Il est fini le temps des yogis, des ascètes, des ermites qui s’en allaient méditer dans des grottes, les monastères ou les ashrams, tranquilles, là- haut sur la montagne, loin des miasmes des vallées obscures, où grouillent les foules humaines perdues dans l’illusion de leurs désirs. Désormais, la méditation s’est invitée dans les grandes villes, comme une dimension importante de notre vie personnelle. Il y a eu au moins trois vagues pour expliquer ce phénomène.
La première a commencé dans les années 50- 60, quand les moines tibétains en exil, accueillis dans les pays occidentaux, ont décidé de transmettre la bonne parole méditative. Le Dalaï Lama, le Karmapa, Kalou Rinpoché, Dilgo Kyentsé Rinpoché, Chogyam Trungpa, Guendune Rinpoché, Sogyal Rinpoché, etc, sont de grands noms qui ont déplacé les foules et ont fondé en Occident des centres de méditation bouddhistes très actifs.
La 2e vague, dans les années 60- 70, avec le mouvement du « new age », a pris des formes variées et parfois discutables, expérimentant de manière balbutiante « les pics de la conscience » avec l’usage des substances illicites (LSD, ectasy, etc), mais aussi en permettant à d’autres maîtres, la plupart venus de l’Inde, une audience importante pour enseigner la méditation (entre autres, Maharishi Mahesh avec la méditation transcendantale et les premières expérimentations scientifiques, ou Osho Rajneesh défiant les autorités américaines dans l’état de l’Oregon.
La troisième vague, plus récente, est centrée autour d’un homme Jon Kabat-Zinn et regroupe tout un mouvement à visée scientifique, dont le Mind and Life Institut de Richard Davidson est l’institution la plus représentative. L’intention est d’expérimenter grâce aux progrès de l’imagerie médicale et des neurosciences, la nature et les vertus de la méditation, et cela en collaboration avec de grands méditants bouddhistes, dont le Dalaï Lama et Matthieu Ricard – ce qui est une remarquable intégration « science – spiritualité ». Avec Jon Kabat-Zinn, la méditation fait une entrée remarquée dans le domaine de la santé, avec une multitude d’études scientifiques concluant à son action bénéfique pour toutes les affections du stress, qu’elles soient psychologiques ou somatiques, mais aussi la dépression, les maladies cardio-vasculaires, le cancer, la douleur, etc. Tout cela a commencé aux Etats-Unis avec succès et gagne maintenant la vieille Europe et la France, avec les livres de David Servan-Schreiber, Thierry Janssen, Christophe André, Matthieu Ricard, etc.
Ce mouvement, c’est ce que j’appelle : « la méditation sur la place du marché », c’est à dire une méditation prenant une place de plus en plus importante dans les grandes villes, au milieu de notre vie occidentale, stressée. C’est aussi une méditation laïque à visée scientifique, débarrassée de tous les oripeaux des traditions orientales, en particulier bouddhistes.
Tags : Dalaï-Lama, meditation, pleine-conscience
C’est pour ça pourquoi je crois, et toi aussi si je ne me trompe pas, qu’il est si important de s’interroger sur ses valeurs intimes. Est-ce que je médite pour être plus performant ou…?
Est-ce que j’enseigne la méditation pour le fric, le renom ou…?
Parfois je me demande ce qui se passerait si par exemple Sarkozy se mettait sérieusement à la méditation?
Mon commentaire précédente était basé sur une version antérieure de cet article, et n’est plus pertinent.
C’est vrai que, notamment aux Etats-Unis cette intégration (oui) entre sagesse orientale et science occidentale devient vraiment très fructueuse. On n’est plus aux premiers (et douteux) essais du groupe autour du Maharishi Mahesh Yogi.
L’ex-épouse de Stan Grof, Joan Halifax, maintenant formellement dénommé Roshi, est aussi très active dans ce domaine (et associé au Mind-Life Institute, et organise des rencontres entre (zen) bouddhistes, philosophes de renom et neuroscientifiques.
Et pour le monde de psychothérapie un autre nom à retenir: Daniel Siegel, pédopsychiatre qui un peu par hasard à découvert la pleine conscience: dans un remarquable livre sur le développement précoce et les neurosciences, il a utilisé le term « mindful » dans son sens quotidien sans se rendre compte qu’il y avait toute une tradition qui avait exploré cette qualité d’être. Ensuite il s’est plongé dans la pratique, s’est allié, lui aussi, au Mind-Life Institute, et a écrit un livre de vulgarisation ET de qualité (oui, c’est possible!) avec comme titre: « The Mindful Brain ». Il souligne aussi les liens entre la culture du mindfulness et le développement de l’empathie. J’espère que ce livre soit bientôt traduit en VF…
Je viens de lire une étude sur le lien entre personnalité et engagement dans la méditation:
Ceux qui sont attirés vers la méditation seraient des personnes plus « névrotiques » (lire moins stables) et plus introvertis que la moyenne.
Plus intéressant: ceux qui ont une score de « névrotisme » (selon le « big 5) plus élevée, abandonnent la pratique nettement plus souvent que ceux avec une score plus basse sur cette dimension.
Ce qui illustre bien que la méditation n’est pas une panacée; on pourrait peut-être en conclure que celles qui auraient le plus besoin de méditer, n’y arrivent pas à longue terme…
Ouf, il reste une place pour la psychothérapie! :-)
re; Michael West « Meditation, personality and arousal ». cet article date de 1979, mais je n’ai rien trouvé de plus récent qui remet en cause ces conclusions.
ça c’est très important Maarten, je vais le traiter bientôt. C’est ma critique principale de la mindfulness.
Autres données, récentes celles-ci, vont dans le même sens:
Dans « Méditer pour ne plus déprimer » de Williams, Teasdale, Segal & Kabat-Zinn, on mentionne que 50 % de ceux qui se sont engagés dans le programme de 8 semaines, fortement basé sur le programme maintenant classique de Kabat-Zinn et qui ont eu 2 rechutes importantes dans la dépression, ne rechutent plus après le programme. C’est un très bon résultat pour une intervention brève et relativement simple. Mais ça veut dire aussi que pour 50 % des participants cela ne suffit pas…
Merci Maarten pour toutes ces réflexions et données très importantes qui enrichissent cette intégration pleine de promesses entre les pratiques méditatives traditionnelles, les sciences exactes et humaines et ce protocole très cohérent de JKZ. Dans le 2e article que j’espère terminer ce soir, je vais commencer à poser quelques questions qui grattent…
D’ailleurs, un petit rectificatif: le Mind-Life Institute est le fruit magnifique des rencontres entre Francesco Varela (cette grande homme qui a tant influencé Ken Wilber et son modèle de 4 quadrants) et le Dalai Lama. Richard Davidson y a participé bien après.