Il y a beaucoup de choses écrites sur mon site internet et sur ce blog, au sujet d’Osho et surtout de Ken Wilber.
Ce sont deux personnages qui ont marqué chacun à leur manière ma recherche intérieure, et je les ai appréciés pour la clarté et la profondeur de leurs propos :
Osho Rajneesh, dans les années 80, pour sa vision spirituelle iconoclaste, porteuse d’une vision intégrative, en visitant et commentant à sa manière toutes les grandes traditions spirituelles, ainsi qu’en intégrant au chemin spirituel, les principales psychothérapies de l’Occident,
Ken Wilber beaucoup plus tard, dans les années 2000 – grâce à un de ses rares livres traduits en français « Brève histoire de tout » – résumé de son livre essentiel « Sex, Ecology, Spirituality, the spirit of evolution (1995) » – , apportant un fondement philosophique et spirituel à ma conception de la psychothérapie intégrative, ainsi que je l’ai expliqué sur mon site.
Mais j’ai commencé à douter de Ken Wilber, à la lecture d’un livre récent, assez décevant théoriquement « Le livre de la vision intégrale » (2007).
Par ailleurs, j’ai aimé le livre de Frank Visser sur Ken Wilber « La pensée comme passion (éditions Almora)« , mais j’ai compris en même temps, que celui-ci s’était peu à peu éloigné à juste titre de son maître à penser (article sur mon blog en janvier 2010) .
Voilà que récemment je suis tombé sur une nouvelle critique de Frank Visser au sujet de Ken Wilber, contenant une comparaison avec Osho, ce qui m’a donné envie de faire à mon tour un commentaire sur le sujet, tout en développant des idées qui me sont chères.
La critique de Frank Visser
Voici une partie d’un long interview de Max Korman avec Frank Visser intitulé « Idéologie et Inflation, l’Ombre du mouvement intégral ou de l’intégralisme », que vous pouvez lire entièrement en anglais.
Ce passage, ici traduit, introduit une comparaison intéressante et à laquelle je n’avais jamais pensé, entre Osho et Ken wilber
Max Korman : Il y a eu beaucoup de personnes intelligentes et régénératrices qui ont fini de manière parodique, souvent elles étaient dans la première rangée des singes très célèbres, très forts, et narcissiques. Certains de ces hommes furent des révolutionnaires politiques, mais je pense également à des personnes telles qu’Osho et Wilber. Pensez-vous qu’il y ait un développement archétypal similaire dans l’évolution de ces deux personnages ?
Frank Visser : Il est intéressant que vous mentionniez Osho dans ce contexte, parce que je fus un de ses disciples (sannyasin) dans les années 1980, et je suis resté relié à son mouvement pendant environ trois ans. Osho, ou Bhagwan, comme il s’est appelé, m’a vraiment touché au coeur par sa lumière et la profondeur de sa vision dans ses discours sur la littérature mystique du monde entier (édité dans une centaines de livres). Regardant en arrière, je pense toujours que ses livres sont inégalés par n’importe quel professeur contemporain.
Cependant, les choses ont tourné court, quand il s’est déplacé en Oregon : il a fait un virage à 180°. Du laxisme et de l’insouciance au sujet de l’avenir, il s’est tourné vers une vision restrictive et légèrement paranoïde (il a pensé que le SIDA détruirait les deux-tiers de l’humanité). Il n’a pas pris également ses responsabilités dans la dégénérescence de la communauté qu’il avait formée autour de lui, et qui a montré un comportement hautement narcissique envers la population locale. Puis, il a été expulsé des Etats-Unis et a voyagé d’un pays à l’autre donnant des conférences d’une pâle qualité comparée à ses discours précédents.
Avec Wilber un scénario semblable est évident. Tout en n’étant jamais une personne très accessible, pendant ses premières années, il pouvait encore répondre à des vues différentes au sujet de son travail et cela d’une manière respectueuse. Après qu’il eut fondé ses propres institutions, il s’est intéressé à défendre et favoriser ses propres vues contre un monde extérieur hostile. Et je considère l’épisode de Wyatt Earp comme une baisse record de la communication intégrale.
Mais peut-être ces développements sont inévitables. Quand tout le monde autour de vous pense que vous êtes éveillé ou que vous êtes «l’Einstein de la conscience », comme dans le cas de Wilber, vous commencez à le croire vous-même. De plus en plus ces personnages vivent dans une galerie de miroirs, où leurs vues sont confirmées par les personnes qu’ils engagent. Toute critique pouvant déranger leur vision est ignorée ou écartée, exceptée occasionnellement par des dérisions supérieures, déguisées en réfutations intellectuelles.
