J’habite une forêt profonde
Les glycines poussent chaque année un peu plus
Nulle préoccupation mondaine ne m’atteint
Parfois un bûcheron chante
Je recouds ma robe de moine au soleil
Je lis des poèmes à la lumière de la lune
Je voudrais dire aux hommes
Que pour être heureux peu de choses sont nécessaires.Les quatre saisons et les oiseaux vivent en harmonie
Continuellement s’entend le bruit de la source froide
Je dis à ceux qui peuvent oublier leur fardeau
Venez errer librement au sommet des montagnes émeraudes.Quand on a abandonné le désir, tout est bien
Quand le désir est là, dix mille choses ne peuvent le satisfaire
Quelques légumes nourrissent
Une robe de moine est suffisante pour vêtir le corps
Je me promène seul au milieu des cerfs
Je chante avec les enfants du village
Je lave mes oreilles dans l’eau qui coule au pied des rochers,
Je contemple la beauté des pins au sommet de la montagne.Vivre en harmonie avec le vent et la clarté de la lune
Si je rencontre des enfants, je joue à la balle
M’abandonnant au plaisir, je compose des poèmes
Un jour un homme demandera :
« Où est donc le moine zen
absorbé au point de paraître idiot ».Ma vie, à quoi ressemble-t-elle ?
A une barque sans attache au fil de l’eau.Depuis que j’ai quitté mon foyer
Je laisse mes traces aux nuages et à la brume
Parfois je me mêle aux pêcheurs et aux bûcherons
D’autrefois je joue avec les enfants
Comment pourrais-je vouloir vivre avec les rois et les Seigneurs ?
Je ne souhaite pas non plus devenir un dieu ou un Saint
Je demeure là où je suis
Pourquoi voudrais-je être sur le Mont Song ?
M’abandonnant au mouvement de chaque jour,
je finirai ma vie en jouant paisiblement.Je suis le vieux moine du ciel de l’Ouest
Effaçant ses traces sur le Mont Kagami
Il ne compte pas les années, combien de robes a-t-il usé ?
Elles sont devenues comme de la fumée ou de la brume
Seule lui reste une canne de glycine
Il se promène au bord de l’eau dans la vallée en récitant des poèmes
Pratiquant la méditation, il contemple les nuages blancs autour des sommets
Quelle tristesse, ceux qui recherchent les honneurs ou la fortune dans ce monde flottant
Ils errent toute leur vie dans le vent et la poussière.La grande voie n’a pas de chemin
Je ne sais où se trouve la paix du coeur
On considère la vacuité ou l’existence comme des buts
Quelle différence entre un homme ordinaire et un éveillé
Si l’on s’attache au monde, poursuivant son ombre
L’ombre s’éloigne toujours plus
Si l’on chasse le faux et recherche le vrai
Le vrai devient cicatrice
Comprend cela par expérience et profondément
Si tu tombes même d’un cheveu dans le mental,
Tu t’éloigneras de la vérité d’une distance de mille univers.
Ryokan (Ryo : bon ; Kan : magnanime) est le plus populaire, au Japon, des maîtres Zen,
une sorte de St François d’Assise de ce pays.
Il vécut au 18e siècle, au milieu des décadences de la société de son époque
Nourri à la Source taoïste (Lao-tseu et Tchouang-tseu),
grand admirateur de Han Chan,
il vagabonda dans la contemplation des beautés de la Nature,
refusant tous les honneurs et les distinctions – surtout religieuses.
il laissa 2 800 poèmes calligraphiés qui sont de pures merveilles.
Il y a deux traductions aisément disponibles en français :
« Ryokan, moine errant et poète » de Hervé Collet et Cheng Wing Fun (éd. Albin Michel),
et « Ryokan, le chemin du Vide » présenté par Erik Sablé aux éditions Dervy.
