Thierry Janssen : ma retraite en Egypte

 

Ce texte est un extrait de l’interview que j’ai fait avec Thierry Janssen, au sujet de la sortie de son nouveau livre « Le défi positif », et que pouvez  lire en entier (en fichier pdf), tel qu’il figure dans le magazine Santé Intégrative n°24 (Novembre /décembre 2011).


AG : Vous sortez d’une période de silence de plus de deux ans, que vous appelez une retraite. Que signifie ce mot « retraite » et que s’est-il passé pour vous pendant ces deux ans ?

TJ : En 2009, je me suis retrouvé dans une situation périlleuse, au sens où je suis tombé malade. Je me suis senti responsable de cette situation, car suite à la parution du livre « La maladie a-t-elle un sens ? », j’ai répondu à de très nombreuses sollicitations. J’ai donné plus de 200 conférences dans 7 pays différents. J’étais épuisé.  Or, plus j’avance, plus j’ai besoin de préserver un espace à l’intérieur de moi, un lieu de paix et de silence. Lorsque je n’y arrive pas, j’éprouve de l’agacement, je deviens irritable.
En 2009, je ne vivais plus qu’à l’extérieur de moi, je suis tombé malade. Cela a commencé par une grippe que j’ai mal soignée puis, au mois de mars, l’infection virale s’est compliquée d’une paralysie faciale droite. J’ai tout d’abord cru à un accident vasculaire cérébral, j’ai eu très peur. Alors que j’étais hospitalisé à la Salpêtrière à Paris, sous hautes doses de cortisone, j’étais très fâché contre moi-même car j’avais fait exactement le contraire de ce que je recommande aux autres de faire.
Je m’étais considéré au dessus des lois du bon sens qui demandent de respecter les besoins essentiels. Il était temps que je consacre à nouveau du temps à mon travail intérieur. Il fallait que j’arrête de répondre à toutes les demandes de consultations, de conférences ou d’apparition dans les médias. C’était mon « petit ego » qui m’avait entraîné dans cette spirale infernale. Or ce « petit ego » n’est qu’une réponse à la peur, la peur qu’on ne lise pas mes livres, la peur de ne pas obtenir suffisamment de reconnaissance, la peur de ne pas être aimé. Je pourrais bien entendu aussi dire que j’avais le souci de propager un message humaniste car rien n’est tout blanc ou tout noir. Néanmoins, au-delà de cette bonne intention, il y avait les peurs absurdes de cet ego tyrannique, capable de me mettre en danger.

Lorsque je m’éloigne de mes besoins essentiels, j’ai l’habitude de me demander ce que j’aimerais faire, s’il me restait peu de temps à vivre. Cette fois, je désirais réaliser un rêve d’enfance : vivre en Egypte. Depuis l’âge de sept ans, je suis fasciné par la civilisation pharaonique. J’ai souvent voyagé sur les bords du Nil, mais je n’y avais jamais vécu longtemps. J’ai grandi dans une famille catholique, cependant ma spiritualité a d’abord été nourrie par l’Antiquité égyptienne. Voyager en Egypte est pour moi comme retourner à la source, ma source.
Je suis donc parti en janvier 2010 avec le projet de consacrer une partie de mon temps à l’écriture. Car je sais d’expérience qu’il est important d’avoir une discipline dans ces temps de repli, afin de ne pas se perdre. J’avais déjà effectué une longue retraite, un an après avoir arrêter mon activité de chirurgien. En Egypte, j’habitais à Louxor, sur la rive ouest du Nil, au pied de la montagne thébaine, dans une maison en briques de boue séchée, au milieu des champs, en bordure du désert, non loin de la Vallée des Rois. Je me levais tous les matins avant le soleil pour en contempler le lever depuis le toit terrasse de ma maison. Je me couchais très tôt, peu après le coucher du soleil que j’allais admirer dans le désert, avant de rentrer sous un ciel étoilé d’une pureté magnifique. En dehors des temps de marche et de méditation, je me consacrais à l’écriture d’un ouvrage sur la cohérence.

Au bout de trois mois le livre était terminé. Je l’ai envoyé à mon éditeur qui comptait le publier en octobre 2010. Mais la veille de mon anniversaire, en relisant le texte à paraître, j’ai pris conscience du fait que ma pensée n’avait pas été suffisamment nuancée, le sujet traité méritait mieux, autrement. Cela m’a plongé dans un profond questionnement. J’ai demandé à mon éditeur de ne pas publier l’ouvrage. Je croyais que je n’écrirai plus jamais. J’ai transféré le manuscrit sur une clé USB que j’ai enfouie dans une anfractuosité rocheuse de la montagne thébaine. Personne, même pas moi, ne pourra jamais la récupérer. Trois mois plus tard, de retour en Europe, le désir d’écrire est revenu…
AG : … le désir d’écrire : « Le Défi positif » ?
Absolument. J’ai eu envie de terminer un projet que j’avais commencé il y a cinq ans en écrivant « La Solution intérieure », puis « La maladie a-t-elle un sens ? ». Une trilogie consacrée à une conception élargie de la médecine, de la maladie et, cette fois, du bonheur et de la bonne santé.

J’ai choisi cet extrait car je  trouve que c’est un témoignage d’une grande sincérité et d’une grande sagesse – et la sagesse est devenue peut-être la chose la plus rare actuellement.  C’est comme une leçon de vie qui nous est adressé à chacun, car nous sommes tous plus ou moins entraînés dans cette spirale de la suractivité, où veut nous engloutir ce Système consumériste du « toujours plus » qui sait flatter par tous les moyens  notre narcissisme.
La retraite intérieure : « j’ai besoin de préserver un espace à l’intérieur de moi, un lieu de paix et de silence », et la retraite extérieure, me semblent être des solutions tout à fait adéquates à la folie de ce monde. La retraite intérieure est facile à mettre en place, elle est disponible à tout moment, et sa construction à l’intérieur de soi-même constitue  un des incontournables de ma pratique psychothérapeutique, dont je parlerai sûrement un jour plus en détail dans ce blog, avec la découverte de son « Lieu Ressource » ou de son « lieu sûr » (comme le dit l’EMDR).

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Une réponse à “Thierry Janssen : ma retraite en Egypte”

  1. Le bouddhisme parle aussi de prendre refuge, et la part la plus importante de ce refuge, c’est la préservation d’un espace à l’intérieur de soi-même que l’on appelle l’esprit du Bouddha, mais que l’on peut traduire de manière moderne et laïque par un lieu de paix et de silence soit sans forme, soit sous la forme d’un lieu imaginé, en faisant confiance au pouvoir des images positives sur notre esprit.