Inflation et dévoiements de la pensée
Je ne suis qu’en partie d’accord avec Frank Visser sur la similitude de ces deux hommes par rapport à leur pensée résumée dans le titre « Idéologie et Inflation« .
Certes, dans les deux cas, nous sommes en présence de deux intelligences supérieures, avec des idées novatrices, et une propension à se mettre dans une perspective globale ou globalisante sur la vie et le monde, mais il y a aussi une grande différence :
Ken Wilber – il l’a toujours dit – est un philosophe (« un pandit » dans le vocabulaire traditionnel hindou) et comme la plupart des philosophes, il a construit un système de pensée à partir d’un savoir livresque – assez prodigieux d’ailleurs -, voulant rendre compte de manière la plus complète, la plus rationnelle et la plus structurée de la réalité dans sa totalité – voir pour ceux qui veulent approfondir le schéma des quatre quadrants dans un article du magazine Santé Intégrative et son explication sur internet.
En ce qui concerne Ken Wilber, la critique de Frank Visser me semble pertinente : plus une pensée se veut globale, totale, « intégrale »(dans le langage de Ken Wilber), et s’érige en un système idéologique pour penser la totalité du réel dans une sorte d’inflation, plus cela devient dangereux , car la pensée non seulement a tendance à réduire le réel, le simplifier, pour le faire rentrer dans le cadre de sa raison, mais de plus, un système à prétention totale ou « intégrale » , peut facilement devenir totalitaire et repousser toute critique ne rentrant pas dans le cadre de son système. Malheureusement l’histoire humaine fourmille de cette loi, qui de la pensée totale, conduit au totalitarisme, et Ken Wilber ne ferait finalement pas exception à la règle, vue la manière assez brutale dont il s’est permis de répondre à certaines critiques.
Mais cela me semble différent pour Osho, qui est un maître spirituel dans la plus pure tradition de l’Inde : il a vécu une illumination ou une expérience intérieure d’éveil individuelle, au début des années 50, puis, comme de nombreux maîtres qui parsèment la tradition spirituelle de son pays, il a réuni autour de lui un groupe de disciples pour leur partager cette expérience d’éveil et les moyens de l’atteindre, tout en faisant une critique virulente, voire provocatrice, des principales traditions religieuses faisant écran à cette libération- ce qui lui a valu de nombreux ennemis surtout en Inde.
Chez Osho, il n’y a pas la volonté d’interpréter intellectuellement la réalité pour en faire un système, mais au contraire règnent une suspicion et un doute sur les possibilité de l’intellect et de la raison d’arriver à la moindre compréhension du réel dans sa totalité – les centaines de discours n’étant là que pour tenter de décrire par les mots une expérience indicible, au delà des mots, tout en tentant de baliser certains chemins pour y arriver.
Je ne vois pas là, ce que Franck Visser appelle l’inflation de la pensée ou de l’idéologie, mais plutôt des mises en garde sur les illusions et les projections de toute idéologie, un peu comme l’a fait d’une autre manière, à la même époque un Krishnamurti.
Toujours au sujet de cette critique de l’idéologie kenwilberienne, j’aimerais ajouter une réflexion personnelle sur cette idée d’une simultanéité évolutive entre l’évolution individuelle de la conscience et l’évolution d’une conscience collective, ce qui est un des points forts du schéma intégral des quatre quadrants – un schéma dont Ken Wilber est très fier et qui contient l’évolution de toute la réalité, en particulier l’étroite relation évolutive entre le « Je » et le « Nous ».
Cette idée me semble loin d’être évidente, même si bien sûr il y a de multiples relations entre l’individu et le collectif auquel il appartient, entre l’homme et son environnement social. Mais si on se place en terme d’évolution de la conscience, cela reste très problématique.
C’est comme si il y avait au contraire un gouffre évolutif entre d’un côté les possibilités évolutives de l’individu, avec les nombreux chemins qui se présentent à lui pour évoluer vers sa plénitude d’être – cela à toute époque -, et de l’autre côté, une sorte de stagnation des groupes humains, des sociétés, de l’espèce humaine dans son ensemble, pire des régressions collectives périodiques faisant penser plutôt à un schéma cyclique « évolution / régression« , et ce n’est pas malheureusement l’inquiétante actualité de crise mondiale généralisée qui va me démentir… Comment comprendre aussi, dans les années trente, dans le pays européen le plus cultivé, cette régression si rapide dans la barbarie nazie, et qui va se propager dans le monde entier comme trainée de poudre ? Entre des sociétés multinationales prédatrices comme Arcelor Mittal ou Monsanto ou Apple et des tribus de chasseur-cueilleur de l’époque de Cro-Magnon luttant pour leur survie par tous les moyens, y aurait-il finalement quelque différence en terme d’évolution collective de la conscience ?
