On ne fraye pas avec Onfray

Je me suis attelé par erreur – conditionné sans doute par le tapage des médias toujours avides de controverses stériles – à la lecture du livre de Michel Onfray « Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne ».
Il n’est pas utile de lire ce livre, surtout pour emporter en vacances. Il les gâcherait. C’est comme une sorte de gros pavé de 600 pages, lancé médiatiquement dans la marre déjà bien boueuse de toutes les critiques qui ont été faites à la psychanalyse.

Vous n’y apprendrez donc rien de nouveau,

tout a déjà été dit, en particulier dans « le livre noir de la psychanalyse » paru en 2005. Onfray en reprend les principales thèses : la psychanalyse serait une fable autobiographique de la vie très spéciale du Dr Freud travaillé par les pulsions incestueuses pour sa mère puis pour sa fille cadette, hanté sans cesse par le meurtre de son père, trompant sa vie durant sa femme avec sa belle-soeur, obsédé par le sexe et ses perversions. De ce fatras libidineux et fantasmatique, de ce roman personnel chaotique, Freud prenant son cas pour une généralité, en tirerait une belle théorie à prétention universelle et scientifique, donnant statut d’objectivité à une introspection subjective de mauvais goût et inventant un « mythe scientifique ».
Pour valider la scienticité de sa théorie et de sa méthode thérapeutique, Dr « Fraude » – comme en parlait déjà il y a plus de 20 ans un de mes amis – n’hésite pas à inventer ou à travestir tous ses cas d’études, il déforme la vérité, il ment sur des guérisons qu’il n’obtient pas. Bref, c’est un faussaire de génie qui arrive à tromper tout son monde.
D’autant que l’homme est doué pour diriger d’une main de fer une organisation pyramidale, très hiérarchisée, sur le modèle de l’Eglise – la société psychanalytique – qui va essaimer bientôt la funeste fiction dans le monde entier, propager le dogme comme « une étrange parole d’évangile », interdisant toute déviation (Jung, Adler, Reich, Fromm, Ferenczi, etc).

Seule la fin du livre peut réserver quelques surprises.

Après avoir rappelé la mysoginie de Freud avec sa théorie des femmes dans l’éternelle nostalgie du pénis, son conservatisme des moeurs avec la stigmatisation de la masturbation et de l’homosexualité, l’on apprend avec assez d’étonnement son conservatisme politique : une complaisance affichée pour l’austro-fascisme  du chancelier Dolfuss et la figure de Mussolini, la collaboration des freudiens avec l’aval du maître, à l’institut Göring qui réglemente sans l’interdire la pratique de la psychanalyse en Allemagne.

Il faut venir en aide au pauvre Dr Freud

Mais devant une telle accumulation de critiques, on ressent finalement un malaise, comme une « overdose », et l’on a presque envie de venir en aide au « pauvre Dr Freud », afin de rendre hommage à une discipline qui tout de même, pour avoir réussi à intéresser un si grand nombre de gens pendant un siècle, dans le monde entier, n’est sûrement pas seulement l’affabulation d’un seul homme et de sa problématique. La psychanalyse est arrivée à point nommé pour participer, à sa manière, à une libération sexuelle nécessaire, après une si longue période de refoulement et de déni du corps. Elle a mis au point une métholodologie, une technique, des concepts efficients, qui, même s’ils ne sont pas scientifiquement prouvés, ont pris néanmoins une importance considérable auprès de la majorité des praticiens actuels de psychothérapie, comme par exemple la notion d' »inconscient »  (voir mon article de Spasmagazine n°21 sur l’inconscient intégratif ), de même les stades de développement de l’enfance, la période oedipienne et son complexe, et au niveau relationnel la notion de transfert et de contre-transfert.

