On pourrait se croire au bord d’une mer ordinaire, où sous le soleil paradisiaque et les parasols d’une plage, dans la brume de chaleur nimbant délicatement l’horizon, des touristes insouciants batifolent joyeusement dans l’eau, pour oublier le stress de n’importe quelle mégapole de ce monde.
Mais nous sommes au bord de la Mer Morte, du côté jordanien et il s’agit actuellement d’une mer trois fois morte.
D’abord, elle est morte naturellement depuis un temps immémorial, car son taux de salinité est le plus fort de toutes les mers du monde, ce qui empêche toute vie végétale et animale : pas d’algue, pas de coraux, pas de poisson, rien que du sel s’étendant par plaques brillantes sur les rives et de la boue contenant des sels minéraux précieux faisant la fortune des industries cosmétiques et des thalassothérapies.
Mais depuis un temps relativement récent, une deuxième mort menace la Mer Morte : son niveau baisse rapidement de manière dramatique : elle perd un mètre par an, sa surface s’est réduite de 20% durant le dernier quart du 20e siècle ; et si on ne fait rien, en 2050, la mer morte ne sera plus qu’un misérable marigot.
Qui sont les nouveaux tueurs de la Mer Morte ? Les hommes bien sûr, les hommes dans leur aveugle frénésie industrielle prédatrice, qui n’en finissent pas de pomper les rivières venant alimenter d’eau fraîche cette mer intérieure. Israël est pointée du doigt, encore une fois, qui a presque asséché le Jourdain pour les besoins d’une agriculture intensive insatiable, si bien qu’en aval de la rivière, près de l’endroit où elle se jette dans la Mer Morte – là où Jésus aurait reçu de St Jean le rituel du baptême -, tout est asséché ou réduit à l’état de marécage avec un mince et pitoyable filet d’eau au lieu d’une large rivière.
Mais il y a une troisième mort de la Mer Morte et celle-là est d’ordre politique. La Mer morte sert de frontière entre la Cisjordanie occupée depuis 1967 par Israël et la Jordanie et c’est une frontière sous tension, une sorte de no man’s land surveillé des deux côté par des militaires dans leurs miradors. Les touristes ont le droit d’y batifoler au soleil, mais après vérification de leurs papiers dans les check-points et dans certains endroits bien délimités par des barbelés. La Mer Morte porte le poids d’un conflit qui n’en finit pas et qui a vu la mort et surtout l’exil de millions de palestiniens dépossédés de leur terre et de leur liberté. Le calme de la mer morte est un faux calme, c’est un calme de mort après la guerre où chacun se surveille silencieusement des deux rives, prêt à tirer de nouveau sur la gâchette au moindre incident.
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que de belles photos
et bravo pour cette terrible illustration de la folie des hommes