L’enfer de l’autoroute
C’est d’abord l’enfer,
l’enfer du périphérique parisien
ce serpent hystérique se mordant la queue
comme un cercle obscur de bitume,
nous aliénant tragiquementt à la matière.
S’engouffrer dans les tunnels
dans l’enfilade sans fin des tunnels
où nulle lumière n’est possible
si ce n’est la pâle clarté des néons
sur un monde artificiel.
Se retrouver sur l’autoroute,
chacun chez soi dans son automobile
fermée à double tour,
lancée à tombeau ouvert,
visages crispés sur le compteur
regards mauvais à la dérobade,
4×4 noirs dont la gueule monstrueuse
veut t’engloutir tout cru.
Vézelay boude
Halte nécessaire à Vézelay,
les arbres à l’entrée du village montrent leurs poings serrés,
des hordes japonaises bien compactes
déferlent des bus pour mitrailler de la photo,
un contractuel zélé distribue machinalement des PV sur le parking.
La basilique de Vézelay semble boudeuse
elle n’aime pas ces nouveaux pèlerins venus de trop loin,
ce tourisme de masse qui encombre bruyamment son narthex,
la nef est grise
la crypte d’une tristesse sans fond
il vaut mieux partir,
s’en aller plus loin.
Tournus, le cadeau de Noël
L’abbatiale brille dans la nuit
un point d’exclamation sur son clocher,
la messe de Noël a commencé,
dans la nef toute blanche
ferveur de la foule chantant à tue-tête :
Peuples qui marchez dans la longue nuit,
Le jour va bientôt se lever.
Peuples qui cherchez le chemin de vie,
Dieu lui-même vient vous sauver (bis).Il est temps de lever les yeux vers le monde qui vient.
Il est temps de jeter la fleur qui se fane en vos mains.Il est temps de bâtir la paix dans ce monde qui meurt.
Il est temps de laisser l’amour libérer votre coeur.Il est temps de laisser les morts s’occuper de leurs morts.
Il est temps de laisser le feu ranimer votre coeur.
Se réveiller de l’autoroute et son obscurité de bitume
dans cette nef de pierre blanche ruisselante de lumière,
recevoir enfin la bonne nouvelle d’un enfant qui viendrait nous sauver
de cette impasse souveraine où chacun roule à pleine vitesse vers le mur,
se laisser bercer les yeux fermés
sous la voûte en plein cintre
par le chant de ferveur,
se laisser porter par l’espoir,
rejoindre la foule s’en allant communier,
s’agenouiller enfin.
Hiérarchie des religions
Entre la religion consumériste et matérialiste du monde actuel, qui fonce à tombeau ouvert sur les autoroutes,
et cette religion chrétienne avec sa mythologie de Noël et ses rituels,
je choisis sans hésiter la seconde, qui me semble malgré tous ses défauts,
élever l’âme humaine vers le haut,
tandis que la religion consumériste actuelle propose la régression collective vers le bas,
où chacun s’agite hystériquement pour « en avoir toujours plus, le plus vite possible »,
avec ce pauvre cerveau humain dans l’addiction de ses plus basses pulsions prédatrices.
Quand tu es happé dans l’enfer de l’autoroute du midi,
par la loi de la vitesse et du chacun pour soi
alors, mieux vaut sortir à Tournus
pour tourner son regard vers le haut de la nef romane,
inondée de lumière et d’espoir.
Voeux2013
A tous et à toutes qui vous êtes arrêtés sur ce blog
et avez contribué à son cheminement,
je vous souhaite une belle année
– belle avant bonne –
parce que j’ai toujours eu la tentation de mettre la beauté en exergue,
comme trace et rappel d’un monde possible,
où nous serions pleinement nous mêmes.
Puisse ce blog participer à donner le meilleur de ce que nous pouvons donner
pour embellir ce monde qui en a tant besoin.
Tags : architecture, consommation, poésie, religions, voiture, voyages
Merci pour ce beau début d’année !
Je ne savais pas pourquoi je souhaitais à tous une belle puis une bonne année… Quelque chose d’instinctif me le dicte… Alors, belle route à votre blog ! et belle et bonne année à vous et à tous ceux qui croisent votre route.
Jocelyne
Merci pour ce beau cadeau de Noël, quelle magnifique méditation pour cette nouvelle année!