Le chantre d’une pensée unique

Par ailleurs, sous couvert d’une critique un peu caricaturale de l’épistémologie freudienne, basée sur l’introspection subjective d’un seul homme, Onfray, dans ses  appels insistants à une méthode rigoureusement scientifique pouvant s’appliquer à la psyché humaine et à ses techniques de guérison, creuse, plus ou moins consciemment, la cassure et le conflit actuel entre les soi-disant méthodes scientifiques sérieuses (psychopathologie et TCC) et toutes les autres techniques relevant finalement de par leur subjectivisme d’un danger de charlatanisme. Le philosophe se ferait ainsi le chantre d’une pensée unique, objectivante et réductrice, issue de la science médicale empirique, pure et dure, un langage politiquement correct, reléguant toute la richesse, toute la diversité créatrice des psychothérapies, dans le doute, le déni ,voire l’illégalité, – cette tendance pouvant donner lieu par exemple au très injuste et récent décret d’application du titre de psychothérapeute.

Un petit Nietzsche de campagne

Ce jeune philosophe qui veut se comparer à Nietzsche, dans sa tentative d’écrire une psychogénéalogie de Freud, dont l’oeuvre serait le produit d’une vie misérable, manque à mon sens sérieusement de maturité et de profondeur. Le visionnaire de Sils-Maria, l’ermite et le divin promeneur du Zarathoustra, ne se serait sûrement pas lancé dans l’écriture d’un tel « pavé » indigeste, lui qui cultivait l’ellipse, l’aphorisme acéré, le dithyrambe dansant, en de petits livres vivifiants. Oui, je vous conseille plutôt d’emporter en vacances le « Crépuscule des idoles » de Nietzsche dans une collection de poche légère, ou alors le très pertinent livre de Martine Laval « N’écoutez pas votre cerveau, vivre sain dans un monde malade » : vous y apprendrez beaucoup plus de choses intéressantes.

Cet article est à paraître prochainement dans le journal Santé Intégrative n°16 de juillet 2010

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15 réponses à “On ne fraye pas avec Onfray”

  1. Maarten Aalberse dit :

    Pour ne pas ressasser ce qui a été dit ailleurs sur ce livre, (qu’effectivement je n’ai pas envie de lire) ni ajouter aux polémiques assez stériles et d’un niveau assez bas qui ont suivi l’apparition de ce livre d’Onfray, je me limite à ce que tu écris sur le rôle de psychanalyse dans la libération sexuelle.
    Je ne sais pas si c’est vrai pour la France, mais je te garantis que dans les pays anglosaxons et nordiques, les travaux de Kinsey d’abord et Masters et Johnson ensuite, ont joué une rôle émanicipateur beaucoup plus d’importante en ce domaine que les travaux de Freud.
    Peut-être ça vaut la peine de nous rappeler que c’étaient des scientifiques?
    Autre grande percée, aussi grâce à la science: la pilule d’anticonception.

    Il est d’ailleurs très intéressant de lire l’entretien avec Myriam Illouz, qui à la demande de Onfray (quelque chose que l’on oublie trop souvent) enseigne des séminaires sur la psychanalyse dans l’université populaire:

    http://www.scienceshumaines.com/myriam-illouz–enseigner-freud-dans-l-universite-populaire-de-michel-onfray_fr_25600.html

    • Oui, tu as raison de souligner l’influence très importante de la pilule contraceptive dans la libération sexuelle des années 60. Mais Freud était bien plus en amont, à un autre niveau, dans le début d’une libération des esprits de la fin du 19e siècle par rapport au regard sur la sexualité : une sorte de pionnier. Ensuite pour l’incarnation de cet état d’esprit, il y a eu des gens bien plus importants que lui, comme Wilhem Reich par exemple et bien d’autres.
      Quant à Myriam Illouz la psychanalyste qui intervient à l’université d’Onfray, mais pourquoi n’en a-t-il pas parlé dans son livre ? Cela nous aurait fait tellement de bien, plutôt que cette lourde et trop longue condamnation unilatérale totalement indigeste.
      Je pense que ce livre est une erreur de jeunesse. Il s’est laissé emporté par une problématique personnelle aveugle. Je suis sûr que par ailleurs il peut être un chic type au grand coeur. Je l’ai vu à la télé encourageant les jardins de réhabilitation pour les SDF. En fait c’est un chic type qui a écrit un sale livre sur un sale type qui écrivait de beaux livres… Ainsi va la vie et ses paradoxes !