C’est ce deuxième livre que je préfère, car il est le plus léger,
facile à emporter pour ceux qui aiment vagabonder
à l’écart des grandes décadences estivales.
Comme j’aime cette poésie. Elle me ressemble tellement; je m’abreuve à cette source
de l’enfance. Tout est quiétude ; seul le silence habité m’émerveille.
Merci pour ce chemin empli de vide et de présence.
La joie coule, riante au milieu des feuillus, et l’espérance enlace la confiance : une plénitude désaltèrante à n’en pas douter.
Qu’il est long ce chemin qui mène à cette simplicité!
Je suis d’accord avec vous Catherine; Toutefois, lorsqu’on a eu le bonheur de le vivre
très tôt dans son enfance, il est présent en nous et fait partie de notre histoire; encore faut-il avoir eu le bonheur de l’avoir respiré ce chemin; j’en conviens.
Belle et douce soirée à vous sur le chemin.
Michelle.
Si vous allez voir un psychologue, il vous demandera: » de quoi avez-vous besoin ? » ou « que désirez-vous ? »
Si vous allez trouver un maître, il vous dira « dites-moi ce dont vous avez besoin, et je vous dirai comment vous en passez ! » Abandonner le désir, tout un art pour toute une vie !
Derrière cette absence qui peut nous échoir, on pressent parfois, si la « grâce » d’une ouverture est offerte, une présence, et alors on la cherche cette présence, on a soif d’elle et à un pas on fait suivre un autre pas…avec une confiance souterraine même si le dehors nous invite à la défiance.
J’ai envie d’ajouter quelques remarques à vos propos, Catherine. Vous dites : « Qu’il est long ce chemin qui mène à cette simplicité! », je ne me sens pas trop en phase avec cela. D’abord, je crois qu’il faut faire attention au poids des pensées. Si je me répète que le chemin est long, il risque effectivement dans la réalité d’être long.
Alors qu’il y a beaucoup de témoignages qui disent le contraire : l’éveil, l’illumination, la révélation peuvent arriver très rapidement, très jeune, à l’impromptu, au moment où on s’y attend le moins. C’est très mystérieux et multifactoriel, il n’y a pas de loi de longueur.
Pire, il semble qu’il n’y aie pas vraiment de chemin pour y arriver, ou en tout cas, c’est en abandonnant toute idée de chemin que l’on y arrive – je crois que c’est Krishnamurti qui disait que la Vérité est un pays sans chemin. Tout à coup un espace intérieur s’ouvre au delà de tous les chemins, ou en deça, comme s’il avait été toujours là de toute éternité.
Vous dites aussi : « alors on la cherche cette présence », c’est un peu la même chose, plus on la cherche, moins on a de chance de la trouver, car elle est déjà là, et il s’agirait simplement alors de lâcher prise : cela ne fait pas partie du monde de la recherche ou du désir, ce qui est une excellente transition au commentaire que je voudrais faire au dernier message d’Anne-Marie.
Bonsoir François
Aucun désir, aucune attente, simplement être.
Belle soirée à vous.
Michelle.
Je me permets de vous renvoyer à ce conatus de Spinoza et je recopie ce texte pris http://www.philolog.fr/le-desir-comme-puissance-detre-spinoza/.
Impossible de le recopier, je vous le laisse lire et méditer.
Ce moine ne pouvait qu’être heureux.
merci, Anne-Marie, de nous partager ce texte intéressant au sujet de Spinoza, mais je crois qu’il y a quelque chose d’inconciliable entre cette vision de Spinoza – tout est désir dans l’immanence – et la vision de Ryokan : « Quand on a abandonné le désir, tout est bien. Quand le désir est là, dix mille choses ne peuvent le satisfaire ». C’est une question de paradigme et là, chacun fait son choix en fonction de sa sensibilité.