Est-ce la basilique de Vézelay qui est boudeuse ou son spectateur rendu morose par le chemin parcouru précédemment et les hordes de touristes?
La photo du clocher est remarquable de beauté et de sugestivité (le mot existe-t-il?) Il semble nous indiquer la direction à prendre, le chemin à suivre vers on ne sait quelle lumière; mais la nuit de Noël, cette lumière est tout un symbole pour certains; elle reste à préciser pour d’autres; en tout cas elle est là, et c’est l’essentiel.
bien vu, Claudine, c’est toujours l’oeil du spectateur qui colore la réalité de son humeur, et c’est moi qui était boudeur d’abord ; mais il me semble aussi que l’âme de Vezelay, si âme il y a , ne doit pas apprécier particulièrement ce bruit et cette agitation qui régnait en son intérieur.
Cela pose aussi la question de ce tourisme de masse assez superficiel finalement. La consommation partout…
« Si âme il y a » – vous êtes sévère, si ce n’est aveugle.
Malgré ses innombrables visiteurs, Vezelay est probablement pour moi le sanctuaire le plus vibrant et symboliquement riche. Son dépouillement et sa pureté forcent l’humilité.
Debout dans narthex obscure, sous les constellation du tympan s’ouvre un chemin pavé vers la lumière. Coeur de brique, celui qui n’a pas une émotion à l’entrée de l’abbaye.
Tournus est très jolie aussi, je m’y arrêtais systématiquement pour la messe lors de mes voyages dans le sud.
Je me permets de partager avec vous ce modeste haïku arrivé d’on ne sait où pendant ma nuit d’insomnie:
Lune éclatante
à la pointe du clocher
espoir et mystère de l’Etre.
Les oeuvres d’art (et je considère cette photo comme telle) nous permettent parfois d’avoir l’intuition fugitive, bien mieux que n’importe quel discours, de ce que peut être une réalité autre que celle de tous les jours.
Un grand merci pour nous avoir fait partager cette expérience, du moins pour moi.
Merci, Alain, de cette nouvelle entrée, et de ces voeux de belle et bonne année que je vous adresse également, ainsi qu’à tous nos bloggeurs et tous ceux qui nous sont chers.
Votre forme de poésie en versets courts me plaît et je sens qu’avec les ans ma prose subit un tropisme vers ce chemin.
Vraiment, oui, ce chant du peuple de Dieu que si souvent autrefois j’ai chanté à l’église, avec son harmonie dans la nuit plus porteuse encore que ses mots, dans cette beauté je me reconnais,
et aussi dans ces paroles: « Il est temps de bâtir la paix dans ce monde qui meurt.
Il est temps de laisser l’amour libérer votre coeur. »
Mais aïe! ce cadre de la messe, « renouvellement du sacrifice » sanglant d’un fils, tant de siècles après l’interruption du sacrifice d’Abraham!
Pour Vézelay, j’en avais tout de même -c’était l’été-, aimé le petit jardin terrasse.
Et quant aux tunnels routiers, comme avec les Fleurs du Mal, vous en avez fait de la beauté.
Ca ne me réconcilie certes pas avec la voiture, dont, ni trop maso ni trop pollueur, je me sers le moins possible,
et animateur de randonnées à pied, ça m’a donné l’idée de voir comment sans elle gagner vos deux sites.
Pour Vézelay, il faut le vouloir, mais pour la basilique de Tournus, à deux cent mètres de la gare… Enfin si on doit un jour emprunter la A6…
… pourtant, je crois savoir que de Vézelay part un GR vers Saint Jacques de Compostelle, mais beaucoup moins fréquenté que celui du Puy en Velay. La marche à pied méditative, il n’y a que cela de vrai !
Pour Paris Vézelay sans voiture, j’ai dit, Alain, « il faut le vouloir », car votre entrée semblait concerner l’automobiliste pressé, pas forcément enclin à enchaîner petit train et taxi,
mais si l’on « veut » marcher, on part de la gare à pied, et après la nuit à Vézelay, alors oui, la route méditative de Compostelle vous est ouverte!
Oui, Belle et Bonne année 2013 à nous tous.
« Embellissons ce monde qui en a tant besoin », belle formule!
Faisons en sorte de la mettre en oeuvre, faisons notre part de colibri, chacun, à notre mesure.
C’est mon voeu pour 2013.
Et à la fin de l’année, Je me demanderai: qu’ai-je fait pour embellir le monde?