      • Maarten Aalberse dit :

        Comme quoi, nous avons tous nos saloperies parfois… Grâce à quoi on fait parfois des choses hors du commun qui secouent, de façon salutaire ou pas. C’est pas « à chaud » que nous pourrons évaluer les conséquences de nos actes. Et la même chose peut-être pour ce « brûlot ».

        Ce qui m’a frappé, quand je suis venu en France: la question régulière si j’étais un psychanalyste. Comme je ne faisais pas « du travail sur le divan », j’ai toujours répondu non. Et le nombre de fois que plus tard j’ai entendu de collègues: « Il serait mieux si tu dis que t’es un psychanalyste qui y intègre d’autres, nouvelles méthodes » m’a beaucoup interpellé. C’était il y a 15 ans, depuis les choses ont heureusement évolué.
        D’ailleurs, une question que je me pose et que tu pourrais répondre: est-ce que dans son livre Onfray attaque Freud ou aussi « la » psychanalyse? Ou les (quelques) psychanalystes scélorsés qui ne supportent pas que l’on touche « a mon Freud »?
        Peut-être la mérite d’un livre comme celui d’Onfray s’avéra qu’il permet de relativiser « l’évangile selon Freud »? Je crois qu’il y ait toujours beaucoup de croyants!

        Je suis très curieux après le prochain livre d’Onfray, sur le freudo-marxisme, et j’espère que dans celui-là il arrive à être plus généreux en disant que Freud à ouvert des chemins fort importants.
        Et finalement, j’aimerais voir que plus de psychanalystes reconnaissent qu’il y avait d’autres géants qui ont eu (et continuent à avoir) une très grande influence sur le développement de la psychothérapie, comme par exemple Milton Erickson. Ce dernier n’a guère été influencé par Freud, je crois.

        A un autre moment, j’espère que nous revenons aux autres sujets que ton article a abordé: la science et la psychothérapie (je note en passant que tu n’as pas répondu à ma remarque sur Kinsey/ Masters & Johnson), le contre-transfert, les stades de développement et le livre de Martine Laval. Tous des thèmes qui méritent un page à eux tout seul, je trouve.

  2. oui, tu as sans doute raison, dans un pays comme la France, qui est le seul pays au monde où Freud est toujours révéré comme un Dieu dans certaines chapelles, en particulier autour de St Germain des prés à Paris, ce livre pourrait avoir son utilité, sauf que dans la forme il est trop maladroit et vraiment indigeste.
    Effectivement, il concentre le tir sur le seul Freud, à l’origine de cette église institutionnelle de la Société psychanalytique », basée sur le dogme et l’exclusion. C’est une erreur, il aurait aurait du extrapoler les responsabilités, parler plus de la responsabilité des disciples bêlant et de ceux qui sont partis pour enrichir le mouvement psychanalytique (au moins Reich et Jung) – pas un mot.
    Kinsey / Masters : oui je suis ok pour leur influence, mais ce n’est pas au même niveau que Freud – j’en ai déjà parlé.
    Effectivement le gros morceau de nos désaccords sont sûrement en rapport avec mon paragraphe sur l’épistémologie de la psychothérapie et des sciences humaines, quand je dis qu’Onfray est dangereux et que l’on peut se demander s’il n’a pas été payé par les TCC pures et dures 2e génération…

    • Maarten Aalberse dit :

      A plusieurs reprises, Onfray a annoncé que le sujet de son prochain livre est le freudo-marxisme.
      Cela m’étonnerait beaucoup si, à ce moment-là, il ne mentionne pas l’oeuvre de Reich. Il serait intéressant de voir si, à ce moment-là, il dressera quelques dérives de la psychologie humaniste, trop au service, ici et là, du néolibéralisme.
      Je ne crois aucunement que Onfray soit payé par les TCC deuxième génération pures et dures. Cela relève, je crois, plutôt de la démagogie paranoïde de certains psychanalystes – qui se sont efforcés aussi de suggérer que « Le livre noir » est écrit pour et par ces adhérents des TCC-2… Ce qui est au moins en partie à côté de la plaque.
      Quant à nos différences sur l’épistémologie et la science, je crois que nos différences se révèleront moins grandes quand nous nous donnons les moyens d’en parler de façon moins binaires.