Finalement, pour parler de ce mouvement collectif de la conscience humaine, il y aurait plusieurs hypothèses :
soit c’est un mouvement cyclique de type « évolution / régression » ou comme le propose le titre de l’article : « grandeur et décadence » – que l’on pourrait d’ailleurs détailler en plusieurs phases ou schémas répétitifs -,
soit c’est un mouvement linéaire plat, où les changements de formes ne sont que superficiels et ne concernent en rien l’évolution de la conscience qui reste plate comme d’ailleurs le cerveau humain au niveau neurologique semblant ne pas avoir évolué depuis la nuit des temps,
soit – c’est l’hypothèse la plus pessimiste -, nous sommes collectivement en proie à une vaste régression permanente, une dégringolade depuis l’âge d’or à l’origine de la création jusqu’à maintenant, cet « âge de fer », où les souffrances de l’humanité sont à leur comble, – régression décrite dans de nombreuses traditions spirituelles, dont en particulier les traditions grecques et hindoues.
Il y a enfin la quatrième hypothèse, celle de Ken Wilber, énoncée avant lui par Teihlard de Chardin et Aurobindo, d’une évolution vers le haut, vers toujours plus de conscience, avec des moments de crise, mais qui sont là pour justifier les passages délicats sur le chemin de la grande ‘ascension collective de notre espèce élue.
Il y a aussi une cinquième hypothèse, dont on parle moins souvent, mais qui est peut-être ma préférée : tout cela est un mystère incompréhensible, qui n’est pas accessible aux limites et à la petitesse de la raison humaine, tout au plus peut on dire, comme les hindous, que c’est la « Lila du Seigneur » c’est à dire le jeu incompréhensible de la création dont l’homme est le jouet parmi tous les autres jouets – position difficile à tenir pour l’ego humain, mais légère quand elle est acceptée.
Il y a une bonne nouvelle au milieu de toutes ces spéculations hypothétiques : même si la plupart des individus sont happés et tourmentés par ce destin collectif qui ne peut faire l’économie de la souffrance et des régressions destructrices, il existe une marge de liberté et d’évolution pour certains individus pouvant se détacher de cet environnement collectif difficile. A force d’un long et exigeant travail de connaissance de soi-même, il est possible de se réaliser pleinement dans les plus essentielles finalités de la conscience humaine, tout en donnant à quelques uns le goût de cette évolution intérieure possible : les exemples sont nombreux de ces maîtres qui brillent comme des phares pour nous montrer les chemins et qui créent autour d’eux des collectifs ou des microsociétés fonctionnant un peu moins mal que la moyenne.
A noter, pour en revenir à Ken Wilber, que cette dissociation évolutive entre le « Je » et le « Nous », pourrait permettre de comprendre les contrariétés, les grandes impatiences et les colères de celui-ci, reprochant dans son livre « Boomeritis » au groupe social des « créatifs culturels » – ou « mème vert » pour les initiés : voir la spirale évolutive de Don Beck – de ne pas évoluer assez vite vers le stade suivant d’évolution, l’âge d’or intégratif ou intégral – le mème jaune. En fait, s’il y a eu sans doute évolution de la conscience à grande échelle dans les années 60 et 70, jusqu’à produire un groupe social conséquent aux valeurs humanistes et spirituelles intéressantes – les créatifs culturels -, nous en serions en réalité dans la phase de décadence ou de stagnation face au néo-libéralisme déchaîné.
Mais cela nous introduit à la deuxième critique de Frank Visser au sujet des deux hommes, qui pour ainsi dire se sont faits happés tous les deux par le poids des institutions qu’ils ont créées, c’est à dire finalement le poids régressif du collectif.
La régression institutionnelle
C’est le deuxième point de la critique de Frank Visser et comme je suis d’accord avec lui !
Nos deux hommes se sont faits pour ainsi dire absorbés et annihilés par les institutions qu’ils ont créées.
En résumant la critique de Frank Visser, il y a d’abord dégradation de la pensée du maître et de ses idées quand elles sont reprises et répétées par les disciples et les dévots, ensuite cet afflux de zélateurs crée comme un rideau ou un écran empêchant le maître d’être en contact avec la réalité, en particulier les résistances de la réalité, de sorte que disparait tout débat d’idées contradictoires et que la pensée se rigidifie peu à peu en dogmes.