Pour moi, bien sûr, je suis du côté de Ryokan et je ne vois pas du tout comment je pourrais m’acclimater à un monde où tout est immanent et où tout n’est que désir, moi qui voit partout les traces de la transcendance et qui pense que le symptôme le plus grave du monde actuel, soit justement la multiplication et l’exacerbation de tous les désirs dans la consommation et la marchandisation du monde, alors qu’il faudrait justement que l’être humain mette un frein, une limite à ses désirs, pour ne pas être englouti dans les conséquences de sa voracité désirante.
Bref, moi qui pense que l’humanité a besoin d’une ascèse nécessaire et de l’expérimentation de l’état sans désir, je ne vois pas trop ce que je pourrai faire de Spinoza qui ne m’a d’ailleurs jamais inspiré.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’une intégration Ryokan-Spinoza est possible ?
Les événements de la vie m’apportent sans arrêt des possibilités de constater le divorce de mon faire avec mon dire. Sans complétement faire le grand écart, je dois constater qu’il y a quelque chose en moi qui me scotche parfois dans des réminiscences affectives qui arrêtent ou ralentissent le processus vital qui se voudrait sans attache au fond de la casserole. J’en veux pour preuve l’arrachement anormal qu’une mère peut vivre et ressentir quand un de ces enfants s’éloigne vers ce qu’elle a toujours voulu pourtant mais qui une fois réalisé la déchire, l’arrache à cette matrice dont il faudra pourtant qu’elle se défasse pour permettre la vraie différenciation et ouvrir à une relation plus aboutie. La vie est une sacrée randonnée, avec parfois des sentiers abrupts qui risquent fort de nous faire tomber. Mais il faut tenir pourtant sur ce fil ardu du funambule qui cherche sans arrêt son équilibre, Dieu que c’est rude!
oui, Catherine, il y a d’abord le dire et le faire. Le dire est généralement un prémisse du faire, une préparation, sauf pour l’être, où il faut d’abord être dans le ressenti, avant de dire. D’où peut-être souvent le divorce, car beaucoup s’adonnent à dire l’être avant de le vivre.
Ensuite, il y a le problème de la matrice. Je crois que c’est une difficulté inhérente au chemin de l’incarnation « femme », d’où possessivité, fusion, attachement à sa progéniture. Cela se travaille doucement, patiemment, consciemment. L’homme a beaucoup moins ce problème, mais il en a d’autres du côté du mental, du pouvoir et de l’omnipotence et de la prédation ; à chacun son travail intérieur sur cette terre ; c’est le seul travail qui est un sens, à mon avis.
En lisant, ce poème de Ryokan, ma première réaction, ca a été l’extase devant cette transparence cristralline comme une fraîche cascade illuminée de soleil.
Et puis, le fil de mes pensées, jour après jour, suit un peu celui des commentaires qui précèdent le mien.
Il ya le dire et le faire, Ryokan et Spinoza, l’extase nirvanhique revenant comme à l’intrautérin face aux secousses internes du désir…
J’ai vécu à vingt ans la thèse de Ryokan, puis le brutal réveil antithétique du malaise et du désir, puis la synthèse de l’âge…
A vingt ans, je rêvais comme Ryokan et comme Thoreau et comme JJ Rousseau d’une vie pleinement remplie par la méditation dans la nature, et dès que j’ai gagné ma vie, à 22 ans, j’ai passé tout l’été seul en montagne.
Cette solitude vaguement mystique m’a non seulement rassasié, mais comme le Chateaubriand romantique de René, elle a nourri mes rêves de vie amoureuse, de « désir », de couple,
et puis après deux autres étés encore largement solitaires en montagne, je suis retombé de « haut » en constatant que mes malaises psychosomatiques exprimant Dieu sait quoi de mystérieux me retrouvaient dans cette solitude.
Et une cure psychanalytique m’a montré que j’étais aussi un être de désir,
et que ce désir pouvait à travers l’amour humain donner vie de Père,
et à travers les échanges sociaux contribuer à améliorer la vie autour de moi,
que j’étais un pur « gémeaux » perçu comme très sociable, et en même temps ayant grand besoin de ce repli contemplatif et méditatif… dont pourtant je ne pouvais sans m’égarer faire toute ma vie.