      • Bon, j’attaque, Maarten.
        Ce jeune Onfray n’arrête pas d’en appeler à la méthode de validation scientifique pure et dure basée sur l’empirisme pour dénoncer le subjectivisme de notre pauvre Docteur. Je suis désolé, mais cette méthode ne peut pas marcher avec les techniques psychothérapeutiques et plus généralement les sciences humaines. Il s’agit là d’un autre mythe, le mythe de l’épistémologie scientifique matérialiste, il est né il y a 400 ans, il a eu quelques succés en ce qui concerne la connaissance du monde matériel grossier – mais il ne faut pas aller voir du côté de la physique quantique – et il fait malheureusement toujours des dégâts actuellement comme en témoignent les rêves infantiles de ce jeune philosophe qui se rapprochent étrangement de certains rêves entrevus à propos de l’épistémologie comportementaliste.
        Prenons par exemple la notion d’inconscient, il sera bien sûr toujours impossible de vérifier sa véracité expérimentalement et empiriquement, puisqu’il appartient à un autre niveau de la réalité, la réalité intérieure intrapsychique. Par contre, des générations de psys continuent et continueront à utiliser efficacement et avec succès cette notion d’inconscient dans une véracité intersubjective ontologiquement fondée par son succès, que cela plaise ou non à notre jeune philosophe.

  3. Maarten Aalberse dit :

    Pour me limiter pour le moment sur ton dernier remarque, pour les biologistes et neuroscientifiques il n’a jamais été une doute sur les processus inconscients… Donc je ne comprends pas sur quoi tu t’appuies quand tu dis que l’inconscient appartient à un autre niveau de la réalité.
    Il y a plusieurs moyens d’étudier les processus inconscients, l’introspection n’est pas la seule…

    Et ensuite, à propos de ta première remarque, mais tout ce que je vois et a expérimenté de l’ACT par exemple, marche très bien… Et leur approche très scientifique (et pas dans le sens de physioque quantique) a inspiré une nouvelle approche dans le traitement des autistes avec des résultats insoupçonnés auparavant.

    Quant à la physique quantique: de plusieurs côtés, et indépendamment l’un de l’autre, j’ai lu et entendu par ceux qui s’y connaissent vraiment dans la physique quantique que ce que l’on en a fait dans le monde psy est souvent une caricature proche du ridicule.

    Je crois vraiment qu’il faut aller au delà le pour ou contre des sciences diverses, et des façons diverses de vérifier ses hypothèses.
    Comme Varela dit, on a besoin d’une science qui intègre celle du première personne, celle de la deuxième personne et celle de la troisième personne.
    Donc l’introspection à une place importante – la dialogue aussi et… la science en troisième personne (qui te déplait tant?) aussi.
    Sinon on ne sorte pas d’une autre querelle de chapelle… Et ce n’est pas ce que je cherche.

    • Pour ce qui est de la conclusion de ton commentaire, je suis d’accord Maarten, je prône moi aussi des systèmes de validation intégratifs de toutes les technique psy quelles qu’elles soientt : une validation des résultats -disons empirique, une validation de la cohérence interne intrasubjective de la méthode, une validation de cette cohérence partagée (le nous intersubjectif) et une validation des facteurs communs de succès à toute technique (les qualités du thérapeute, la qualité de la relation, les attentes de chacun, etc…)
      Inutile de dire que c’est très complexe et il faut donc être très prudent sur les résultats.
      Ma critique vise notre jeune philosophe qui n’est pas du tout là dedans et oppose à l’affabulation freudienne une autre affabulation de la science empirique pure et dure, réductrice et unidimensionnelle, en ce qui concerne le domaine d’étude de la psychothérapie.
      Est-ce que tu es d’accord avec cette critique, même si tu n’a pas lu le livre ? Est-ce que tu es d’accord avec le fait que la position caricaturale de ce jeune philosophe au niveau épistémologique, rejoint malheureusement la position de beaucoup de comportementalistes et psychopathologues qui du haut de leurs validations « béton », sont prêts à exclure la majorité des techniques psy ?

