Raza : une peinture intégrant modernité et tradition

« Dans cet âge féroce du loup où se trouve l’humanité d’aujourd’hui,
il est besoin de résistance créative d’êtres humains qui indiquent la naissance d’une ère nouvelle.
Raza est l’un d’entre eux dans l’horizon du métissage universel à venir. »
Pierre Gaudibert  collection Raza – Mongillat tour du chateau Lascaris (12e – 14e siècle)  Gorbio

Raza et le village de Gorbio

C’est un petit village du nom de Gorbio,
il domine  de son chateau fortifié
le littoral de la Côte d’Azur, au dessus de Menton et Roquebrune-Cap-Martin

Il fait bon s’y promener le long des vieilles pierres de ses maisons
respirant la vie simple et calme,
loin du tintamarre confus des villes du bord de mer.

La plus belle surprise, c’est quand on rentre visiter le chateau ;
Sa tour sert actuellement de lieu d’exposition artistique,
dont la majeure partie est dédiée aux tableaux de  Raza,
un grand peintre originaire de l’Inde,
ayant longtemps séjourné à Gorbio chaque été
pour des retraites inspirées.

Voilà une peinture comme je les aime !
Une peinture intégrative tournée vers le haut,
en l’occurrence une peinture qui relie avec bonheur et créativité
la modernité picturale et les motifs de la tradition spirituelle indienne.

Qui est S. H. Raza ?

Sayed Haider Raza est né en 1922 dans un petit village du Madhya Pradesh en Inde, au beau milieu de la nature :

Cette nature, ce ciel, leur musique silencieuse ont marqué toute ma vie.
Vous savez, la vie est une aventure extraordinaire ;
au départ je l’ai vécue en communion avec des forces inexplicables (…)
Il y avait des forêts parmi les plus belles de l’Inde.
La rivière sacrée Narmada coulait devant la maison.
elle était belle et sensuelle.
Je savourais le calme de notre maison,
mais je découvrais aussi la violence des éléments pendant la mousson
ou le danger quand je voyais un serpent dans notre jardin.
Je vivais la peur et la sérénité, la crainte et la joie d’exister.
J’admirais les couleurs sur les marchés,
la beauté des sculptures dans les temples hindous.
Mon père était un exemple pour moi par sa conduite et sa perception spirituelle.
(Interview d’Olivier Germain-Thomas dans son livre « Mandalas » éditions Albin Michel 2004)

Raza fait des études à l’école des Beaux Arts de Bombay (Mumbai),
où dans l’effervescence de l’indépendance de l’Inde (1947 – 1948),
il découvre la modernité artistique venant de l’occident (Braque, Matisse, Rouault, Chagall…),
Il est particulièrement fasciné par la France, pour laquelle il obtient une bourse afin d’y venir étudier aux Beaux Arts à Paris.

Pendant quarante ans il fait de la France son pays d’adoption,
il y rencontre l’amour de sa vie, Janine Mongillat, artiste comme lui ;
il devient un peintre reconnu de l’Ecole de Paris,
il travaille et voyage beaucoup,  participe à de nombreuses expositions,
mais en lui demeure une profonde insatisfaction :

Je n’étais pas content de mon travail.
Dans la solitude de mon atelier, dans le silence de mes nuits, je m’apostrophais : « Où es-tu Raza ? Je ne te vois pas dans tes peintures ! »
Je pense que j’avais fait le tour de tout ce que la tradition française pouvait m’apporter.
Quelque chose me manquait,  une valeur qui provenait de mes origines :
la spiritualité dans l’art, cette Présence que l’on retrouve dans nos danses, notre musique, notre poésie…
Que faire ? Je me suis à nouveau rendu en Inde et, depuis lors, j’y suis allé chaque année.

C’est alors qu’à partir de 1980, il trouve une nouvelle manière de s’exprimer,
cette manière qui fera bientôt sa renommée.
Il s’agit d’une harmonieuse intégration entre les acquis de sa peinture abstraite précédente, et les figures sacrées  de la plus ancienne tradition spirituelle hindoue,
plus précisément la tradition tantrique avec ses mandalas et ses yantras,
représentations symboliques et géométriques  du monde.
C’est principalement cette peinture que l’on découvre à Gorbio.

 La peinture ne vient pas de l’intellect…

Parmi tous ces diagrammes symbolisant la création du monde,
issus de la tradition tantrique,
il y a le bindu et la spirale qu’affectionne particulièrement Raza.

Le bindu est un point noir qui représente l’origine du monde
– on pourrait  le traduire par semence, graine, germe -,
il contient le potentiel de toute vie,
il est plein de toutes les forces latentes qui ne demandent qu’à naître.
Les bindus sont souvent entourés dans les toiles de Raza,
par une multitudes de formes où dominent les triangles et les carrés,
dont le symbolisme structure la multiplicité  du vivant,
en particulier les triangles  orientés vers le haut ou vers le bas,
exprimant la dualité masculin / féminin.

Quant à la spirale, omniprésente aussi chez Raza,
qui tournoie majestueusement à partir du bindu central,
son mouvement circulaire de déploiement par spires successives,
symbolise dans la culture hindoue l’évolution de la conscience humaine,
ou l’évolution cosmique de l’univers,
Elle peut d’ailleurs se parcourir dans les deux sens,
dans une direction évolutive ou involutive de retour à l’origine.

Inutile de s’étendre plus longuement sur les significations intellectuelles de ces symboles,
car pour Raza, ce n’est pas cela qui est important.
A la question : « Par quels moyens faire vivre les principes que vous évoquez, leur donner forme et vibration ? »
Raza répond :

C’est tellement difficile à expliquer…
Je pense que la peinture n’est pas produite par l’homme, par le peintre,
mais que dans l’acte de peindre il y a des forces supérieures qui participent, qui agissent.
Sans elles, pas de grand art.
J’ai appris la technique de la peinture, mon apprentissage a duré plus de vingt-cinq ans,
mais il y a encore des jours où rien ne vient.
Il faut ralentir nos fonctions intellectuelles afin de permettre à la lumière intérieure de s’épanouir.
On atteint alors une sorte d’état second dans lequel il devient inutile de raisonner, les formes étant comme dictées par le ciel.
Je suis persuadé que les meilleures toiles sont faites dans cet état.
La peinture ne vient pas de l’intellect, elle vient des couches profondes de la vie et d’une élévation dans la perception intuitive.

Curieusement, il n’y a pas beaucoup de représentation sur internet des tableaux de Raza,
j’ai noté seulement ce site qui en donne une certaine idée.

Tags : intégration, peinture, traditions

Cette entrée a été publiée le mardi 11 février 2014 à 13 h 44 min, et rangée dans arts, spiritualité. Les commentaires et les pings sont pour le moment fermés.