Et maintenant… je prends la vie comme elle est donnée… avec ses maîtres spirituels du changement intérieur soucieux de transformer le monde (Jésus, Gandhi, Baha’ ullah, Michel Potay), et ses maîtres spirituels insistant sur la noblesse et la grandeur de la dimension extatique, émerveillée et contemplative (le zen, Ryokan, Alain Gourhant…).
François d’Assise disait à sa mort qu’il s’était montré trop dur envers son frère corps…
S’astreindre à une mystique ascétique pour tuer le désir me semble excessif, mais oublier en nous cette diemnsion de petit enfant émerveillé pire encore sans doute.
Merci François pour le partage d’éléments de votre vie. Mais plus qu’un simple malentendu sur la signification du mot désir, nous nous trouvons face à la pensée (vision ) orientale, ici bouddhiste du texte de Ryokan. Partout, le Désir est le moteur de la vie. Sans lui, il n’y a pas de vie et d’après moi, quand Ryokan parle de l’abandon du désir, il parle de (craving), le désir avide qui mène à l’attachement. Le nirvana n’est pas imaginable ou appréhendable par la raison de celui qui ne l’a pas atteint.
Dans les problèmes de dépendance, on peut voir ou sentir mieux ce qu’est ce désir, cette avidité. Mais même lorsqu’en s’en est sorti de ce genre de désir (cigarette par exemple), ça ne fait que commencer. Pour beaucoup d’entre nous, au moment de la mort, le Désir de vivre (cette fois) est toujours là, et …..il faut mourir ! Certains bouddhistes disent que même le désir de vivre doit être abandonné pour vraiment commencer à vivre ! et ce désir , je ne suis de loin pas prêt de le lâcher. Peut-être un jour……..
« Certains bouddhistes disent que même le désir de vivre doit être abandonné pour vraiment commencer à vivre ! et ce désir , je ne suis de loin pas prêt de le lâcher. Peut-être un jour…….. »
En lisant chez vous ces mots, François, je prends conscience de ma quasi septuagénaire originalité intime.
D’abord ça me rappelle un texte proche du bouddhisme que m’a donné ma fille sur la spiritualité d’Ignace de Loyola. Selon lui, le sens de la vie étant de servir Dieu, tout le reste doit être considéré comme égal: pauvreté ou richesse, maladie ou santé, vie et mort…
Est-ce ainsi pour moi? Ai-je abandonné tout désir, toute préférence personnelle?
D’un côté le moi animal se rebiffe contre la souffrance, quand j’ai le nez bouché par exemple. Je désire respirer librement.
En revanche, mon moi spirituel se dit:
« tout vient de Dieu, la conscience vient de Dieu, il la donne au vivant, il la donne autrement au mort, mais la grande joie de la vie, c’est de se savoir vivant, et même sans corps, je crois qu’en paix avec lui-même, le mort garde cette joie existentielle.
Alors finalement, pour que ma conscience sente défiler sa joie de vivre existentielle, les yeux et les oreilles de l’âme (j’avais écrit « du coeur ») suffisent, il faudra bien faire son deuil des yeux et oreilles de chair et de toutes ces bricoles comme nos clés, papiers, comptes bancaires et autres dont la perte s’accompagne d’instants de deuil.
Cette tristesse intérieure du deuil que l’on connaît parfois vivant, on va la retrouver mort, je crois, le temps de faire son deuil de tout ce qu’on pouvait faire avec son corps…
En ce sens le Coran attribue aux morts une reconnaissance fugitive d’impressions passées:
« Ils diront: « voilà ce qui nous était accordé autrefois », car des mets semblables leur étaient donnés ».