      • Maarten Aalberse dit :

        Cette dernière question est trop tendancieuse à mon goût, Alain.
        Je vais te répondre autrement, même si cela va au delà « la souffrance du jeune Onfray ».
        Je crois légitime l’exigence à « la majorité de méthodes psychothérapeutiques », de valider selon des critères bien explicités et qui correspondent à leur méthode à eux, l’hypothèse que leur approche (ou des éléments de leur approche) obtienne effectivement ce qu’ils croient atteindre selon leur modèle (ou leur pub…).
        L’EMDR l’a fait, Carl Rogers l’a fait de sa façon, Kabat-Zinn aussi, etc. Pourquoi pas les gestaltistes PNL-istes ou holotropiens, par exemple? Je crois que, quand ces derniers acceptent ce défi, beaucoup des « purs et durs » vont se calmer.

        • « Je crois légitime l’exigence à « la majorité de méthodes psychothérapeutiques », de valider selon des critères bien explicités et qui correspondent à leur méthode à eux, l’hypothèse que leur approche (ou des éléments de leur approche) obtienne effectivement ce qu’ils croient atteindre selon leur modèle (ou leur pub…). »
          Nous sommes là effectivement très en désaccord Maarten, pour moi il s’agit d’une affabulation, d’un tour de passe pseudo-scientifique qui consiste à faire dire à l’étude ce que l’on a envie de lui faire dire. Cela n’a pour moi aucune valeur, que ce soit Kabat-Zinn, l’EMDR, Carl Rogers n’y change : ce n’est pas sérieux. L’observateur et ses attentes ne sont pas pris en compte. On est dans une méthodologie 19e siècle qui ne tient pas compte de la subjectivité de celui qui fait l’étude, ce que la physique quantique a par ailleurs mis en évidence. Mais bon, si ça rapporte des clients, pourquoi pas ?

          • Maarten Aalberse dit :

            Oui, effectivement, nous sommes très en désaccord.
            Cette discussion mérite plus de nuance – et des connaissances réelles sur les méthodes empiriques utilisées.

  4. Will Farnaby dit :

    Pour ma part, je n’ai pas lu le bouquin d’Onfray. Mais j’ai écouté le séminaire consacré à Freud qu’il a donné pour l’Université populaire de Caen, et sur la base duquel, justement, il a été écrit ce livre.

    Ce séminaire peut être écouté ici :
    http://www.franceculture.com/emission-conferences-de-michel-onfray.html?page=2

    (Petite sélection : émission du 5/08, 17/08, 23/08, 16/08 et 25/08. Attention, sur le site les émissions sont classées par ordre chronologique inverse.)

    Franchement, je suis déçu de la critique d’Alain Gourhant : elle me donne l’impression qu’il a lu le livre en diagonale.
    Non pas que j’estime qu’il n’y a pas de critiques à faire à Onfray sur ce travail. Mais, justement parce que c’est un travail riche, complexe, les critiques à faire sont, me semble-t-il, plus exigeantes et devraient se placer sur un autre terrain que celles, rapides, d’Alain Gourhant.

    Je serais très intéressé par un débat entre Michel Onfray et Bernard Stiegler, par exemple !
    Pour ne prendre que quelques éléments que j’ai relevés, il serait intéressant, me semble-t-il de montrer comment,
    – l’ignorance manifeste de la nature véritable de la relation thérapeutique,
    – la confusion entre psychanalyse et psychothérapie,
    dont fait preuve onfray, « entache » toute une part de sa critique – celle qui ne concerne pas directements les faits.

    Donc, balayer ce bouquin par la formule « Vous n’y apprendrez donc rien de nouveau » (est-ce d’ailleurs si sûr) me paraît réducteur. Et surtout, si tout a été écrit déjà, c’est de manière dispersée. L’intérêt – et l’objectif – du bouquin d’Onfray, c’est d’avoir rassemblé tous les faits de façon systématique : concernant la biographie, le travail clinique, l’élaboration théorique, l’organisation du mouvement psychanalitique, etc. Ce n’est pas rien !
    Un autre objectif ayant été d’utiliser sa notoriété pour faire connaître cette critique, puisque ceux qui ne l’ont pas – cette notoriété – et avait entrepris une démarche de ce type l’ont – d’après Onfray dans son séminaire – payé cher.