Chez Osho cette régression semble la plus flagrante. A la fin des années soixante dix, quand le petit groupe de disciples devient de plus en plus nombreux, jusqu’à regrouper dans l’ashram de Poona une énorme foule de plus de cinq mille personnes, alors les choses commencent à tourner mal : la célébration du moment présent, point clé de la doctrine, devient une fête non-stop assez vulgaire, où sexe et argent font bon ménage dans la démesure avec une consommation de biens matériels indécente, surtout dans un pays très pauvre – voir la terrible provocation de la multiplication des rolls du gourou.
Il faudrait aussi parler de la vieille « histoire de pouvoir » inhérente à toute institution humaine et qui prend la forme ici d’un « staff » aux méthodes musclées et expéditives, annonçant les dérives futures et paranoïaques de la commune de l’Oregon aux Etats-Unis, où le pouvoir tombe peu à peu aux mains d’une bande maffieuse, ce qui entrainera le gourou sous les verrous, puis en exil. Les dernières années se passeront dans le silence du maître et de ses apparitions de plus en plus espacées, à cause semble-t-il d’une mystérieuse maladie contractée en prison aux Etats-Unis. Grandeur et décadence !
Même schéma pour Ken Wilber : les choses dégénèrent vraiment quand il fonde à partir des années 2005, l’Université Intégrale et ses multiples ramifications dans le monde entier. Le discours s’appauvrit et se caricature dans une intégralité risible voulant s’occuper de tous les domaines, mais en particulier les domaines les plus juteux en terme d’argent, c’est à dire le management mais aussi la politique. Curieusement depuis cette période, le « pandit » n’écrit plus, ne parle plus que rarement, son silence domine comme celui d’Osho à la fin de sa vie : souffre-t-il lui aussi d’une étrange maladie ?
Le dernier discours du Bouddha
Tout cela me fait penser à cette histoire du Bouddha à la fin de sa vie.
L’Eveillé se sent sur le point de mourir, mais il est venu comme chaque jour pour prononcer son enseignement – cela dure depuis quarante ans.
Il y a là comme d’habitude des milliers et des milliers de disciples subjugués, venus l’écouter parler. Mais parmi cette institution pléthorique de moines (la sangha), le Bouddha se rend bien compte que personne n’est éveillé, c’est à dire capable de prendre vraiment le relais de son enseignement. Il y a bien Sariputra, le plus érudit de tous, il y a bien Ananda, le disciple chéri, qui lui est tant attaché, mais finalement aucun n’est capable de lui succéder, aucun n’est vraiment éveillé.
Alors le Bouddha pour sa dernière apparition est venue une fleur à la main et il est resté là silencieux à contempler sa fleur, devant la masse innombrable des moines, dont certains commencent déjà à s’impatienter, à protester sur ce silence inhabituel qui devient pesant.
Quand on entend soudain tout au fond de l’assemblée , un grand éclat de rire : c’est Mahakasyapa, celui que tout le monde méprise parce qu’il ne dit jamais rien à s’occuper dans les cuisines et dans les toilettes aux tâches les plus subalternes. Alors, le Bouddha s’avance vers lui lentement, la fleur à la main, et lui tend cette fleur en le désignant ainsi devant tous comme son successeur. » Je vous ai donné tout ce qui pouvait être dit ; ce qui ne peut être dit, je le donne à Mahakashyapa et c’est le coeur de mon enseignement« . Stupeur générale !
Mais l’histoire n’est pas finie, une fois que le Bouddha fut mort, il est dit que Mahakasyapa dut s’enfuir loin de la Sangha, afin de se cacher pour éviter les menaces de mort à son encontre proférées par les tenants du pouvoir institutionnel en place. Il donna naissance à une lignée d’éveillés cachés et silencieux, qui, dans l’ésotérisme le plus complet, eurent pour mission de conserver la flamme authentique de l’éveil, loin de toutes les interprétations de plus en plus compliquées des différentes écoles postérieures du bouddhisme. Il semblerait que ce soient certains moines zen qui, dans leur infinie simplicité, sans parole, détiennent ce flambeau de la sagesse, cette fleur immaculée.
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Une des choses, Alain, qui me fascine, chez vous, c’est cette audace à évoquer des questions essentielles, et aussi le fait que ces questions me suggèrent des éléments de réponse disséminés dans ma conscience, et dont vous me faites eurékamment percevoir le lien. J’ai dit pour simplifier « disséminés dans ma conscience », mais j’aurais dû dire épars dans le livre dont j’ai souvent parlé, la « Révélation d’Arès », un de mes « livres de chevet », que vous me faites redécouvrir.
Ainsi en est-il de vos cinq hypothèses sur le mouvement de la conscience universelle.
Voyons.
