La grande ville étalait son charivari habituel
son désordre disparate
cet éclatement fonctionnel.
Les gens se croisaient sans comprendre
évitant de se regarder,
le ciel restait obstinément gris.
Quelque chose était perdu,
mais quoi ?
Soudain, au détour d’une rue, une exposition de peinture me fait signe
afin de répondre sans doute à ce questionnement.
Il s’agit d’une exposition de Geneviève Asse
La salle est immense
pleine de fenêtres en forme de tableaux.
Elles sont grandes ouvertes sur le bleu
une épiphanie de bleu qui vous saute au visage
au milieu d’un silence limpide et onctueux comme la vague.
Lentement se laisser infuser
se laisser inonder.
C’est un bleu de ciel et de mer mêlés
c’est un bleu pour une révélation essentielle
avec de la lumière,
de la lumière à profusion,
dans le silence en suspension.
C’est la résonance originelle de la Mer
quand elle accueille généreusement son Seigneur le Ciel.
Les mots se dissolvent lentement
le bleu a tout envahi,
le poème flotte comme un bouchon dérisoire dans le ressac.
Se laisser imprégner longtemps sans bouger
comme dans une église, comme dans un lieu sacré
où il y aurait partout des fenêtres grandes ouvertes sur l’Ailleurs.
« Une toile c’est comme une fenêtre,
mais la peinture se diffuse,
va hors du format »
dit-elle d’ailleurs dans un texte sur le mur.
Rester là longtemps
recevoir par tous les pores de la peau
cette diffusion de bleu
comme l’on reçoit toute la mer sur une plage déserte,
quand elle miroite au soleil du printemps.
« C’est la lumière qui me porte,
comme les oiseaux, l’air«
dit-elle encore…
Nous aussi nous sommes portés,
nous sommes sauvés.
La peinture, quand elle est inspirée,
nous sauvent in extremis de notre emprisonnement,
en toute simplicité,
sans mode d’emploi,
sans aucun mot d’explication,
le langage originel comme celui de la musique,
pour nous ravir au sens premier du terme
à condition de s’abandonner.
Et pour finir, encore un peu d’astrologie :
Autant l’article précédent exprimait l’aspect brumeux, brouillé, confus et indécis du signe du Poissons
entrainant le monde dans sa liquéfaction et sa dissolution humide,
passage nécessaire vers le sans-forme,
autant Geneviève Asse dans ses tableaux en exprime l’aspect rédempteur,
par ce bleu limpide de lumière et de plénitude
venant du Tout et qui diffuse partout,
pour nous sauver de cette dissolution fatale de fin de cycle.
Merci de cette ouverture sans limites,cette immensité qui « est »,quoique nous fassions,qui peut-être n’attend que notre « arrêt sur image » et notre plongeon,notre immersion totale dans cet ailleurs qui n’est pas ailleurs mais en nous..
J’ai senti un écho en lisant,une pensée d’Eckart Tolle,que je partage avec vous:
« You are the sky. The clouds are what happens, what comes and goes. » (Findhorn Retreat: Stillness Amidst The World)
La grisaille du ciel ces derniers mois a eu quelque chose d’oppressant,de limitant,comme un empêchement au décollage,à l’ouverture,un peu comme un couvercle épais,très lourd,qui clouait au sol;un manque cruel de lumière extérieure,qui a parfois eu le pouvoir de griser le ciel intérieur.Jamais auparavant je n’avais eu cette sensation,et j’avoue que tout ce bleu,toute cette lumière ce matin en vous lisant m’a inondée,lavée de ce gris morose;c’est Immense comme « effet »,l’addiction reste sans danger,fort heureusement..
merci de votre commentaire, Véronique. Je crois que les personnes qui sont sensibles au signe du Poissons ont particulièrement souffert cette année : « ça dissout et décape vraiment l’ego en ce moment dans ses formes les plus récalcitrantes », mais en même temps, il y a de grandes promesses d’ouverture dans le sans-forme; cela a à voir avec le ciel comme dans cette citation d’Ekhart Tolle, mais surtout avec la mer au sens océanique et originel du terme, car le Poissons est un signe d’eau.
Le 20 mars : tout change d’atmosphère…
J’avoue ignorer totalement si je suis sensible au signe du Poisson..j’ai lu vos précédents articles,dans lesquels vous parliez d’astrologie,et me suis trouvée un peu/beaucoup perplexe à ce sujet;essayant de ne pas avoir de jugement ou d’attitude définitive tout en ayant comme l’impression que c’était très loin de moi,très en dehors,un peu comme si je ne parvenais pas à me sentir concernée/affectée par ces réflexions.
J’aurais cependant sans nul doute une pensée pour vous et vos écrits à partir du 20 Mars,juste faire attention,mettre mes sens en éveil pour être réceptive,peut-être davantage ou simplement différemment..
oui, je comprends, Véronique, l’astrologie est une science très ancienne qui a été tellement combattue depuis si longtemps, et par le christianisme, et ensuite par la science matérialiste et rationaliste. Son utilisation dévoyée par les médias actuels a contribué à la déprécier. On peut donc facilement ne pas se sentir concerné.
Pourtant c’est une science holistique et intégrative à sa manière, intégrant l’observation du mouvement des planètes dans le système solaire, le cycle des saisons et une typologie de la personnalité humaine aussi intéressante que celle de l’ennéagramme, dont j’ai déjà beaucoup parlé.
Je souhaite que le 20 mars et les jours suivants vous réconcilieront avec elle.
Ca m’ a amusé, Alain, votre joli néologisme « disparâtre », qui connote avec ce répugnant suffixe « âtre » le mot déjà négatif « disparate », latin disparatum, dépareillé.
Pour le reste, votre poème m’a un moment plongé dans cet état de contemplation où l’on ne voit pas le temps passer, comme dans cette « église aux austères silences » dont parle aussi Vigny, ce silence « limpide et onctueux comme la vague », dites vous. Et là ces appels à d’autres sens que la vue me rappellent les correspndances baudelairiennes où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
L’essentiel, c’est que la poésie évoque ce qu’on veut évoquer, et vous « évoquez », appelez, produisez ce « transport », cette « ex-stase » au sens propre, où je me reconnais quand, je ne sais pourquoi, une autre couleur, le vert foncé me captive.
Donc merci.
merci François, bel éloge de la poésie, dont les mots sont là pour libérer effectivement les puissances d’évocation de notre esprit et plus encore.
merci pour l’orthographe : vous voyez un peu le piètre prof de français que j’ai été quelques temps, même si j’adore comme vous les mots jusqu’à rechercher leur étymologie, leur histoire.
En ce sens j’aime le « dictionnaire historique de la langue française » d’Alain Rey, même si au niveau de l’origine sanskrite, c’est un peu faible.