    Bien sûr, qui aura lu « Une histoire de la découverte de l’inconscient » de Hellenberger, « Ma vie » de Jung, « Freud et son père » de Philippe Laporte ou encore Jacque Van Rillaert, aura pu se faire une idée du personnage. Mais ça ne fait pas du bouquin d’Onfray quelque chose d’ininteressant pour autant.

    Bon, évidemment, je ne m’exprime ni en tant que psychologue, ni en tant que psychothérapeute, mais en tant qu’individu passioné par la psychologie. D’où ma différence d’appréciation avec Alain Gourhant, peut-être.
    Je ne me sens pas non plus très proche d’Onfray (je serais plutôt tendance Wilber), mais je trouve des choses intéressantes dans son propos.

  5. NSomwé dit :

    Onfray procède à une lecture niestchéenne de Freud dont il fait un philosophe et non un scientifique; Il nous offre des considérations sur le corpus niestchéen que nous sommes censés considérer comme autorisées. sans doute le fait-il selon des règles interprétatives des textes; Mais il est une chose étonnante c’est la lecture qu’il fait de l’evangile selon saint jean…qu’il lamine bien evidemment. Sauf que j’ai lu plusieurs fois cet évangile et que je ne tire pas les mêmes conclusions que Michel onfray en tire. Et même je pense que son interprétation est des plus erronée car faire de Saint Jean le père de l’holocauste est chose bien curieuse. Mais si, par rapport à un texte que je connais relativement bien je ne puis suivre les conclusions de Michel Onfray pourquoi lui ferai-je confiance quant à ses interprétations de Niestche et de Freud…que je connais encore plus mal que L’evangie selon Saint jean?

  6. valentini dit :

    Les casse-couilles en briseurs d’idoles

    Toute activité intellectuelle, suivie, qui, par son existence même, menace, non pas, selon le cliché habituel, « tous les conformismes », mais le conformisme autrement pesant des classes dirigeantes de la société française, plus spécifiquement défendues par certaines couches qui font assaut d’idéologie, sous des dehors réalistes, mâtinés de cynisme, s’offrant ainsi le luxe d’une mèche rebelle, toute activité intellectuelle donc qui ne se cantonne pas à n’être que symbolique, s’attire immanquablement les foudres de l’idiot médiatique qui a pour elle la passion que le four crématoire a pour les corps: tout doit disparaître! La politique de la boutique ouverte au sphinx financier. En voici un exemple qui combine Freud et Marx. La pertinence de cette association pourrait entrer dans la galerie du surréalisme, quelque peu trafiquant d’art et expert en analogie, si l’idiot en question avait au moins la fantaisie d’imaginer la chose comme amour de sirène à l’égard du vélocipède. Mais l’idiot médiatique, embarqué à bord du rouleau-compresseur du prosaïsme, rabote tout ce qui est bosse. Sa passion anthropologique dernière est: ni homme ni femme, actionnaire!
     
    Et fatalement, lorsqu’il fait des découvertes, quelque part, soufflées, sur une terre rendue aussi plate qu’un portefeuille d’actions, soit ça tombe pile poil, à plat, soit ça fait une énorme bulle, destinée à éclater entre les mains du dictateur du jour. Et justement, en voilà un qui a découvert l’esprit prophétique, propre aux juifs dé-judaïsés. On admirera au passage cette dé-judaïsation des esprits qui sans doute attend minuit pour fleurir plus commodément. Sa nudité, étant in vitro, elle craint les lumières naturelles. Freud et Marx donc, abstraction faite des hommes réels que ces noms désignent, quelle importance, c’est pas le moment de « tortiller du cul » tout de même, avaient en commun cette illusion: être des savants! Là, l’idiot étend son domaine propre et se fait peuple pour noyer dans la masse une pensée d’un bon mètre et moulée fraîche. L’emploi du mot savant à une époque fière d’arborer une volonté millénariste libérale de sortie définitive de l’archaïsme politique ne manque pas de saveur! On sent comme un pétillement annonciateur de lancer de bouchon, agrémenté d’un petit discours sulfureux, du genre: autruches! Relevez la tête! Ôtez vos verres idéologiques! Et buvez et mangez, l’heure est venue de la communion.
     