Je récuse l’idée du « mouvement linéaire plat » parce qu’après la fausse couche de la SDN, la « Déclaration (dite exagérément « universelle ») des Droits de l’homme » atteste d’un véritable embryon de conscience universelle.
Votre cinquième hypothèse, celle du « mystère incompréhensible », me semble philosophiquement la plus tenable. Je lis dans le livre dont je vous reparle « Quelle intelligence d’homme, faible lumignon, peut comprendre cela? »
Cependant les trois autres hypothèses ont toutes une part de vérité sur le court terme, et toutes une utilité pour réfléchir et choisir sa vie.
L’hypothèse pessimiste est insistante dans la Révélation d’Arès, qui sous le terme de « péché des péchés » évoque une déspiritualisation accrue de l’espèce ramenée à une animalité techniciste sans âme, qui la vouerait à l’autodestruction. Ca rappelle Bergson: « le corps de l’homme démesurément agrandi par la science a besoin d’un supplément d’âme. »
L’hypothèse cyclique est évoquée par les « Plaies » de Dieu devant les malheurs toujours renaissants de l’humanité, plaies qui « à peine fermées » se « rouvrent » avec « un temps d’abomination à son comble », dont, en note, Michel Potay, témoin de la révélation, donne pour exemple les deux guerres mondiales séparées par « des années de paix relative », ajoutant « une nouvelle période de mal excessif (mal à son comble) s’annonce ».
L’hypothèse optimiste, nommée par Michel Potay « retour à l’Eden », constitue dans la Révélation d’Arès la « promesse » centrale, mais sa réalisation sera de longue haleine, puisque « quatre générations ne suffiront pas », et qu’elle supposera de la part d’un nombre significatif de terriens une dose suffisante de « pénitence », c’est-à-dire d’effort patient vers le bien. Ca me rappelle le prophète Jérémie: « Où est la route du bonheur? Alors suivez-la! ».
Michel Potay ajoute que les conditions historiques sont plus favorables, avec l’affleurement d’une conscience mondiale et l’enrichissement de l’expérience humaine par ses épreuves et la vanité de ses cataplasmes effrités: politique, religions…
Cette expérience humaine me semble concerner notamment le rapport des groupes à leurs guides, question dont vous parlez ici avec Ken Wilber et Osho, et que vous évoquiez avec moi à propos de Gandhi, de de Gaulle etc. Je crois qu’en proposant et en atteignant des objectifs restreints à leurs yeux mais suffisants à ceux de leurs troupes, ces hommes ont été victimes de leur succès. Ca me paraît notamment instructif pour de Gaulle, deux fois renvoyé par le peuple après avoir accompli une mission difficile, notamment parce qu’il voulait réconcilier droite et gauche en faisant de l’entreprise un lieu de coopération. La Révélation d’Arès apporte un regard particulièrement perçant sur le cas Jésus, victime notamment du succès de Paul et de… Je suis déjà bien long. Visons très haut, et disons-le, ou nous le regretterons.
Ce qui est intéressant, c’est que les hypothèses les plus variées et les plus contradictoires quant au sens de l’évolution humaine, sont toutes valables et peuvent être prouvées. Il me semble que cela explique le grand rire de Mahakasiapa…
Comment voyez-vous ce rire, Alain, vous qui m’avez recommandé « l’indignation »?
Le rire d’un maître assez élevé sur le chemin de la conscience pour ne plus souffrir?
Le rire moqueur (qu’on me reproche) devant nos rigidités?
Le rire provocateur de l’enfant: « même pas mal! »?
Le rire amer de Molière devant une hypocrisie qui l’indigne?
Pour moi, ce n’est aucun de ces quatre rires que vous proposez, François.
Il s’agit du grand rire spirituel à gorge déployée, devant l’indicible, l’incompréhensible, le mystère de ce monde assez incroyable finalement, c’est à dire au delà de toute croyance, de tout discours, de toute prophétie, au delà de la dimension mentale qui sera toujours réductrice pour ne pas dire aveugle.
Ce rire est surtout partagée dans les traditions orientales : hindouisme, taoïsme, et surtout zen. En Occident nous sommes beaucoup trop tragiques et mentalisés pour ressentir cela.
Ce n’est pas, Alain, que je ne puisse ressentir ce rire dont vous parlez, mais je vois mal comment il peut être compatible avec l' »indignation » que vous m’avez recommandée.
oui, pour moi il s’agit d’une intégration – créative par fusion de choses très différentes : voir sur mon site les différents niveaux d’intégration : http://www.psychotherapie-integrative.com/psy-integrative/cours-diplome-universitaire/niveaux-d-integration.htm.