Ainsi, cette joie de vivre existentielle se purifiant de deuil en deuil, tout cela je connais déjà, alors que ce soit avec ce corps ou sans lui, ça ne m’importe pas tellement.
Pourtant, je me dis raisonnablement que même si je me sens un peu fatigué de ce monde pollué, méfiant, avide, et trop aveugle sur son avenir et sur son humanité divine, même si les différentes nuances intimes de la vie, je connais, il me semble souhaitable que j’y reste encore un temps pour laisser à la postérité la trace que nulle autre ne tracera à ma place et qui ne se pourra plus tracer sans mon corps.
C’est ce sens urgent que je donne à mes jours terrestres, sans me formaliser que tout instant soit peut-être le dernier.
merci François de tenter la synthèse « désir – non-désir », bien que je n’aime pas ce mot synthèse un peu trop hégélien à mon goût.
En fait, je crois que j’ai poussé le bouchon un peu loin dans mon choix des poèmes de Ryokan et ensuite dans mes commentaires ; c’est volontaire, au sens où je voulais provoquer la réflexion sur ce qui est pour moi une des intégrations majeures de la mutation de la conscience actuelle, que l’on pourrait aussi appeler l’intégration « orient – occident ».
Tant que l’on voit les propositions « désir – non-désir » comme des contraires, en combat l’une contre l’autre, on ne peut que se crisper entre ascèse et ébriété et c’est un combat perdu d’avance.
En fait, vous savez mieux que moi que l’homme est multidimensionnel et que ces dimensions – qui en font sa richesse -, ne sont pas là pour se faire la guerre. Parmi ces multiples dimensions, il y a la dimension du désir (corporel-émotionnel-mental) et la dimension du non-désir, la plus haute dimension – spirituelle ou transpersonnelle dans mon langage. Ces deux dimensions se visitent au début, comme l’on visiterait des pays très différents, et j’ai bien aimé vos retraites successives, qui sont effectivement les pays les fréquentés du non-désir – cette société étant dans la folie collective, il y a nécessité de se mettre en retrait régulièrement pour se retrouver.
Je crois qu’il y a comme un va et vient, au début, entre ce pays très fréquenté du monde du désir qui est un credo majeur de la société occidentale – prenant une dimension délirante dans la société du spectacle et de la marchandisation du monde – et les retraites nécessaires du non-désir. Il y a déjà là l’idée qu’il faut prendre ce va et vient comme une promenade, plutôt que comme un voyage douloureux avec des gardes frontières méchants et exigeants.
Et puis vient un jour l’intégration, c’est à dire pouvoir vivre n’importe -où, dans « le désir – non-désir », être intégré à cette société dans le « faire et l’avoir », tout en étant ailleurs dans l’être ou la vacuité délicieuse. Cela devient alors comme une danse, on fait les choses que l’on a à faire avec un grand sourire. C’est le plus difficile peut-être, les contraires s’enrichissent mutuellement dans une création sans limite qui est belle.
Il faut ajouter qu’à l’heure actuelle, vu le contexte délétère des désirs addictifs, et vue la place supérieure du non-désir dans l’échelle des dimensions humaines, le non-désir reste une priorité absolue à cultiver. C’est une sorte d’ascèse nécessaire, mais consciente, c’est à dire non imposée par l’extérieur, mais venant de notre plus profonde intériorité qui est douceur et accueil.
Quant à la mort évoquée par l’autre François, effectivement c’est le grand passage vers l’autre monde du non-désir. Mieux vaut s’y être entraîné à l’avance dans ce monde-ci, comme par exemple par la méditation, qui est une sorte de mort ponctuelle avec visite dans le non-formel, le Vide, la Vacuité lumineuse, l’Un – peu importe comment on l’appelle.