    Cette messe est évidement donnée en mémoire des pauvres diables aspirés par une forme ou une autre de messianisme. Désincarnés, il ne sont plus qu’ombres errantes, acharnées à se survivre, en vain. Pas de foi tranquille, sans cliché qui torche! La scène ici est à la manière de la nuit du chasseur. A main droite, l’esprit scientifique, à main gauche, l’esprit prophétique. Du catch attrape-coeur! Cette opposition qui fleure bon le synthétique repose sur un postulat implicite, laissé dans l’ombre: l’idiot qui parle, étant en mesure de déterminer ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas, est, par cette définition même, un scientifique. Freud et Marx sont ainsi ramenés à l’état de bruit et de fureur, objets d’une contemplation réservée aux seuls esprits dotés d’un calme olympien. Sans ça, les pires conséquences ne peuvent qu’advenir! Le corollaire d’une telle antinomie, soluble à l’origine, avant d’être tirée du pot cassé de la philosophie, par quelque membre viril de la confrérie médiatique, est que, et là, prolétaires, entrons dans la danse, réjouissons-nous, c’est son dieu que l’idiot assassine, le noyau de toute religion est proprement irrationnelle, because le prophétisme! Autrement dit la forme première de tout individualisme.
     
    D’un buisson ardent dont on ne sait aujourd’hui, s’il figure l’en-deçà brûlant ou l’au-delà palpitant de la vérité qui sépare le haut et le bas, comme ceinture de pantalon, se dégage, après refroidissement, le bouclier des religions naturelles. Si l’on mollit sur l’impôt du culte, la volonté de confiscation reste intacte. Marx et Freud sont donc au même titre que Moïse, des allumés! Et donc des pyromanes. Mais les deux premiers le sont de manière totalement anachronique, en tant que grands irrationnalistes européens, autrement dit suppôts du totalitarisme. Voilà une leçon de vie aussi renversante qu’avertissante de brutale détermination. Ce qui nous ramène ipso facto à l’idiot médiatique dont la figure logique ressortit au deux-en-un du fameux paquet Bonux. Car la question en l’air, lestée d’un certain sérieux, c’est-à-dire pasteurisé préalablement à sa mise sur le marché, revient inévitablement, du moins si l’on a un certain esprit de suite, à l’envoyeur. Quelle chose cachée, cette enveloppe rationnelle médiatique abrite-t-elle, à son corps défendant?

    Eh bien déjà, le même matériel que feux-Marx et Freud! Qui englobe ensuite, il va de soi, le monde, l’homme et la société. Ce bel ensemble naturellement affecte aussi, et comment non, notre briseur médiatique d’idoles. Mais s’il semble, chez lui, plus présent et massif, jusqu’à crever l’écran et inonder kiosques et librairies, il n’en est pas moins éteint au vu des productions respectives. C’est que le cerveau éruptif-intrusif de l’idiot médiatique, en tant que matière futuriste, ne tolère pas les choses mortes . Il est d’un autre siècle et d’une autre nature, plus ruminante, qui, un jour, un jour, peut-être, se révèlera comme nature d’un bloc, tiré de l’abîme, mastoc: ça pousse, ça gronde, ça explose vite, mais au final, rien! Disons trois fois rien, car, n’en doutons pas, en tant qu’être rationnel, ce bébé-krakatoa est né pour se renier. C’est même sa seule réalité.

     

    • Je ne vois pas très bien ce que vient faire votre commentaire, ici. Il est décalé, aussi bien au niveau de la forme qui m’apparait vulgaire, que du contenu : je ne le comprends pas et donc aucun dialogue ne peut s’ensuivre.