Ainsi, je peux envisager une indignation qui se passe à un certain niveau, pleine de ce rire spirituel d’un autre niveau et ça peut donner quelque chose d’une dimension supérieure, très créative. Mais tout cela est à vivre et à ressentir.
Je ne voudrais pas que cet article devienne une affaire familiale! Mais je voudrais également apporter quelques remarques à propos de votre commentaire.
1/ Vous parlez du « poids régressif du collectif ». C’est souvent vrai, et comment l’éviter quand le niveau de conscience du créateur (de la théorie, de la religion, du groupe…) est nettement supérieur à celui de la moyenne de la population? Mais ce n’est pas toujours le cas. Si l’on prend quelques exemples, comme les Restos du coeur, le Secours populaire ou le Secours catholique, ou, de manière encore plus large l’Etat providence, c’est bien dans ces cas là le collectif qui se montre plus utile et plus efficace que l’individu; et ces collectifs sont le résultat d’un progrès de la conscience.
2/ Pour ce qui est de l’évolution de la conscience, je dirais ceci:
– pour s’opposer à regression, je préfère le mot progrès, car le mot évolution peut s’entendre dans les deux sens, négatif comme positif.
– comment choisir entre les hypothèses que vous proposez? La vision cyclique était bien adaptée à des sociétés qui changeaient peu, comme celles de l’Antiquité, qui l’ont d’ailleurs parfois adoptée. La « vaste régression permanente » me paraît fondée sur les mythes d’un âge d’or, dont l’existence s’explique probablement par la constatation de la difficulté de la condition humaine et une tentative pour l’expliquer.
Ma préférence en tant que personne et en tant qu’historienne, va nettement vers l’idée d’un progrès de la conscience. Bien entendu, ce progrès n’est pas linéaire; je le vois un peu comme une sinusoïde s’élevant lentement vers le haut Il y a de nombreuses régressions, parfois violentes, comme celles du XX° s. N’oublions pas non plus que jusqu’au XX°s. les différentes régions du monde n’étaient pas en phase, et qu’une régression ici pouvait exister simultanément à un progrès ailleurs. Les deux tendances (progrès et régression) coexistant en chaque homme, donc en chaque société, le niveau de conscience est différent selon les hommes, les pays, les civilisations à un moment donné; de là la difficulté d’y voir clair, et la place possible, effectivement , d’un mystère incompréhensible: pourquoi, à certains moments, la balance penche-t-elle plus d’un côté que de l’autre?
– L’époque actuelle, disons depuis 1900, me paraît marquée par une exacerbation de ces contradictions. La régression a bien lieu, vous le soulignez nettement. Mais les progrès de la conscience existent aussi: l’ONU (malgré toutes ses imperfections), la construction européenne pour tenter d’échapper à la guerre, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (pas toujours respectée bien sûr, mais qui permet d’avoir des repères solides), la multitude des ONG qui se sont constituées depuis 50 ans, une sensibilité plus grande au sort des autres, la naissance d’une
conscience planétaire, les mouvements écologiques, tout cela peut faire espérer, peut-être, une sortie par le haut de la crise actuelle.
Ceci dit, bonnes fêtes à tous les lecteurs!
oui, Claudine, je crois que vous avez raison au sujet de certains groupes (associations caritatives, ONG, etc) qui peuvent élever la conscience des individus – je suis plus dubitatif sur l’Etat providence…
Juste un bémol : ces groupes fonctionnent au mieux quand le nombre d’individus n’est pas trop important, sinon ça peut dégénérer très vite – je crois aux microsociétés mais pas à la société. De plus à l’origine de ces groupes il y a souvent la mémoire et l’exemple d’un individu d’exception qui les a créés, comme par exemple Coluche pour les restaus du coeur, et pour assurer leur fonctionnement harmonieux, il faut de toute manière des individus d’exception. Pour un Etat ce serait la même chose, mais c’est très rare qu’un individu d’exception se hisse au plus haut niveau, et si jamais cela arrive, il ne reste pas longtemps : voir Gandhi.
Pour « progrès » ou « évolution » : c’est un problème de définition de mot, mais le mot « progrès » est trop connoté pour moi « progrès matériel, scientifique et technique ; c’est un mot de la philosophie des lumières qui est pour moi, je m’en excuse, une philosophie pleine d’obscurantisme.
Quant au 20e siècle, il est vraiment l’illustration de l’âge de fer, l’âge des grandes guerres totales avec régression collective dans la barbarie. Il en est advenu quelques lumières que vous citez avec justesse, mais elles ne font que clignoter et finalement nous ne savons rien de ce qui va advenir de tout cela et c’est le mystère qui a le dernier mot. Bonnes fêtes à vous !