Ah, encore une remarque, François, je n’aime pas trop me retrouver dans les petites cases « extatique, émerveillée et contemplative » avec Ryokan. A ma manière je suis soucieux de transformer « le monde ? », non, juste peut-être quelques âmes – le monde restera toujours comme il est, c’est à dire parfait, et ça fait partie du jeu d’une partie de ce monde que de s’exprimer par l’imperfection humaine.
Quelqu’un disait : » le monde est parfait ! Il n’y a que moi qui ne suis pas assez parfait pour voir cette perfection ¨.
A mon avis Alain, cette intégration orient-occident dont vous parlez, est difficile, et on tombe vite dans un syncrétisme arrangeant. Le Bouddha ne parle pas de Dieu. Mais comme le Christ, il est arrivé dans une période (environ 500 ans avant J-C) où le pouvoir n’était pas séparé entre politique et religieux ( dans mon exemple , spirituel irait aussi). Les Brahmanes usaient et abusaient de leur savoir, pour avoir le dernier mot et garder leur place, leur rang et leurs privilèges. Les Juifs de l’époque où le Christ est né, devaient assuremment être dans le même genre de situation.
Un Brahmane réel, n’est pas le produit d’une caste, mais un être en marche et en service.
Quelqu’un avait dit un jour à Jean xxIII : « je suis croyant, mais pas pratiquant » et il lui avait répondu : » Moi, je suis nudiste, mais pas pratiquant non plus « .
Même le mot Conscience doit être, à mon avis, utilisé avec précaution, quand on compare ou utilise les deux traditions. Dans le bouddhisme, si je me rappelle bien, il y a 5 consciences, une par sens, et une pour l’esprit qui « chapeaute » les 5. Et il y en a encore une 7ème, qui chapeaute les 5 autres et la 6 ème.
Tous les concepts bouddhistes tel que nirvana, vacuité sont très complexes,seulement déjà à les comprendre dans toute leur portée. Nous les réduisons si vite à des jeux de notre mental, pour donner un sens à nos vies. Le nirvana est, derrière le sens et la vacuité est aussi du domaine de l’être, et non du sens. Le Bouddha a nommé des bornes, afin que ceux qui parcourent le chemin puissent se situer. Je me demande si nous, occidentaux, nous parcourons le même chemin que les bouddhistes, ou les Indous ? Par contre, je pense que le chemin, quel qu’il soit, nous mène au même but.
Le monde est parfait puisqu’il existe,c’est à dire qu’il a les conditions requises pour exister, sinon il n’existerait tout simplement pas. En revanche, nous, nous ne sommes pas le monde, mais seulement une partie du monde, aussi, notre regard sur ce plus grand que nous est-il partial, partiel et limité! Mais en nous se trouve toute l’in-formation de notre de-venir, à nous d’engrammer peu à peu, au travers de nos traversées de nos épaisses forêts d’inconscience, le bijou de Pandore, et de voir qu’à travers cette adversité qui nous guette à chacun de nos pas, une possible trans-mutation des métaux en or est possiblement possible!
« cette intégration orient-occident dont vous parlez, est difficile, et on tombe vite dans un syncrétisme arrangeant. » oui, François, j’en suis conscient et j’espère que je ne tomberai pas là dedans.
Mais cette tentative d’intégration est pour moi nécessaire, non seulement dans un point de vue personnel, mais aussi par rapport aux failles sociétales de la modernité ou post-modernité.
Il s’agit, je le répète, non point de syncrétiser ou de synthétiser, mais « d’inclure et transcender » et c’est un des thèmes importants de ce blog.
Vous avez demandé Est-ce qu’une intégration Ryokan-Spinoza est possible ?
