait, il faut savoir s’arrêter.
Plus que jamais avec l’élément feu, il faut être prudent avec le pouvoir de la métaphore associée à la méditation, même si, en cette période de crise généralisée, le feu semble un élément important de purification.
Ne pas oublier l’importante Pentecôte chrétienne, où l’Esprit saint se manifeste sous la métaphore des langues de feu :
« Quand arriva la Pentecôte(le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble. soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un coup de vent violent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit« .
Livre des Actes des apôtres : 2, 1-11
Tags : corps, feu, lumière, meditation
« capable de transcender la prison matérielle du corps. »
Je crois que cette phrase mérite une discussion, Alain… Car on peut le comprendre de façon platonique -chrétienne – ce qui n’est sûrement pas ton intention?
Et j’ai du mal aussi avec cette idée de » brûler toutes les scories physiques, émotionnelles et mentales accumulée « . Quand est-ce que cette pratique te semble indiquée?
oui tu as raison Maarten de proposer la discussion sur cette expression « la prison matérielle (ou physique) du corps ». Cela dépend, selon moi, à quel niveau on se place et quelle intention on veut développer par rapport au corps. Bien entendu, pour une personne enfermée dans la rationalité abstraite du mental, il est important de la réconcilier avec son corps, avec l’intelligence de son corps. Par contre, dans une intention de déploiement de la conscience vers les niveaux transpersonnels, au delà de la personne et de l’individualité, le corps ou plutôt l’identification au corps peut être un obstacle supplémentaire – il s’agit alors d’aller au delà « des limites physiques du corps », meilleure expression que « la prison du corps » aux relents judéo-chrétiens, on est bien d’accord. C’est un peu paradoxal, mais la vie est paradoxale. Est-ce que cette réponse te convient ?
Je suis content que l’idée « corps comme prison » mise à l’écart…
Pour moi le corps reste « caisse de résonance », aussi des expériences disons plus subtiles – et c’est pour cela que crois que les limites du corps physiques sont plus des limites de notre mental (ses représentations, sa tendance à réifier) que celles de notre corps…
La langue française – avec tous ces nominilisations, qui renforce cette tendance à réifier tout processus, aussi « le corps » – n’aide pas pour en parler clairement…
oui, bien sûr, le corps peut être « caisse de résonance » ou « tremplin » vers les niveaux transpersonnels, la preuve c’est l’importance des disciplines corporelles (sadhanas) conduisant à l’éveil, via la corps énergétique : yoga, qi gong, tai chi, sans compter les expériences spontanées de ressenti corporel en fusion avec le Tout. Je suis d’accord, mais convient aussi, Maarten, que le corps peut faire obstacle, car il est d’abord physique, matériel, et la propension spontanée du mental est de s’identifier aux limites du plan physique et matériel, surtout en ce moment, à l’époque actuelle : le corps machine dédiée à la performance sportive ou le culte du corps dans son jeunisme le plus abject.
Par ailleurs, j’en profite pour répondre à ta 2e question relative à l’élément feu capable de brûler les scories physiques, émotionnelles et mentales. J’utilise la force de cette métaphore quelquefois – rarement – en fin de séance, quand il y a eu des accumulations de pensées, d’émotions perturbantes ou de ressentis physiques désagréables, et je couple cette métaphore du feu purificateur à une posture de qi gong (encore le corps !), où la cavité abdominale et le diaphragme sont renforcés dans leur aspect énergétique.
Je ne crois pas que c’est le corps qui peut faire obstacle, mais nos idées sur le corps qui l’objectifient et les conditionnements annexes que tu mentionnes.
Quand on va au delà (ou en deçà?) ces idées, il n’y a, selon mon expérience, pas de séparations (ou au moins pas des séparations « solides ») entre « le corps » et son environnement.
A propos de ces pratiques du feu sur lesquelles tu reviens, je ne les connais pas, donc il est mieux que je m’abstiens, pour le moment.
nous ne sommes pas sur la même expérience subjective du corps, Maarten, à ce niveau de la réflexion sur les liens entre le corps physique et le corps spirituel ou transpersonnel. C’est difficile de savoir qui a raison, aucune méthodologie scientifique n’est possible, juste un « consensus intersubjectif » pourrait nous départager, ou un troisième avis qui serait intégrateur de nos deux positions.
A propos de la pratique du feu intérieur sur lequel je suis revenu, c’est normal que tu ne la connaisse pas, car il s’agit de ma créativité personnelle : intégration entre qi gong, corps énergétique, métaphore personnelle.