D’accord, Alain, on peut vivre en même temps des impressions agréables et désagréables comme le rire et l’indignation. Moi-même souvent je suis mal dans mon ventre et en profonde paix intérieure en même temps.
Mais rire et pessimisme, comment est-ce compatible?
On ne peut rire je crois qu’en paix avec soi-même, pas dans l’angoisse ni le trop de douleur. Le grand rire dont vous parlez veut dire qu’on est en paix avec le grand tout, qu’on n’a rien à lui reprocher. Si en même temps on est pesssimiste, ça peut par exemple concerner l’avenir de l’humanité… mais pas ce grand tout lui-même… et il me semble que ce rire, forcément heureux, doit bien quelque part dérigidifier et relativiser le pessimisme de l’intellect?
« il me semble que ce rire, forcément heureux, doit bien quelque part dérigidifier et relativiser le pessimisme de l’intellect? » oui, c’est ça, François, et en même temps cette intégration très créative contient quelque chose d’indicible qui échappe aux mots, c’est un étrange ressenti.
François Degoul, fait référence et du prosélytisme à une secte, celle de la révélation d’Arès, de Michel Potay, classée dangereuse par la commission parlementaire de 1996 et citée de nouveau par la Mivludes en 2005.
Cordialement
Ce que vous dites, Anon, me semble à peu près juste.
Ceci dit je ne considère pas la commission parlementaire de 1996 ni la Miviludes comme infaillibles, ni la notion de secte comme très fiable. Si vous jetez un oeil à google/ Internet, vous vous ferez une approche pluraliste et plus « intégrative » du phénomène Arès / Michel Potay.
J’ai bien conscience, par ailleurs, que l’équilibre est difficile à tenir entre le prosélytisme et l’étouffement d’un témoignage intime.
En tout cas si un jour on vous étiquète comme sectaire ou vous accuse de délit d’opinion, j’étudierai avec vous le fond de l’affaire et vous défendrai au besoin.
Cordialement.
Je n’apprécie pas du tout, Anon, votre intervention au ton inquisitorial et dénonciatoire, de même que je n’ai jamais reconnu les propos de l’ex-Miviludes dans sa pitoyable chasse aux sectes, qui fait de la France une exception culturelle du plus mauvais effet dans ce monde néo-libéral, dont une des qualités me semble encore être la liberté d’expression, de pensée et de croyance.
Par ailleurs, François Degoul ne m’a jamais paru faire dans ce blog de prosélytisme, mais plutôt échanger des idées et des points de vue du plus grand intérêt et je l’en remercie.
toujours au sujet de la thématique sur les sectes, je lis dans le dernier bulletin de la liste de diffusion du CICNS (http://www.cicns.net), cette intéressante citation de J.C. Guillebaud :
« En réalité, comme on le sait, les techniques de manipulation mentale n’ont jamais été aussi perfectionnées. Et la mise en condition collective (médias, publicité, etc.) n’a jamais été si répandue. Le procès intenté aux sectes se trouve ainsi gangrené par une vague d’hypocrisie. Tout se passe comme si l’époque cherchait surtout à se rassurer sur elle-même en cherchant à conjurer ce qui la hante. C’est dommage. C’est inefficace et dangereux. » Jean-Claude Guillebaud (source) »
La réaction antisecte est assez fréquente en France, je le sais d’expérience, mais je souhaite revenir au fond, « grandeur et décadence ».
Ken Wilber, je l’ai trouvé intéressant, mais trop systématique. Osho, je ne le connaissais pas, et je vois qu’aujourd’hui ces gens déçoivent par leur comportement, plus important que les idées.
Chacun a ses références, et Anon avait peut-être raison quelque part: elle n’est pas facile à assumer, la référence à Michel Potay, 83 ans. Mais je le connais bien, et contrairement à Ken Wilber et Osho, il me semble garder un comportement qui l’honore. Par ailleurs il y a une telle cohérence de fond entre son message et celui de ce blog que j’en ai été franchement secoué, comme jamais depuis ce 1er janvier 1989 où on m’a remis son témoignage, la « Révélation d’Arès ».
Pourquoi ces deux expériences, à vingt-quatre ans d’écart, m’ont-elles secoué?
Depuis l’enfance, je le découvre, je fais de l’intégratif sans le savoir.
A six ans je priais pour, dirais-je, « intégrer » dans l’amour mon père et ma mère qui ne se comprenaient pas, et à mon sens ne s’aimaient pas.
Mon choc de 1989, à quarante quatre ans, a été d’abord intégratif. La Révélation d’Arès, confirmant mes intuitions, transcendait le christianisme par intégration, apparemment par la voix du Ressuscité lui-même… en attendant le « Bâton de Lumière ».