Chez les deux je repère ce que j’appelle Amour, si et uniquement si, amour n’est pas une question de sentiments ou d’émotions mais de « vigilance spirituelle » et cette vigilance s’applique partout et tout le temps. On le voit très bien dans la dernière strophe (ce me semble)
Oui, je suis d’accord avec vous Anne-Marie, ce qui re-lie ces deux hommes d’apparence si différente c’est ce besoin d’Amour c’est à dire d’ouverture et de justesse qui cherche à se construire, ne serait-ce que dans l’expression d’un écrit. Un écrit pourquoi? Parce qu’un écrit n’est pas la chose, mais quelque chose qui cherche à toucher la Chose, le vivant, le lien, le message qui réconcilie, qui pacifie ce que l’on est et ce que l’on dit de ce que l’on est…je crois
Moi, je dois dire que plus que cette limpidité, simplicité, clairvoyance, clairaudiance, je sens la Vie à travers toutes ses défaites et ses errements, c’est à travers ce qu’elle n’est pas la vie, que je sens autre chose en-dessous… Une renifleuse, je suis, je crois!
oui, je suis d’accord avec vous deux, l’Amour – Conscience, transcende toutes les différences des différentes voies pour y arriver. Mais cela ne veut pas dire, par ailleurs, que l’on ne doive pas faire le travail préalable de discernement de ces différentes voies, afin de ne pas nager dans la confusion.
« je sens la Vie à travers toutes ses défaites et ses errements, » cette formulation, Catherine, me fait penser un peu au processus initiatique de « mort et renaissance ». Il nous faut mourir à la vie pour renaître autre à la Vie. Est-ce cela ?
Oui, Alain, c’est un peu ça, car avant de savoir(ça-voir) on ne sait pas et c’est donc sur le terrain de nos erreurs que possiblement nous affinons notre route.
Car si nous savions déjà, avant d’avoir traversé quoique ce soit dans notre chair, cela voudrait dire à mon sens que cette co-naissance nous vient de l’extérieur et qu’elle n’est donc pas tout à fait juste.
Ce serait un peu comme de dire à un enfant ne touche pas au feu, ça brûle. C’est une co-naissance par ouïe-dire, du plaqué-or donc.
Pour que la co-naissance soit de l’or et non du toc, il faut l’avoir vécu en soi, dans sa propre chair, et ainsi l’enfant qui s’est brûlé au feu, inscrit corporellement dans sa chair cette in-formation, ce message « brûlure » a pris corps à l’intérieur de lui, signification même d’in-formation( formé au-dedans de lui), c’est intégré en lui, et il s’en souviendra.
Aussi, pour prendre son caractère de justesse toute chose doit passer au tamis de la traversée personnelle.
Le vécu est pour moi, l’aspect « possiblement » transcendental de la personne, c’est là que s’exprime la possible échappée des dualités qui ne cessent de nous encombrer. Le vécu vient nous chercher dans nos recoins et nous pousse à lire autrement ce que nous avions lu jusqu’alors. Il nous pousse à trier, sélectionner, à garder, à jeter et surtout à nous désidentifier de toutes nos prisons-matrices auxquelles par obéissance, par fausse loyauté nous nous attachons trop souvent, oubliant que la seule matrice qui vaille est celle de la Vie d’où tous nos principes doivent découler, et notre sens existentiel est de lui obéir d’abord à elle dans le double re-spect de nous-mêmes et des autres! Bigre, y’a du boulot, je parle pour moi!
oui, c’est tout à fait ça, Catherine, c’est très bien exprimé, je rajouterai juste à « la seule matrice qui vaille est celle de la Vie d’où tous nos principes doivent découler », que cette matrice de la Vie se gagne par des morts successives, encore un grand paradoxe…
Georges Sand disait : » l’esprit cherche, le cœur trouve ».
oui, mais l’esprit peut trouver aussi et le coeur chercher…
Je viens d’entendre qu’à l’aune du cœur, le cœur est partout pareil sur toute la terre. Alors que l’esprit est souvent lié à la culture. Or j’ai choisi ce blog « intégratif » parce que je crois que ce qui est vivant transforme et intègre. A ce titre là, je crois que vous recherchez la paix en vous et hors de vous et tous ensemble car tous les vivants ont besoin de la paix.