Le séisme d'Haïti : réflexion 1

Maintenant que le tapage convulsif des médias s’est un peu apaisé sur Haïti, pour se tourner vers de nouveaux sujets d’horreur ou le prochain match de football de la coupe de France, le temps est plus propice aux réflexions en profondeur.
Ce beau texte de Voltaire écrit en 1755 sur le tremblement de terre de Lisbonne, me semble tout à fait d’actualité ;
« …Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien ; »
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants, l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !… »
Aujourd’hui, ce ne sont plus les philosophes de la Providence comme Leibniz qui tiennent le haut du pavé, aujourd’hui les chantres du « tout va bien dans le meilleur des mondes », et sa version actuelle : « consommez, consommez, braves gens, le bonheur est là, à votre portée… ! », ont changé de nature, ce sont tous les piliers d’une société de « production – consommation » basée sur le profit matériel et personnel – économistes, politiques, scientifiques, techniciens de toutes sortes –  faisant briller le miroir aux alouettes d’un monde lisse, parfait, sans bavure, fondé sur le progrès matériel et le combat triomphant contre la nature.
Mais la Nature justement se rebiffe. Et elle semble particulièrement se rebiffer par les temps qui courent, en témoignent un peu partout la multiplication des catastrophes naturelles depuis quelques années, dont le tsunami d’Indonésie et ce terrible séisme d’Haïti, en sont les les paroxysmes. La Nature serait-elle donc finalement la plus forte ? La Nature se soulèverait-elle pour nous rappeler à la réalité et nous sortir des illusions d’omnipotence d’une culture occidentale qui a perdu tout bon sens ?
Ce tremblement de terre terrible nous renvoie donc à notre fragilité ontologique, essentielle. Une fragilité qui nous ramène à l’humilité de notre condition humaine – du latin humus la terre. C’est seulement à partir de la conscience de cette fragilité et de cette humilité face à la Nature, que peut se construire une culture vraiment humaine. Tout le contraire de ces traders parisiens, qui quelques jours après le séisme, continuaient avec arrogance d’empocher un milliards d’euros, tandis que « les sinistrés se comptaient par millions en Haïti » – sombre et révoltant contraste, que le journal Le Monde du samedi 16 janvier soulignait dans sa manchette.

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