Catholique sincère, j’avais à vingt ans déploré la division des chrétiens, puis j’ai trouvé des athées généreux, j’ai rencontré l’islam chez mes élèves. Or que dit le message d’Arès? justement qu’être chrétien, juif, musulman ou athée, peu importe du moment qu’on est homme de bien. Elle ajoute que ce « monde (qui) doit changer » ne changera que par l’effort intérieur, non par les « charlatans » de la religion et de la politique.
Et puis je m’intéressais naïvement aux histoires d’enfants qui ont vu la Vierge, à Lourdes, à Fatima, mais l’Eglise n' »intégrait » ça qu’un peu à contre-coeur, en disant que ça n’ajoute rien puisque « la Révélation est close avec la mort du dernier apôtre ».
Avec Arès, bang. Qui apparaît? dans un premier temps, le Ressuscité. Et pour dire que la Révélation n’est jamais close, que Muhamad (dit Mahomet) y a contribué, et que le fond prophétique est à relancer maintenant. En clair, il faut intégrer les révélations post-chrétiennes.
Mon choc de la fin 2012, c’est de constater qu’au-delà de certaines différences de sensibilité, et notamment la façon d’aborder la spiritualité orientale, pour la première fois de ma vie, je me retrouve ailleurs que chez les Pèlerins d’Arès en capacité de coopérer dans un collectif libre, souple et non sectaire cherchant patiemment la voie d’un monde meilleur par transformation intérieure, ce qui me conduit à suivre attentivement ce blog.
« le fond prophétique est à relancer maintenant. En clair, il faut intégrer les révélations post-chrétiennes. » Pourquoi pas ?
Mais en même temps dans ce prophétisme issu du christianisme ou de l’islam – c’est la même chose-, il y a beaucoup de choses qui me gênent : d’abord, l’aspect un peu désuet et convenu du langage et de l’expression, qui nécessite d’adhérer au préalable à une sorte de dogme, ne serait-ce que la référence à un Dieu transcendant, tout puissant et créateur de ce bas-monde. Par rapport à ce dogme, je serai plutôt du côté des athées et de la critique laïque et scientiste du 19e siècle reprise ensuite par la psychanalyse.
Ensuite il y a le problème de l’institution, c’est à dire de l’organisation des disciples autour du prophète, cela me semble souvent un peu infantile et pouvant mener à des dérapages, comme ceux d’ailleurs que je dénonce avec Osho et Ken Wilber.
Il me semble que la nouvelle spiritualité qui demande une renaissance – nous sommes d’accord – va devoir prendre de nouveaux chemins et de nouveaux moyens d’expressions, j’en reparlerai souvent sur ce blog, comme une question essentielle que je me pose.
Sur le problème de l’institution, je suis d’accord avec vous, Alain, et ne manque pas de le rappeler aux intéressés (vous savez que je peux être insistant).
Sur ce qui vous paraît gênant dans ce « prophétisme », je vous comprends. Simplement comment amener le public de culture judéo-christano-islamo-occidentale à sortir progressivement de sa prison religieuse si au départ on ne parle pas sa langue?
je considère pour l’instant le message dont je vous ai parlé comme le meilleur pont possible entre ce public et l’humanité de demain, comme pour l’instant je considère votre blog comme le meilleur pont possible entre le public de chez nous sensibilisé à la spiritualité orientale et la même humanité de demain.
Dans quelle mesure ces deux publics sont-ils dès maintenant prêts à travailler ensemble à leur « intégration commune »? est-ce prématuré?
En paix méditative j’accueille, cher Alain, les dérangeantes pensées de nouvel an qui m’ont assaillies à cette aube au réveil.
Hier soir en voulant être bref pour ne pas éterniser notre débat sur Michel Potay (celui sur Descartes a été long aussi), j’ai laissé passer ce qui me semble à présent une énormité: si vos observations sur la tonalité de la Révélation d’Arès s’appliquent bien à la première partie de l’oeuvre, dans la seconde, dite « Le Livre » et « reçue » trois ans après, c’est tout l’inverse.
Si j’ai plus haut, dans ce blog, évoqué ce poème déroutant, c’est interpellé par le vôtre sur la poésie de demain. j’ai éprouvé là une parenté profonde.
Mais alors pourquoi cette « Révélation » en deux temps de style aussi disparate? Si en 1974 Michel Potay, déjà bouleversé par le fond du message « reçu » et par l’aspect du « Ressuscité » s’adressant à lui, avait, en plus, reçu ça illico dans le style du Livre, il aurait été, je crois, complètement perdu. Au départ « on » lui a parlé sa langue.
S’habituer à la lumière demande une accoutumance, longue.